Titre : Survive Style 5+
Année : 2004
Durée : 2h00
Origine : Japon
Genre : Snatch poétique
Réalisateur : Gen Sekiguchi
Acteurs : Asano Tadanobu, Reika Hashimoto, Arakawa Yoshiyoshi, Vinnie Jones, Kyoko Koizumi, Hiroshi Abe, Ittoku Kishibe, Yumi Asou, Kanji Tsuda, Sonny Chiba, Jai West
Synopsis : Les destins croisés d’un homme aux prises avec une femme immortelle, un hypnotiseur à succès, une publicitaire, un homme convaincu d’être un oiseau, un gang de trois voleurs et un tueur à gages.
Avis de Yume :
Il y a des jours, comme celui où je devais voir Survive Style 5+, où toutes les mauvaises conditions étaient réunies : salle de projection pourrie, tête du voisin de devant remplissant la case réservée aux sous titres, manque de sommeil, spectateur au rire bruyant non communicatif, etc. Et pourtant, dès les premières secondes du film, il se passe quelque chose d’incroyable : tous les désagréments deviennent futiles, et un univers loufoque s’ouvre à mes yeux. Car s’il est une chose qui se dégage immédiatement du film, c’est bien cette sensation palpable que le jeune réalisateur Gen Sekiguchi va nous projeter dans son monde. Et il est plutôt rare de nos jours de découvrir des réalisateurs qui ont leur propre univers.
Le film s’ouvre donc sur un Asano Tadanobu enterrant un corps, rentrant chez lui, et découvrant assise à table la jeune femme censée être décédée. Coupure. Générique. Musique vive et entraînante. Couleurs fluos. Tiens, mais on dirait du Katsuhito Ishii ! Et clairement, ce Survive Style 5+ se rapproche sur énormément de points d’un film comme Shark Skin Man & Peach Hip Girl, mais aussi des modèles cultes de Guy Ritchie que sont Arnaques Crimes & Botaniques et Snatch. Des références face auxquelles Survive Style 5+ n’a pas à rougir de honte, car en prenant le meilleur, et y rajoutant une couche personnelle.
On suit donc au cours du film les parcours croisés de diverses personnes ou groupes de personnes, dont les vies vont prendre des tournants inattendus au cours d’une nuit. Citons en vrac, un homme luttant contre une femme aux pouvoirs surnaturels, un père de famille sous l’emprise de l’hypnose, une publiciste, un trio de voleurs, un tueur à gages anglais… Une galerie de personnages tous plus charismatiques les uns que les autres, croqués de main de maître dans un style pop manga.
Bien évidement les traits et les caractères sont exagérément poussifs, mais c’est dans cet archetypage que Survive Style 5+ trouve son rythme de croisière, avant justement de casser ce carcan préétabli pour finir dans un ton beaucoup plus poétique comparé à la folie des débuts. Bien sur, la réussite majeure de ces personnages tient à leurs interprètes respectifs. Et là, Gen Sekiguchi prouve un flair incroyable en réunissant un casting de rêve. En plus du caméo irrésistible de Sonny Chiba, et de seconds rôles décalés et attachants comme celui de Arakawa Yoshiyoshi, on retrouve Asano Tadanobu, impeccable comme à l’habitude, pour la seconde fois face à la démesurément douée et belle Reika Hashimoto (après Hakuchi).
Mais les prestations les plus hallucinantes sont dues à Hiroshi Abe, en hypnotiseur showman, Ittoku Kishibe, en salaryman se prenant pour un oiseau, et le grand Vinnie Jones, dans un rôle de tueur à gages proche de celui qui a fait sa renommée, Bullet Tooth Tony dans Snatch. Son « What’s your function in life » résonne longtemps après la fin du film, tout comme le « Come Baby, Come, Come Baby » du trio des jeunes voleurs. D’ailleurs Survive Style 5+ regorge de ce genre de petits détails sonores ou visuels, qui lui donnent une identité propre. Un des meilleurs exemples est l’intermède publicitaire du personnage de Kyoko Koizumi, véritable moment de délire revenant régulièrement après un tic visuel accompagné d’un Yeah !. Des publicités absurdes où on sent que Gen Sekiguchi se fait plaisir en retravaillant sur les bases de son ancien métier, où il s’est fait internationalement reconnaître.
Puis sous la loufoquerie assumée du film pointe une tendre poésie finale, qui permet de terminer le film dans une plénitude totale, après une histoire au rythme rapide. On délaisse donc le découpage par scènes pour s’attarder un peu plus longtemps quelques personnages. Les archétypes du début deviennent humains, et la morale finale est d’une beauté absolue.
De plus, des années de clip (dont un de Judy & Mary, pour les fans) et de pubs ont donné à Gen Sekiguchi un sens magique de la mise en scène. Les décors, les cadrages, les costumes, la musique, tout a été travaillé pour donner une cohérence sans faille à l’ensemble. Et malgré le découpage du film, l’histoire ne semble à aucun moment confuse, ou en perte de rythme. Il y a quelque chose chez ce réalisateur qui le mènera d’ici à peu rejoindre l’élite. Il ne manque en tout cas pas grand-chose pour que Survive Style 5+ soit un chef d’œuvre total, si ce n’est peut être cette filiation encore trop affirmée à certains réalisateurs. Mais loin d’être une honte, ce rapprochement permet quand même au film de Gen Sekiguchi d’être immédiatement culte. Come Baby, Come, Come, Baby !
Note : 9/10