Mathieu Stannis, réalisateur aigri et frustré de films d’action à succès sans âme, est kidnappé par les agents d’une dictature asiatique. Le leader de ce pays est un grand amateur de 7ème art, excédé par la nullité des productions cinématographiques locales, qui va exiger de Mathieu qu’il mette en scène une nouvelle adaptation de King Kong, dont il a personnellement écrit le scénario et qui vise à chanter les louanges de sa patrie.
Avis de Cherycok :
Les préjugés sont durs pour les séries françaises lorsqu’on interroge le grand public. J’avoue que moi-même, hormis quelques exceptions telles que Kaamelott, Hero Corp ou Braquo, le mot « série » accompagné du mot « française » générait dans mon cerveau des images insupportables de Julie Lescaut, Joséphine Ange Gardien, Camping Paradis ou encore Louis la Brocante. Oui, je sais, c’est rude. Et puis un jour, on tombe par le plus grand des hasards sur Lazy Company, et puis c’est vachement bien. Comment ? On m’aurait menti ? Les Français sauraient eux aussi faire des séries qui sortent du lot et qui valent le détour ? Alors on fouille, et on trouve assez rapidement, et voilà que je m’enfile des épisodes de Templeton, de Lascars, de José, La Bouse, … Bon, La Bouse c’est mauvais et ça porte bien son nom, mais on y reviendra dans une future chronique. Et puis un jour, on tombe sur Kim Kong. Rien que le titre déjà, c’est tout un programme. Petit coup d’œil sur le pitch et oui, la confirmation est là, il faut que je voie ça. Après visionnage, je peux affirmer que Kim Kong est une comédie loufoque sur les dérives d’une dictature et une vraie déclaration d’amour au 7e art ! ».
Kim Kong s’inspire d’une histoire vraie, celle de l’enlèvement du cinéaste coréen Shin Sang-Ok, kidnappé en 1978 à Hong-Kong par la Corée du Nord afin de réaliser des longs métrages pour le pouvoir en place pendant près de 10 ans. Il y réalisera entre autres Pulgasari (1985), un remake de Godzilla. Voilà, l’anecdote étant placée, reprenons le cours normal de cette chronique.
Kim Kong s’attarde ici sur Matthieu Stannis (Jonathan Lambert), un célèbre réalisateur français de blockbusters à succès (n’y voyez pas une référence à Luc Besson) qui déprime de toujours tourner encore et encore les mêmes choses, les mêmes histoires, les mêmes scènes, et au final, les mêmes films. Il a perdu l’envie de filmer et se voit dans une impasse. Sa vie va prendre une tournure inattendue lorsqu’il se retrouve kidnappé par Le Commandeur, chef suprême d’une « République Populaire et Démocratique » d’Asie (ni voyez pas non plus une référence à la Corée du Nord), passionné par le septième art, exaspéré par la production cinématographique de son pays. Le deal sera simple, Matthieu Stannis devra réaliser une version de King-Kong écrite et storyboardée par Le Commandeur lui-même, l’histoire d’un gorille géant envoyé par Donald Trump, qui va se retourner contre eux car il va tomber amoureux du communisme et mettre l’armée Américaine en déroute, afin de vanter sa patrie aux yeux du monde entier, et en échange, il pourra rentrer chez lui. Sauf qu’avec des moyens extrêmement limités, une équipe technique ne comprenant pas la langue et des « traditions cinématographiques » bien ancrées, Matthieu Stannis va rapidement se heurter à un mur. Pourtant, il va petit à petit trouver dans cette atmosphère de tournage très particulière un remède à sa perte de motivation, lui permettant de revenir à l’essentiel, aux fondamentaux du Cinéma, et de compenser les contraintes et les problèmes de budget par une créativité et une inventivité qu’il avait depuis longtemps oubliées.
Sous ses airs de comédie légère au scénario improbable, Kim Kong est autant une réflexion sur le régime nord-coréen de Kim Jong-Un que sur la mise en abyme de l’industrie cinématographique et les règles qui la régissent. La critique pourrait sembler facile, mais Simon Jablonka et Alexis Le Sec réussissent le pari de ne pas tomber dans les pièges inhérents à ce genre d’exercice. Kim Kong est drôle et se montre très arrogant (dans le bon sens du terme) dans son humour. Il arrive à faire rire malgré le sujet délicat de la dictature dans un pays, grâce à des répliques qui font mouche et des personnages très bien écrits et pour le coup très attachants (oui, même le Commandeur malgré un côté imprévisible et effrayant). Les situations sont très souvent décalées et burlesques, sorte de mix entre l’humour Monty Python et celui bien franco-français, et l’amour pour le 7ème art transpire à chacune des scènes. Simon Jablonka et Alexis Le Sec taquinent et critiquent le cinéma aussi bien qu’ils lui rendent hommage, appuyant leur propos par la lutte et la métamorphose du personnage de Matthieu Stannis, obligé d’accepter la réalité et de faire preuve d’opiniâtreté pour surmonter les différentes épreuves auxquelles il va être confronté. Certaines d’ordre technique, donnant bon nombre de scènes excellentes, d’autres plus morales, bien plus dramatiquement, le ramenant sans cesse à la réalité. Car oui, l’humour et la légèreté ambiante font parfois place à un ton bien plus grave qui, même s’il se retrouve le plus souvent désamorcé par un retour rapide à la loufoquerie, appuie bien la critique et se fait marquant.
Les trois épisodes qui composent la série passent comme une lettre à la poste, même si on regrette parfois que les deux scénaristes n’arrivent pas réellement à choisir entre la réflexion sur l’aspect géopolitique et celle sur la création cinématographique, surfant pour le coup d’un sujet à l’autre mais sans jamais réellement approfondir ni l’un ni l’autre.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Très bon casting ♥ Le scénario barré ♥ La réflexion |
⊗ Ne va pas assez loin |
Kim Kong est le digne représentant de tout un pan de la fiction française qui essaie de proposer quelque chose de plus original que la moyenne. Très bien écrite, cette minisérie d’à peine trois épisodes réussit le pari de faire rire en traitant de sujets graves et d’actualité grâce à un humour fin et absurde qui fait mouche à tous les coups. |
Titre : Kim-Kong
Saison : 1 (2017)
Format : 3 x 45min
Origine : France (Diffusé par Arte)
Genre : Korea del Arte
Créé par : Simon Jablonka, Alexis Le Sec
Acteurs : Jonathan Lambert, Audrey Giacomini, Frédéric Chau, Anthony Pho, Christophe Tek, Stephen Cafiero, Henry Courseaux, Isabelle Girardet