[Portrait] Chris Huo, le Michael Bay du DTV chinois

Chris Huo, de son vrai nom Huo Siuqiang (ou Huo Siu-Qiang), est né dans une famille pratiquant les arts martiaux. Très jeune, il rêvait de devenir une star des arts martiaux. Il a reçu son premier appareil photo un peu par hasard et, aimant filmer, passionné d’arts martiaux donc, il a rapidement rassemblé un groupe d’étudiants autour de lui pour filmer certaines de leurs activités préférées. L’expérience des études universitaires au Royaume-Uni a donné le coup d’envoi de sa vie cinématographique. Il a toujours voulu faire des films et s’est inscrit dans des écoles étrangères proposant des filières cinématographiques. Il a commencé à tourner des courts métrages dès son entrée à l’université, en demandant chaque jour des conseils aux professeurs de l’école de cinéma et en les suivant pour s’entrainer.

En 2012, Chris Huo commence à réaliser son premier film, 亲切的贞子, dont la traduction anglaise pourrait être The Kindly Sadako, un court métrage dans lequel un geek, Ah-Shui, en train de tranquillement regarder la coupe d’Europe de Football chez lui, est soudain confronté au sort de Sadako qui sort de la télévision et arrive dans notre monde. Ah Shui apprend petit à petit à gérer Sadako de différentes manières et arrive finalement à la renvoyer dans son monde grâce au pouvoir de l’amour.

Chris Huo himself

En 2015, il réalise son premier film pour la SVOD, 音乐梦天平 (Music Dream Scales). Deux ans plus tard, il enchaine deux films, toujours pour les plateformes de SVOD chinoises qu’il ne quittera plus. Le premier, Twin Detective, adapté de la bande dessinée du même nom, raconte l’étrange disparition d’un homme et la séries d’évènements au cours desquels son frère jumeau enquête. Le deuxième, The Last Wulin, est une comédie d’arts martiaux dans laquelle un fils d’assassin ne veut pas prendre le même chemin que son père, mais qui se retrouve chargé par des rebelles d’assassiner l’empereur avec l’aide d’un eunuque. Ce dernier fonctionnant plutôt bien, on lui demande de réaliser une « suite ». The Last Wulin 2 verra le jour dès 2018 et sera dans la même veine que le premier film.

Il va enchainer ensuite presque quatre ans durant des wu xia pian fantasy comme la série des Devil Guard, également appelée Demon Department, qui comporte quatre opus : Devil Guard: Four Symbols Enchanted (2018), Devil Guard: The Awakening of Cang Lung (2019), Devil Guard: The Beast of the West (2021) et Devil Guard: Art of Spiritual Origin (2022). On pourra également citer Martial Universe : The Immortal Stone of Nirvana en 2020, pour lequel il remporte le prix du meilleur réalisateur de l’année lors d’une cérémonie dédiée aux films en ligne, la China Online Film Week, prix qu’il gagnera également pour Martial Universe : Nine Talisman Tower en 2021. Au 6^ème Golden Network Film Festival, en 2022, il remporte également le prix du meilleur réalisateur.

Image promotionnelle de la saga Martial Universe

Mais Chris Huo semble avoir envie de changer de style, et bien qu’il réalisera de nouveau un wu xia pian fantasy en 2022, à savoir le très sympathique Strange Door and Dark Blade aux allures parfois de jeu vidéo live, il met en boite en 2020 une série romantique de 12 épisodes, This is Youth. En 2021, il s’essaie au film d’action contemporain avec The Sniper, l’histoire d’un tireur d’élite qui va échouer une mission à cause d’un enfant qu’il prendra sous son aile et qui, dix ans plus tard, deviendra à son tour un sniper de haut vol. Le succès fut énorme en SVOD et on a vu pulluler tous les mois des nouveaux films estampillés « Sniper », au point que certains ont parlé de « Sniperverse ».

Strange Door and Dark Blade (2022)

C’est en 2022 qu’il va réellement se faire remarquer avec un énorme carton sur les plateformes de SVOD chinoises, Blind War, dans lequel on retrouve l’acteur martial Andy On. Blind War, c’est une grosse série B fourre-tout, bancale sur de nombreux point, mais très généreuse en action réellement fun et violente, au point que cela titillera la curiosité de certains amateurs de cinéma de Hong Kong qui ont un peu retrouvé là-dedans la folie over the top de certains films d’action qu’ils ont apprécié par le passé. A partir de là, certains aficionados de ces DTV chinois ont commencé à surveiller la carrière de ce réalisateur qui sortait de la masse, à mi-chemin entre Michael Bay et Dante Lam mais avec les standards de ces DTV chinois respectant souvent un cahier des charges bien précis qu’il tente de transcender, parfois maladroitement dès qu’il en a l’occasion afin de tenter d’imposer de nouveaux standards. A partir de là, chacun de ses nouveaux films semble au-dessus de la masse, du moins en termes de production value.

Blind War (2022)

En 2023, ce sont deux films qui vont marquer les esprits des amateurs. Le premier, The King of Snipers, va avoir autant d’amateurs que de détracteurs, certains adorant le côté over the top de la bête, d’autres le trouvant complètement boursoufflé. Mais une fois de plus, cette histoire de femme sniper qui va devoir exécuter les ordres d’un homme qui lui a injecté des nano-bombes dans le corps va être un divertissement très ambitieux et ultra généreux en action qui aura fait exploser les comptes de visionnage de la plateforme de SVOD Youku. Le deuxième, The Comeback, est un actionner très sérieux qui fera plaisir aux amateurs de cinéma de Hong Kong puisqu’on y trouve Simon Yam, Andy On, Yuen Wah et Norman Chu. Beaucoup d’action, d’explosions, de gunfight, de bastons, pour un résultat pas parfait à cause de certains tics de réalisation du réalisateur, mais qui a le mérite de proposer à nouveau un divertissement badass ultra généreux.

Image promotionnelle de The King of Snipers (2023)

Simon Yam dans The Comeback (2023)

Son dernier film en date, à l’heure où j’écris ces lignes, va une fois de plus niveler le DTV chinois par le haut avec une production value encore plus haute. Hunt The Wicked, sorti en 2024, est à nouveau un actionner qui en a dans le ventre. Ultra rythmé, violent, bourrin, jouissif, enchainant les scènes d’action à un rythme effréné, mettant en vedette les excellents Andy On (encore lui !) et Tse Miu (Blind Sword, Fighting Against Evil) le film pourrait s’apparenter à un film HK des années 80/90 qui aurait été réalisé par le combo cité plus haut, Michael Bay / Dante Lam, tant toute la démesure du premier et la nervosité et le côté impactant de l’autre sont bien présents ici.

Face à face tendu entre Andy On et Tse Miu dans Hunt The Wicked (2024)

Il est clair que Chris Huo est un réalisateur à part dans le milieu du DTV chinois. On sent qu’il a été biberonné à la fois au cinéma d’action de Hong Kong des années 80/90 et au cinéma américain. La seule chose qui ressemble à un film de Chris Huo, c’est un film de Chris Huo, aussi bien parce que ses films semblent avoir un budget bien plus important que ce qu’il n’est réellement, que parce que sa mise en scène est aujourd’hui très reconnaissable. Adepte des plans au drone, d’effets de style parfois un peu trop clipesque, de (faux) plans séquences pour les scènes d’action, d’une caméra sans cesse en mouvement un peu à la manière d’un Gareth Evans (The Raid), son style peut aussi bien impressionner que fatiguer car il est capable de beaucoup de choses, parfois un peu trop putassières, au nom de l’action et de l’impressionnant à tout prix. Mais sincèrement, qu’on le veuille ou pas, bien qu’imparfait, ça a de la gueule et chacun de ses nouveaux films est un petit évènement pour les amateurs de DTV chinois.

Sa filmographie :