[Portrait] Rencontre avec Lee Sang-Woo

Jeune réalisateur né en 1971 à Séoul, Lee Sang-Woo devient, après son premier film Tropical Manila remarquable et remarqué, un personnage à part dans le paysage cinématographique coréen. C’est à l’université qu’il rencontra à l’âge de 25 ans le talentueux et controversé Kim Ki-Duk (Locataires, Samaria et Birdcage Inn) alors considéré comme un paria dans son pays. Kim Ki-Duk menaçait alors de ne plus faire distribuer ses film en Corée malgré sa réputation festivalière. C’est en l’assistant sur Time et Breath que Lee Sang-Woo fera ses premières armes. On comprend alors pourquoi le jeune réalisateur se distingue dans un cinéma aux thématiques dures et viscérales. Dans Tropical Manila, Lee Sang-Woo n’épargne pas la société coréenne en transposant à l’écran des personnages à la limite de l’autisme, leur appliquant des sévices physiques et psychologiques plus violents et méprisables les uns que les autres. Femmes violées et battues, personnages prostitués, torture sur animaux … on a sans doute déjà vu ça quelque part …

Ce qui fait l’originalité d’un film comme Tropical Manila, c’est le cheminement adopté par le réalisateur. En effet, tout le récit de son premier film se situe aux Philippines. A la base, Lee Sang-Woo n’avait qu’une petite histoire en tête et il pensait trouver l’inspiration au jour le jour. C’est sur place qu’il fera la rencontre d’un exilé sud-coréen qui inspirera son personnage principal. Ce fameux personnage était réfugié dans le pays afin d’échapper à un jugement pour homicide. Rappelons que le délai de prescription en Corée du Sud est de 15 ans. Cette histoire fascinante va donc servir à consolider le récit de Lee Sang-Woo et apporter la consistance nécessaire à la finalisation de cette oeuvre coup de poing. Ce qui est troublant formellement, c’est le traitement de l’image qui se rapproche énormément de ce que savent faire admirablement les grands réalisateurs de cinéma-vérité philippins tels que Brillante Mendoza (Le Masseur, John John) s’il ne fallait n’en citer  qu’un. Caméra à l’épaule dans les bas-fonds et les caniveaux de Manille, Lee Sang-Woo dépeint une réalité sociale froide et révoltante n’épargnant ni les Philippins, ni les Coréens. Aucun tabou et aucune inhibition ne semblent affecter le jeune réalisateur. L’acte sexuel à l’écran se voit d’une manière à la fois crue et stylisée au même titre que la mise à mort de certains animaux. Peu de réalisateurs oseraient aujourd’hui une telle démarche à la fois arrogante et essentielle afin d’observer l’âme humaine dans tout ce qu’elle a de plus sordide. La radicalité de Tropical Manila explique les soucis de financement de ce premier film aussi bien en Corée qu’aux Philippines, ainsi que la désertion des rares salles de cinéma ayant diffusées le film.

Heureusement, Lee Sang-Woo n’est pas du genre à se laisser impressionner par l’accueil mitigé de son film et, malgré les réactions négatives, il persiste dans son métier. Les festivals lui permettent de présenter son travail en dehors des circuits locaux coréens et philippins qui ne se distinguent pas par leur ouverture au cinéma d’art et essai. Son deuxième film intitulé Politicaly Sexy vient tout juste d’être mis en boîte et est maintenant en phase de montage et de postproduction. Rien que le titre promet déjà beaucoup et, soyez-en sûr, on en reparlera probablement très prochainement.

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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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