A l’instar de Mr Vampire qui, grâce à son succès, a lancé la mode des ghost kung fu comedy à Hong Kong, le succès de God of Gamblers a popularisé le film de gambling dans l’ex-colonie britannique. Ce n’était pas le premier film de gambling à Hong Kong, mais c’est celui qui, grâce à son casting et son réalisateur Wong Jing, qui avait déjà tenté l’expérience plusieurs années auparavant avec Challenge of the Gamesters (1981), a lancé un genre qui a fait pas mal de rejetons. God of Gamblers a même eu droit à sa sortie VHS chez nous sous le titre Les Dieux du Jeu, ainsi que God of Gambler’s Return qui sera renommé L’Arnaqueur de Hong Kong, sans doute pour surfer sur la mode John Woo qui était arrivé également chez nous avec sa superstar Chow Yun-Fat.
La saga des God of Gamblers, c’est un bien beau bordel, avec des clones, des spin-off, des parodies, des films parallèles, et même dans la saga de base en elle-même, un peu schizophrène, sans réelle ligne temporelle bien définie, avec des acteurs disparaissant et revenant en fonction des films. Alors avec la sortie chez nous du coffret Spectrum Films réunissant pour la première fois au monde les 5 films de la saga en blu-ray, ainsi que le premier film de gambling de Wong Jing (premier film tout court), c’est normal que nous consacrions un dossier à cette saga culte du cinéma de Hong Kong.
1. Introduction
2. God of Gamblers / Les Dieux du Jeu (1989)
3. God of Gamblers II (1990)
4. God of Gamblers III : Back to Shanghai (1991)
5. God of Gamblers Returns / L’Arnaqueur de Hong Kong (1994)
6. God of Gamblers 3 – The Early Stage (1996)
7. Challenge of the Gamesters (1981)
8. Le coffret Spectrum
Titre : God of Gamblers / Les Dieux du Jeu
Année : 1989
Durée : 2h06
Réalisateur : Wong Jing
Scénario : Wong Jing
Versions : Cantonais 5.1 et 2.0, Mandarin 2.0, Français Mono
Acteurs : Chow Yun-Fat, Andy Lau, Joey Wong, Sharla Cheung Man, Charles Heung, Lung Fong, …
Synopsis : Alors qu’il s’apprête à affronter un des plus célèbres tricheurs du milieu, Ko Chun, le Dieu du jeu, est victime d’une mauvaise chute et se heurte le crâne sur un rocher. Il perd la mémoire et est recueilli par un joueur amateur qui ne tarde pas à découvrir ses talents de joueur de cartes…
Avis de Cherycok :
Wong Jing, le spécialiste du mélange des genres et des changements de tons abrupts, a frappé un grand coup avec God of Gamblers en 1989. Le Syndicat du Crime avec Chow Yun-Fat est un véritable raz de marée à Hong Kong en 1986. Histoire de Fantômes Chinois avec la belle Joey Wong rencontre un succès plus timide mais marque malgré tout les esprits. Andy Lau commence à être omniprésent au cinéma et devient une valeur sure. Il va les réunir tous les trois dans un film qui va bouffer à tous les râteliers mais qui va énormément plaire au public local, asseyant le réalisateur comme maitre du box-office à la fin des années 80. La recette est simple : du gambling, de la comédie tantôt lourdinque, tantôt bon enfant, et du bon gunfight bien furieux car l’ombre du succès du Syndicat du Crime n’est pas loin. Le résultat est certes parfois un peu longuet (2h05 tout de même), mais pourtant ô combien divertissant et surtout une bonne porte d’entrée au cinéma de Hong Kong pour qui hésiterait encore à le découvrir.
On va donc suivre le Dieu du Jeu qui, comme son nom l’indique, est le meilleur dans sa catégorie, un personnage incarné avec énormément de classe par un Chow Yun-Fat, les cheveux gominés en arrière, qui semble prendre un énorme plaisir à un coup se la péter grave lorsqu’il est le Dieu du Jeu, un coup faire n’importe quoi lorsque son personnage perd la mémoire et retombe en enfance. Deux facettes de Chow Yun-Fat dans les années 80 puisque bien que le grand public le connaisse pour ses heroic bloodshed de John Woo, le bougre a également tourné dans des comédies bien débiles. Il est l’attraction du film et c’est lui qui hisse clairement le film vers le haut bien que le reste du casting ne démérite pas. Le rythme du film est un peu étrange, avec une très longue partie en milieu de film qui va être très axé sur la comédie typiquement cantonaise des années 80’s où vont alterner des gags familiaux avec des sous-entendus sexuels pas toujours très finauds. Cette très longue partie est clairement le point faible du film car se trainant un peu en longueur, bien que les pitreries de toute la fine équipe soient parfois bien funs. Mais lorsque le dernier acte arrive, c’est une toute autre paire de manches. Wong Jing, adepte des changements de tons brutaux, fait virer le film, dans un premier temps, en heroic bloodshed bien énervé, bien violent, bien sanglant, très wooïen dans l’âme, avant de finir sur une partie de gambling dont il a le secret. Et qu’on soit adepte ou non de jeux de cartes, on ne sait pas par quel procédé miraculeux le réalisateur arrive à rendre cela intense, passionnant, qu’on y comprendre quelque chose ou pas.
God of Gamblers premier du nom, bien qu’il ne soit au final pas le meilleur de la saga, est un incontournable du cinéma de Hong Kong qui a lui tout seul a popularisé les films de gambling dans l’ex-colonie britannique.
Les bonus
L’habituelle Présentation du film par Arnaud Lanuque qu’on prend toujours plaisir à retrouver. Il replace le film dans son contexte et parle de l’impact qu’il aura sur l’industrie du cinéma de Hong Kong. Il évoque également la société de production Win’s, omniprésente à cette époque à Hong Kong, et de ses liens supposés avec les triades.
On y trouve également une interview intéressante avec Albert Mak, script sur le film, alors à ses débuts, qui nous parle un peu du tournage, avec quelques anecdotes, mais également la façon de travailler de Wong Jing, qui déléguait beaucoup lors des tournages. Il y évoque également comment étaient sur le plateau Chow Yun Fat, Joey Wong et Andy Lau, au sommet de leur gloire pour les deux premiers, en devenir pour le troisième.
La bande annonce du film en VOSTFR pour clôturer l’ensemble
Titre : God of Gamblers II
Année : 1990
Durée : 1h45
Réalisateur : Wong Jing
Scénario : Wong Jing
Versions : Cantonais 5.1 et 2.0, Mandarin 2.0
Acteurs : Andy Lau, Stephen Chow, Ng Man-Tat, Sharla Cheung Man, Charles Heung, …
Synopsis : Alors que Ko Chun, le God of Gamblers, voyage en Amérique du Sud et redistribue l’argent gagné à des œuvres de charité, son élève, le Knight of Gamblers, revient à Hong Kong. Il y fait la rencontre d’un jeune homme aux pouvoirs étonnants, qui se fait appeler le Saint of Gamblers, et souhaite lui aussi devenir l’élève de Ko Chun. Ensemble les deux hommes vont devoir affronter un nouvel adversaire redoutable.
Avis de Cherycok :
Étant donné le succès du premier film au box-office, 37M$HK, il était certain qu’une suite allait rapidement être mise en chantier histoire de continuer d’emmagasiner du pognon avec un genre qui semblait bien plaire au public. Mais pour ce 2ème film, Wong Jing a dû prendre en compte certaines données. La première, c’est que l’emploi du temps de Chow Yun-Fat était un peu complet et que si cette suite devait voir le jour rapidement, elle devait se faire sans lui. Hop, pirouette cacahuète, son personnage est parti s’exiler en Amérique du Sud. La 2ème chose, c’est qu’entre temps, le film All For The Winner (1990), parodie de God of Gamblers avec Stephen Chow dans le rôle-titre, est sorti et a fait lui aussi un tabac au box-office. Qu’à cela ne tienne, Wong Jing décide que Stephen Chow reprendra son rôle d’All For The Winner dans God of Gamblers 2, aux côtés d’Andy Lau déjà présent dans le premier film. Oui, c’est simple le cinéma à Hong Kong, on s’emmerde sur bien moins de choses. C’est simple mais cela va aussi apporter certains problèmes, l’univers sérieux de God of Gamblers, malgré son humour, va-t-il bien se marier avec l’humour très parodique d’All For The Winner ? Il y aura malgré tout quelques couacs…
God of Gamblers 2 va reprendre à peu près le même schéma que le premier mais va remplacer toute la partie de l’amnésie du personnage de Ko Chun par les tribulations du duo Stephen Chow / Ng Man-Tat et leur relation avec Andy Lau envers lequel ils voudront se faire bien voir. Bien qu’Andy Lau soit ici la star principale et remplace plutôt correctement Chow Yun-Fat (sans jamais l’égaler), l’attraction principale ici est Stephen Chow. Ses pouvoirs, comme créer des illusions ou changer des objets, vont être la source de bon nombre de gags lorgnant souvent vers un humour crétin, voire non sensique, qui sera la spécialité de l’acteur. Cet humour va occuper une place très importante dans le film, jusque dans les scènes de gambling, là où celles du premier film étaient malgré tout assez sérieuses. Cet humour prend de la place, beaucoup de place, d’autant plus qu’il n’est pas toujours très réussi, les gunfights et le gambling, bien que toujours plaisant, sont bien plus mis de côté. Lorsqu’ils arrivent, ils sont par contre une fois de plus très réussis. La fusillade dans la maison est de très belle facture, bien violente, avec des cascades, des explosions, et le gambling final a un côté hypnotisant, bien que moins sérieux que dans le premier film. A noter que Wong Jing semble se ficher des bugs de continuité de la saga, avec par exemple Sharla Cheung Man, décédée dans le premier film, qui revient ici dans un nouveau rôle ; même chose pour Ng Man-Tat qui revient, mais dans le rôle qu’il tenait dans All For The Winner.
Mais au final, qu’importe, bien qu’en deçà du premier film, bien que ressemblant parfois plus à une succession de sketchs de Stephen Chow / Ng Man-Tat, ce God of Gamblers 2 est un agréable divertissement qui fait la blague si vous voulez prolonger l’expérience du premier film.
Les bonus
Arnaud Lanuque nous parle donc de cette première suite qui va mixer les éléments du premier film, mais aussi de All For The Winner, sorti juste avant, parodie de God of Gamblers qui a commencé à bien populariser Stephen Chow. Il nous explique pourquoi God of Gamblers 2 est un film un peu schizophrène et pourquoi il a malgré tout été un énorme succès à Hong Kong.
Réalisée par Fred Ambroisine, cette interview du réalisateur / producteur / scénariste / acteur Wong Jing nous confirme que ce dernier est avant tout un businessman qui considère ses films comme des produits qui peuvent lui rapporter de l’argent. Mais aussi ses débuts, sur le fait qu’il ait toujours refusé d’apprendre de son père, Wong Tin-Lam, déjà dans le milieu, afin de suivre sa propre voie. Il revient sur ses gouts cinématographiques, les films qui l’ont inspiré, sa vision du ciné HK au moment de l’interview (2004), sa carrière de manière générale. Bien que l’amateur de cinéma de Hong Kong n’apprendra pas forcément beaucoup de choses, c’est une bonne source d’information sur le bonhomme pour qui a envie d’en savoir un peu plus sur lui. Le tout est entrecoupé d’extraits de ses films.
Enfin, la bande annonce du film sous-titrée français.
Titre : God of Gamblers III : Back to Shanghai
Année : 1991
Durée : 1h57
Réalisateur : Wong Jing
Scénario : Wong Jing
Versions : Cantonais 5.1 et 2.0, Mandarin 2.0
Acteurs : Stephen Chow, Ng Man-Tat, Gong Li, Ray Lui, Sharla Cheung Man, Charles Heung, …
Synopsis : Alors qu’il affronte son ennemi avec son pouvoir surnaturel, le Saint of Gamblers est renvoyé dans le Shanghai des années 30. Là il y fait la connaissance de son grand père qui ressemble comme deux gouttes d’eau à son oncle, et d’un richissime homme d’affaire.
Avis de Cherycok :
On prend les mêmes et on recommence. Enfin, pas tout à fait. Stephen Chow, grâce à des films tels qu’All For the Winner, Tricky Brains, Legend of the Dragon ou surtout Fight Back to School, est désormais une superstar de Hong Kong. Exit donc Andy Lau et c’est Stephen Chow qui est désormais la star de ce 3ème God of Gamblers qui va bien plus s’apparenter à un film de Stephen Chow que de Wong Jing. Car oui, God of Gamblers 2 ayant encore mieux marché au box-office que le premier, 40M$HK contre 37, ce 3ème film n’a pas tardé à voir le jour car lorsque Wong Jing a un filon, il ne le lâche pas comme ça. Pour mettre encore plus de chances de son côté, il fait appel à la star chinoise Gong Li et s’entoure de tout un tas de têtes connues du cinéma de Hong Kong, de Ray Lui à Sandra Ng, en passant par Tien Feng. Bien entendu, Ng Man-Tat, Charles Heung et Sharla Cheung Man sont toujours là pour assurer l’intendance. Pari réussi ? Oui ! Bien que l’esprit du God of Gamblers original s’éloigne de plus en plus, ce Back to Shanghai est une bonne comédie qui ravira les amateurs de Stephen Chow.
A l’instar du 2ème film, les personnages ont ici des pouvoirs spéciaux. On y retrouve d’ailleurs le personnage de John Chin Tung qui va faire le liant avec l’opus précédent. Stephen Chow est désormais le Saint of Gamblers, le disciple du God of Gamblers, et ça va être un show Stephen Chow de tous les instants. Autant dire que si vous êtes allergique à l’humour du bonhomme, vous risquez de passer un sale visionnage. Mais pour les amateurs, c’est du pain béni et on ne peut parfois qu’être admiratif devant l’inventivité de certains gags complètement farfelus, bien slapstick. Il n’y a aucun temps mort dans ce scénario un peu fou à base de pouvoirs spéciaux et de voyage dans le temps et bien que le film dure malgré tout 1h50, il passe comme une lettre à la poste. Bien entendu, on ne rigole pas à tous les gags, mais c’est une telle avalanche qu’il y en a forcément qui auront l’effet escompté, d’autant plus que Stephen Chow est tout bonnement déchainé. On a d’ailleurs l’impression que c’est Stephen Chow qui a dirigé l’ensemble et que le seul moment où Wong Jing, le roi du mélange des genres, a eu son mot à dire, c’est pour injecter des gunfights et rappeler à Chow qu’il faut du gambling (qui se retrouve ici en lointaine toile de fond). L’action y est d’ailleurs toujours efficace, bien nerveuse, histoire d’en donner également aux amateurs d’action, mais on sent que ce n’est plus la priorité.
God of Gamblers III : Back to Shanghai est sans doute l’opus de la saga qui ressemble le moins à un God of Gamblers. Mais comment résister aux pitreries parfois très imaginatives de Stephen Chow qui sont ici nombreuses et souvent inspirées.
Les bonus
Arnaud Lanuque revient donc sur ce 3ème opus de la saga et sur le pourquoi ce choix de faire aller nos personnages dans le passé plutôt que de continuer comme les deux opus précédents sur la même ligne temporelle. Il nous parle du changement de mentalité de la saga, sans doute parce que Stephen Chow devenait extrêmement populaire à Hong Kong et qu’il a eu les mains bien plus libres que sur l’opus précédent.
Cette interview de Albert Mak, script sur le film, vient compléter celle présente en bonus dans le premier film. Albert Mak parle de l’ambiance sur le tournage, nous donne quelques anecdotes, parle de la relation entre Stephen Chow et Ng Man-Tat, ou encore de Gong Li qui tournait là son premier film HK. Albert Mak est très agréable à écouter et se confie sans aucun problème. On aurait aimé que l’interview dure un peu plus longtemps et qu’on en sache plus sur la saga.
Élève de Lau Kar-Leung, membre de l’équipe de wushu de Guangdong, Yeung Jing-Jing rejoint la Shaw Brothers en 1979. Dans l’interview, elle revient sur son passé, sur ses débuts dans l’industrie cinématographique, lorsqu’elle a travaillé en tant que chorégraphe / cascadeuse, et bien entendu sur God of Gamblers III : Back to Shanghai dans lequel elle interprète le rôle de Ching. Elle évoque l’ambiance sur le plateau, comment certaines scènes ont dû être tournées plusieurs fois car Gong Li ne devait pas apparaitre dans la version taïwanaise du film (remplacée par Sophia Fang), ou encore de la relation au final assez fluide entre Wong Jing et Stephen Chow.
Et comme d’habitude, la bande annonce du film sous-titrée français.
Titre : God of Gamblers Returns / L’Arnaqueur de Hong Kong
Année : 1994
Durée : 2h04
Réalisateur : Wong Jing
Scénario : Wong Jing
Versions : Cantonais 5.1 et 2.0, Mandarin 2.0
Acteurs : Chow Yun-Fat, Tony Leung Ka-Fai, Elvis Tsui, Charles Heung, Chingmy Yau, Wu Chien Lien, …
Synopsis : Ko Chun, le « Dieu du Jeu » prend paisiblement sa retraite en France quand l’un de ses anciens rivaux lui demande une revanche et n’hésite pas à assassiner sa femme et l’enfant qu’elle portait en elle. Son désir de vengeance est contrarié par une promesse faite à son épouse de ne plus révéler son identité pendant un an. Cependant, cela ne l’empêchera pas de retourner en Chine où il se liera d’amitié avec un escroc, la fille d’un gangster, un gamin expert en kung-fu et un ex-policier chinois. Ensemble, ils vont se rendre à Taïwan pour relever le défi du sanguinaire Chow.
Avis de Cherycok :
Un an à peine sépare les trois premiers God of Gamblers, et alors que God of Gamblers III : Back to Shanghai rencontre un joli succès en 1991, bien que moindre que le 2ème film puisqu’on passe de 40M$HK de recettes à 31, rien n’arrive en 1992. Il faudra attendre 1994 pour revoir la saga des God of Gamblers avec God of Gambler’s Returns, mais surtout pour avoir le retour de Ko Chun, le Dieu du Jeu. Exit Stephen Chow et Ng Man-Tat, c’est le retour de Chow Yun-Fat pour un film qui est en quelques sortes la vraie suite du premier God of Gamblers, laissant tomber pour le coup toute numérotation dans son titre anglais (bien que le 2 soit présent dans le titre chinois), comme pour oublier les deux opus précédents. Exit également l’univers comique de Stephen Chow, nous sommes ici dans un pur produit Wong Jing, dans tout ce que cela a de plus foutraque, de plus bordélique, de plus nawak, un peu comme si on avait repris le premier film mais qu’on avait poussé le bouchon beaucoup plus loin. Considéré par certains comme le meilleur opus, Wong Jing recadre à sa façon une saga qui s’était un peu perdue (sans forcément réellement perdre en intérêt) et le résultat est hautement jouissif, rapportant pas moins de 52.5M$HK au box-office local, le plus gros score de la saga et un des plus gros succès du réalisateur.
Sorti à l’époque chez nous sous le titre L’Arnaqueur de Hong Kong, c’est du bon gros nawak avec même des scènes flirtant avec la Cat III. Comme le premier film, on va être ici dans un spectacle à la fois très sérieux et complètement débile, parfois dans une même scène. Le schéma sera le même que dans le premier film avec un Chow Yun Fat qui ne va certes pas perdre la mémoire, mais qui à la suite d’une promesse à sa femme sur son lit de mort, ne devra plus être le God of Gamblers pendant un an. En parallèle, nous aurons droit à un Tony Leung Fa-Fai bien en roue libre, reprenant le siège laissé vide par Andy Lau, qui semble s’amuser comme un petit fou. Les habitués auront le plaisir de retrouver au casting Charles Heung ou encore Sharla Cheung Man, mais vont venir se greffer tout un tas d’acteurs populaires de l’époque comme la sexy Chingmy Yau ou encore la jolie Wu Chien Lien. Ici, on s’en fiche des invraisemblances et des facilités scénaristiques, c’est le fun qui va primer et God of Gamblers Returns est un film généreux envers son public. Wong Jing a très bien compris ce que son public attendait et il lui donne. Chow Yun Fat est devenu une star internationale grâce aux Heroic Bloodshed de John Woo ? Il lui colle un flingue dans chaque main lors des gunfights. Le public aime les scènes de gambling ? Il pond une longue partie de cartes assez intense en guise de final. Le public aime que les grosses têtes d’affiche fassent les pitres ? Ça se lâche bien comme il faut ici. Le scénario n’est au final qu’anecdotique et Wong Jing met en boite un gloubi-boulga dont il a le secret et qui ravira tous les amateurs de cinéma de Hong Kong. Alors non, ce n’est jamais très finaud, mais on prend un énorme plaisir à voir cette bobine.
Véritable suite du premier God of Gamblers, God of Gamblers Returns est sans doute l’opus le plus réussi de la saga, la quintessence du gambling movie façon Wong Jing. Un classique du cinéma de Hong Kong que tout amateur se doit d’avoir vu.
Les bonus
Lors de sa présentation du fim, Arnaud Lanuque va évoquer la saga dans son ensemble, expliquant pourquoi ce God of Gamblers Returns est la vraie suite du premier film. Il revient également sur le casting, sur la réussite du film, ou sur comment Wong Jing, qui a bien participé à l’essor de la Cat. III à Hong Kong, insuffle le temps d’une ou deux scène des éléments de cette Cat.III, jusque là absents de la saga. On parle là bien entendu de la fameuse scène du bocal, mais aussi du côté ultra sexy de Chingmy Yau qui semble faire echo à des films tels que Naked Killer. Enfin, il explique pourquoi le film pourrait être une « métaphore » (volontaire ou non) de l’esprit hongkongais du milieu des années 90 à l’approche de la rétrocession.
Vient ensuite l’essai vidéo Le Monde du Jeu par Dylan Cheung. Ce dernier va retracer sur près de 50 ans le lien qui existe entre Wong Jing et les films/séries de gambling, de ses débuts à la télévision, à son premier film sur le gambling, Challenge of the Gamesters, en passant bien entendu par la saga God of Gamblers mais aussi par des films plus récents de Wong Jing tels que la trilogie From Vegas to Macau. Il y fait également un petit historique du cinéma de Hong Kong dans son ensemble, de l’arrivée des studios chinois sur l’ex-colonie anglaise dans les années 60/70, en s’attardant sur l’âge d’or des années 80/90 et la mentalité du public à chaque décennie. Une vidéo d’une 20aine de minutes très intéressante pour qui aime le cinéma de Hong Kong de manière générale.
God of Gamblers Returns a eu droit pour la première fois au monde à une restauration 2K à partir du négatif original. Un petit module de 5 minutes nous présente le avant / après, l’image du négatif et le résultat de la restauration afin de voir le travail qui a été fourni pour donner une si belle image à ce film pour sa première fois en HD.
Et comme d’habitude, la bande annonce du film sous-titrée français.
Titre : God of Gamblers 3 – The Early Stage
Année : 1996
Durée : 1h43
Réalisateur : Wong Jing
Scénario : Wong Jing
Versions : Cantonais 5.1 et 2.0, Mandarin 2.0
Acteurs : Leon Lai, Jordan Chan, Anita Yuen, Gigi Leung, Francis Ng, Cheung Tat-Ming, …
Synopsis : Le film suit les premières années de Ko Chun alors qu’il se bat pour obtenir le titre auquel il est destiné : Le Dieu des joueurs.
Avis de Cherycok :
God of Gamblers Returns a tout cassé au box-office et donc Wong Jing, en grand businessman qu’il est, remet le couvert deux années plus tard avec Gof of Gamblers 3- The Early Stage. Mais il ne s’agit pas d’une suite, plutôt un prequel, puisque le film se déroule avant le premier God of Gamblers et va nous raconter la jeunesse du personnage de Ko Chun, comment il est devenu le Dieu du Jeu. Nouveau casting donc, il fallait des personnages plus jeunes, mais ils ne vont pas être choisi au hasard. Leon Lai est une grande star locale de la chanson qui s’est improvisée acteur depuis quelques années ; Jordan Chan fait partie de cette nouvelle génération montante, Anita Yuen et Gigi Leung les nouveaux visages tout mignons de la 2ème moitié des années 90, et Francis Ng commence à être omniprésent dans le cinéma de Hong Kong. Malheureusement, ce film fera le plus petit score de la saga God of Gamblers au box-office, 17M$HK qui feront que Wong Jing mettra fin à la saga (il relancera une saga de Gambling avec Conman 2 ans plus tard). Pourtant, ce God of Gamblers 3 – The Early Stage est un très bon divertissement qui complète parfaitement l’histoire du personnage de Ko Chun.
Leon Lai reprend donc le rôle de Chow Yun fat dans sa version jeune et, bien qu’il n’ait pas la même classe et que les deux sont incomparables, il se débrouille étonnamment bien, aussi bien dans les scènes dramatiques que les moments plus cools (n’en déplaise à ses détracteurs). Jordan Chan reprend le rôle de Charles Heung et là aussi le résultat est des plus convaincants et les scènes d’action dans lesquelles il est impliqué fonctionnent parfaitement. Anita Yuen apporte la touche fraicheur avec son joli sourire. Bien qu’il se passe avant, ce prequel calque son déroulement sur les deux films précédents avec Chow Yun Fat (on pourrait même y voir un remake). L’aspect dramatique perdu dans les deux opus avec Stephen Chow reprend ici sa place et God of Gamblers 3 – The Early Stage va nous en apprendre plus sur la jeunesse de Ko Chun, sur comment sont arrivées ses différentes manies, et on est content d’avoir enfin un film qui étoffe un peu le lore de la saga. Bien entendu, l’humour est toujours présent, même s’il fonctionne ici un coup sur deux, et Wong Jing n’en oublie pas les scènes de gambling, réussies, en partie grâce au méchant du film incarné par un Francis Ng absolument délicieux avec ses cheveux longs et son regard de psychopathe. Alors oui, on pourra être déstabilisé au départ de ne pas retrouver le casting habituel, mais ce prequel fonctionne étonnement bien car on sent que Wong Jing aime sa saga et il n’a pas bâclé ce dernier film tant il semblait vouloir boucler la boucle.
Bien qu’il soit l’opus qui a rapporté le moins d’argent au box-office local, ce God of Gamblers 3 – The Early Stage conclut de bien belle manière cette saga culte du cinéma de Hong Kong. Par contre, Wong Jing n’en a pas fini avec le film de gambling mais ça, c’est une autre histoire…
Les bonus
Arnaud Lanuque revient sur la génèse de God of Gamblers 3 : The Early Stage. Wong Jing a dû faire sans les grosses stars de la saga, Chow Yun-Fat et Stephen Chow, et a donc eu l’idée de faire une préquelle qui, quelque part, est également un reboot. Il parle de ce nouveau casting et comment Wong Jing arrive sans cesse à s’entourer du bon casting et de la bonne équipe technique pour ses films. Il revient également sur l’institution qu’est devenus la saga au fil des épisodes, ainsi que la marque indélébile qu’elle a laissé sur la culture hongkongaise et même chinoise.
Et comme d’habitude, la bande annonce du film sous-titrée français.
Titre : Challenge of the Gamesters
Année : 1981
Durée : 1h40
Réalisateur : Wong Jing
Scénario : Wong Jing
Versions : Cantonais 2.0
Acteurs : Wong Yu, Patrick Tse, Chen Kuan-Tai, Melvin Wong, Cecilia Wong, …
Synopsis : Lo Sei-Hoi, un maître joueur est engagé par le gouvernement pour enquêter sur Zhang Lie, dont on pense qu’il vend des secrets aux Japonais. Avec son protégé Lei Li, Lo élabore un plan audacieux pour infiltrer la maison de Zhang afin de pénétrer dans un coffre-fort apparemment impénétrable et de sauver des documents précieux.
Avis de Cherycok :
Première réalisation de Wong Jing et déjà un film ayant pour thématique le gambling. C’est dire s’il était destiné à œuvrer dans ce genre ! Et encore, ce n’est même pas la première fois puisqu’avant de passer au grand écran, il a travaillé pour la télévision et ses séries les plus célèbres à Hong Kong, telles que The Shell Game, sont des séries sur… je vous le donne en mille… le gambling ! Oui, ça ne s’invente pas. Et ici, c’est pour le compte de la Shaw Brothers qu’il réalisé Challenge of the Gamesters, un très joli succès au box-office à l’époque et une bien belle entrée pour Wong Jing dans le milieu du cinéma. Car bien que la Shaw Brothers s’est cassé la figure au milieu des années 80, elle était encore très active en 1981 et Wong Jing a clairement montré que les films prenant cette thématique avaient un avenir dans l’ex-colonie britannique. Mais Challenge of the Gamesters, c’est aussi et surtout un bon film qui va mélanger gambling et action avec aux chorégraphies Yuen Cheung-Yan du clan Yuen. Alors restez connectés, c’est de la bonne !
Wong Jing semble avoir trouvé d’entrée de jeu la formule gagnante et, quelque part, ce premier film va être un reflet de la Wong Jing Touch à venir. Le film mélange presque tous les genres. Il y a de l’action, du drame, de la comédie, de la romance, le tout saupoudré avec du gambling, un peu de sang et un peu de sexe. Et bien entendu, de l’humour complètement débile comme lors de la scène du billard humain. Certains gimmicks sont déjà présents ici comme ce talent mortel d’un des personnages sur le lancer de cartes qu’on retrouvera dans bon nombre de ses films, de God of Gamblers en passant par City Hunter (souvenez-vous Leon Lai). Le film est ultra rythmé et ne laissera que peu de temps au spectateur de souffler, le tout dans la joie, la castagne et la bonne humeur. Bien qu’exagérées, les scènes martiales sont bien chorégraphiées par Yuen Cheung-Yan qui, entre Tigre Blanc (1980) et Legend of the Fighter (1982) de son frère Yuen woo-Ping, venait ici se détendre avec des combats virant sans cesse vers le fun. Alors soyons clairs, Challenge of the Gamesters n’est pas un grand film, mais c’est par contre un excellent divertissement fourre-tout comme Wong Jing sait les faire, et c’est d’ailleurs sans doute ça la recette de son succès ce qui, couplé à souvent des mises en scène solides et énergiques, a fait de lui une des personnalités les plus importantes du cinéma de Hong Kong depuis le début des années 80, n’en déplaise à ses nombreux détracteurs.
Avec ce premier film, Wong Jing impose déjà son style et sa patte au public et ce dernier s’est déplacé en masse dans les cinémas. Challenge of the Gamesters est un pur divertissement sans temps mort qui ravira tous les amateurs de cinéma de Hong Kong.
Les bonus
Arnaud Lanuque nous explique pourquoi la carrière de Wong Jing est lié aux films de gambling, un traumatisme lié à l’enfance qu’il va transformer en quelque chose de ludique au sein de ses films. Mais il nous explique également que ses inspirations proviennent du cinéma japonais des années 60/70. Arnaud nous refait les débuts de Wong Jing à la TVB, la plus grosse chaine de TV hongkongaise de l’époque, puis son arrivée à la Shaw Brothers qui, en perte de vitesse, a essayé de recruter de nouvelles têtes à la télévision, dont Wong Jing qui a par la suite réalisé de jolis succès commerciaux pour la Shaw.
Et on finit avec la bande annonce du film sous-titrée français.
Le coffret est un digistack contenant 6 blu-ray avec chacun un film et quelques bonus, un peu à la manière de ce que Spectrum avait fait pour le coffret PTU. Les masters sont de bonne qualité et la restauration de God of Gamblers Returns faite pour l’occasion est assez splendide, possiblement la plus belle image de tout le coffret.
Comme on commence à en avoir l’habitude avec Spectrum, on retrouvera également 4 cartes postales avec des illustrations autour de God of Gamblers.
Enfin, une petite bande dessinée produite pour l’occasion. Blood of the Gambler a été scénarisé et dessinée par Zi Xu, une artiste américaine d’origine chinoise qui avait déjà travaillé pour Spectrum Films en réalisant le visuel de leur édition de In The Heat of the Sun. Ils avaient aimé son travail et, ne voulant pas accompagner l’édition avec un livre sur la place du jeu dans le cinéma de Hong Kong, ils lui ont proposé cette bande dessinée. Elle a accepté et après 10 mois de travail, cette bande dessinée, donc inédite, est présente ici.
On y suit un détective solitaire dans le Hong Kong des années 70 qui doit découvrir la vérité sur le meurtre de son partenaire après l’apparition d’un nouveau témoin. Un supplément original et vraiment des plus sympathiques qui est en fait le premier chapitre d’une histoire qui devrait se poursuivre si on en croit le « Fin du premier chapitre » en dernière page. Sous quelle forme, c’est la question. Une autre coffret dédié au gambling ? Une bande dessinée à part entière éditée par Spectrum ? L’avenir nous le dira…
Si vous êtes intéressés par ce coffret, il est disponible au pris de 80€ sur le site de Spectrum Films.
1. Introduction
2. God of Gamblers / Les Dieux du Jeu (1989)
3. God of Gamblers II (1990)
4. God of Gamblers III : Back to Shanghai (1991)
5. God of Gamblers Returns / L’Arnaqueur de Hong Kong (1994)
6. God of Gamblers 3 – The Early Stage (1996)
7. Challenge of the Gamesters (1981)
8. Le coffret Spectrum