Suite et prologue du film de 1995, qui démarre à Chicago en 1988 où le détective Vincent Hanna poursuit un meurtrier psychopathe, tandis que l’équipe de Neil McCauley prépare le braquage du dépôt d’argent d’un cartel mexicain, et se poursuit après les évènements du film au Paraguay où Chris Shiherlis devient homme de main d’une famille mafieuse taïwanaise.
Avis de Nasserjones :
Je ne vous ferai pas l’offense de vous présenter Michael Mann, de revenir sur Heat ou sur la carrière du réalisateur. Je pense que tous les lecteurs de Darksidereviews connaissent aussi bien ou même mieux que moi l’œuvre de Mann. Pour ma part, Mann est mon réalisateur préféré. Il a peu à peu remplacé dans mon cœur John Woo et donc forcément la sortie de Heat 2 est pour moi un évènement. On le sait, la carrière du maestro du polar moderne s’est sérieusement compliquée ces dernières années avec les échecs commerciaux successifs de Miami Vice et surtout de Hacker. Bien qu’il revienne cette année avec son biopic consacré à Enzo Ferrari, on peut aisément supposer que peu de producteurs à Hollywood sont aujourd’hui disposés à redonner de l’argent à Mann pour réaliser un nouveau polar. C’est sans doute cette situation qui a poussé le réalisateur à coucher toutes ses obsessions sur papier sous forme de roman noir.
Alors on ne passe pas de réalisateur à écrivain en un claquement de doigts et, disons-le tout de suite, d’un point de vue strictement littéraire, Heat 2 est très moyen. Même moi qui suis très loin d’être un grand féru de littérature, j’ai trouvé l’écriture de Michael Man extrêmement pauvre. En fait, Mann a écrit son livre tout comme il aurait écrit un scénario et d’ailleurs c’est la sensation que j’ai eu en lisant ce roman, c’est en fait de plus lire un scénario qu’un roman, sensation accentuée encore plus par l’écriture au présent. Certes cette écriture au présent peut être considérée comme un choix purement stylistique des deux auteurs afin de rendre le récit le plus efficace et le plus cinématographique possible, mais j’y ai néanmoins plus vu une simple limite de compétences. En tout cas, je n’ai en tête aucun exemple d’une personnalité qui fut à la fois un grand écrivain et un grand réalisateur. On est soit l’un, soit l’autre, et Mann a été toute sa vie un homme de cinéma et de télévision et pas un écrivain. Cependant, des limites littéraires n’ont jamais empêchés certains auteurs de livrer des grandes œuvres. Edward Bunker, malfrat californien, apprit à écrire en prison où il écrivit son premier roman Aucune bête aussi féroce, véritable monument du roman noir américain. Ce roman adapté au cinéma en 1978 par Ulu Grosbard avec Dustin Hoffman dans le rôle principal, deviendra d’ailleurs l’une des principales sources d’inspiration de Michael Mann dans la construction de son personnage archétypal. Dès son deuxième film, Le solitaire, sorti en 1981, Michael Mann donne naissance à son héros type, un professionnel du crime, froid, méthodique, solitaire, en lutte contre un système qu’il ne pourra jamais vaincre. Ce personnage de cambrioleur professionnel décalqué sur le braqueur de Aucune bête aussi féroce, dont le parcours se finit dans un carnage final où il affronte la police armé d’un M16 (ça vous rappel quelque chose ?) reviendra tout au long de la carrière du réalisateur, décliné sous plusieurs formes, en braqueur dans Heat ou dans Public ennemies, en tueur dans Collateral ou en hacker de génie dans Hacker.
L’écriture simpliste de Michael Mann n’empêche donc en rien Heat 2 d’être une formidable saga criminelle s’inscrivant dans la lignée d’Aucune bête aussi féroce ou des Hommes de proie de Edward Bunker, ou encore de la trilogie Lloyd Hopkins de James Ellroy (lui-même grand fan de Edward Bunker et ayant déclaré à plusieurs reprises que Aucune bête aussi féroce était un de ses livres préféré). Heat 2 n’est donc pas seulement un livre réservé aux fans boys du réalisateur mais aussi un grand roman noir américain qui passionnera tous les adeptes de ce genre littéraire. Plus encore que chez Michael Connelly ou que chez R.J. Ellory, on sent dans ce Heat 2 tout l’héritage du roman noir américain se distiller à travers ses 695 pages dans un nihilisme, une noirceur et une violence ahurissante, remontant même jusqu’aux premiers romans de Jim Thompson. Heat 2 accumule tous les clichés et stéréotypes du genre. On retrouve dans ce récit téléguidé tous les éléments inhérents aux romans policier qu’on peut consommer par wagon depuis des décennies : un tueur psychopathe, des braquages, des casses, un flic opiniâtre qui ne respecte pas vraiment les lois, des organisations criminelles qui se font la guerre et des meurtres, encore des meurtres et des viols à outrance jusqu’à nous dégouter de l’espèce humaine. Mais Mann le fait juste avec un souci du détail et un souffle épique qu’on ne retrouve pas partout. Le livre nous balade à travers trois époques distinctes, débutant en 1988 à Chicago et se poursuivant sur 12 ans entre Los Angeles, Le Mexique et le Paraguay. On y retrouve toutes les obsessions de Mann et beaucoup d’éléments déjà vu dans ses films comme la Ciudad del Este où se situe une bonne partie du roman déjà aperçue dans Miami Vice, bien sûr le héros archétypal de Michael Mann incarné ici par le personnage de Chris Shiherlis, une histoire d’amour entre le héros blanc et une asiatique comme dans Miami Vice ou Hacker, le personnage de Ana Liu, une jeune mafieuse ambitieuse et intelligente, sorte de mix du personnage de Gong Li dans Miami Vice et de celui de Tang Wei dans Hacker, et une vision de la mondialisation du crime déjà présente au tout début de la carrière de Mann dans sa série Miami Vice. Heat 2 n’est pas seulement la suite de Heat, on y retrouve autant de Miami Vice, que de Hacker à travers ses pages (en gros les œuvres les plus personnelles de l’auteur). Heat 2 apparait donc comme une œuvre somme où le réalisateur compile toutes ses thématiques dans un style tellement cinématographique que chaque page, chaque chapitre ou paragraphe semble ne demander qu’une adaptation au cinéma. Inutile de préciser qu’à la fin de la lecture, tout fan de Michael Mann ne pourra que se prendre à fantasmer sur un possible film ou d’une série télé.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Une épopée criminelle passionnante qui se dévore comme une boite de chocolat ♥ Toute la richesse de l’univers Michael Mann regroupe en un seul ouvrage |
⊗ Une écriture un peu pauvre |
Malgré son écriture beaucoup trop minimaliste, Heat 2 est un formidable roman policier, perpétuant une certaine tradition du roman noir américain et un condensé de toute l’œuvre de Michael Mann, de ses obsessions et thématiques récurrentes. |
Titre : Heat 2
Année : 2023
Durée : 704
Nb de pages : U.S.A
Genre : Polar
Auteurs : Michael Mann, Meg Gardiner
Editeur : Harper Collins Noir