James Sunderland reçoit une lettre de sa défunte femme Mary morte il y a trois ans, lui demandant de la rejoindre dans la ville de Silent Hill.
Avis de Rick :
En 2024, Konami, c’est compliqué. Silent Hill, c’est encore plus compliqué. Cela fait plus de 10 ans que c’est compliqué. Il y a eu le dernier jeu Silent Hill Downpour, que Konami avait confié au studio Vatra, qui a fermé juste après avoir livré le jeu. C’était en 2012. Un jeu imparfait, fauché, sans doute produit trop rapidement. Bref, un jeu avec pas mal de bonnes intentions, mais comme souvent, flingué par de mauvaises décisions en coulisses, des décisions de chez Konami. Puis il y a eu le projet Silent Hills, rapidement annulé suite au divorce entre Konami et Kojima. Puis Silent Hill, c’était mort pendant des années, jusqu’à l’annonce surprise d’un revival, avec non pas un projet, ni deux, mais de multiples. Il y a eu Silent Hill Downfall, projet bancal déjà détesté, sorte de jeu interactif épisodique blindé de microtransactions, car Konami aime l’argent plus que tout. Puis il y a eu Silent Hill the Short Message, petite expérience gratuite de 2 ou 3 heures, qui s’est aussi fait défoncer. A titre personnel, je n’ai pas été convaincu, mais malgré tout, malgré son doublage anglais catastrophique et sa synchronisation labiale aux fraises, et son gameplay à base de fuite ne permettant pas d’admirer le travail sur la nouvelle créature, et bien je n’ai pas détesté, il y avait quelques idées, quelques moments d’ambiance qui fonctionnaient. Et puis il y a les deux plus gros projets annoncés. Silent Hill f, qui me fait furieusement envie (embaucher le scénariste de Higurashi no Naku Koro Ni, forcément, ça aide), mais dont l’on n’a plus entendu parler depuis son annonce. Et puis il y avait le projet fou pour surfer sur la vague lancée par Capcom avec ses remakes successifs de Resident Evil 2, 3 et 4. A savoir faire un remake de Silent Hill 2. Un projet qui a du sens (la folie actuelle des bons remakes, en commençant par l’opus le plus réputé de la saga), mais qui ne partait pas bien (toucher au chef d’œuvre de l’horreur psychologique en confiant le projet à la Bloober Team).
Car la Bloober Team, ce n’était pas du tout le studio rêvé pour le projet, vu son passif, avec des jeux comme Layers of Fear (soit un walking simulator où les tentatives de peur m’auront fait rire), Blair Witch (un peu la même chose) ou The Medium (jamais testé). Un studio donc souvent avec peu de gameplay, une horreur peu terrifiante et une écriture assez peu subtile. 8 Octobre 2024, le jeu sort, nous pouvons enfin juger. 15h30 de jeu plus tard, nécessaires pour arriver à ma première fin, je peux donc enfin avoir un avis définitif. Alors, coupons court à tout suspense. Silent Hill 2 version 2024 est un bon, voire parfois très bon jeu. Il est imparfait (l’original aussi dans le fond), forcément, en ayant fait le jeu original lors de sa sortie en 2001 il est moins marquant en termes de scénario, mais finalement, venant de ce studio, l’effort est incroyable. Et surtout, Silent Hill 2 est un très bon jeu. Pour une fois, Konami a su prendre de bonnes décisions, a su sans doute mettre le budget nécessaire, et laisser le temps nécessaire pour un tel développement. Car à l’image des remakes de Resident Evil 2 et 4 (le 3 étant un cas à part), Silent Hill 2 est un remake très fidèle mais pourtant très différent. Un jeu qui nous emmène donc en terrain connu, nous fait sans cesse nous rappeler l’expérience que l’on a pu vivre il y a 23 ans, mais qui pourtant se permet de changer ce que l’on connait pour nous surprendre, tout en gardant bien évidemment exactement la même intrigue. Et ça, on le vit dès l’ouverture. Après une ouverture identique, où l’on peut profiter des nouvelles compositions de Yamaoka Akira qui est donc revenu pour l’occasion, le jeu nous donne le contrôle, et on découvre donc Silent Hill et ses alentours via la nouvelle caméra à la mode, celle derrière notre personnage.
Premier constat évidemment, Silent Hill 2 est beau. Les décors, la brume hyper bien rendu, la gestion de l’obscurité en intérieur, la modélisation des personnages, malgré quelques sourires peu naturels, notamment en ce qui concerne Laura, la petite gamine. Bref, visuellement, ça reste une très bonne refonte, et jamais nous n’avons visité un Silent Hill aussi beau, aussi répugnant, aussi glauque. Surtout que les créatures aussi ont eu droit à une refonte graphique, souvent pour le meilleur (les infirmières à l’hôpital, Pyramid Head, les mannequins), parfois pour un résultat plus en demi-teinte, comme pour le premier ennemi du jeu avec son design qui donne l’impression de voir dans son dos une fermeture éclair, comme s’il s’agissait d’un homme en costume. Mais bon, la refonte graphique était au final le dernier des soucis que l’on avait envers ce remake. Les craintes, c’était tout le reste en réalité. Les combats (avec un premier trailer qui misait tout dessus), l’ambiance, l’intrigue, le changement de caméra, le rythme également vu que le studio avait annoncé un jeu bien plus long que l’expérience originale. Ce qui est le cas vu qu’il m’aura fallu plus de 15 heures pour en voir le bout.
On se rend rapidement compte qu’en réalité, tous ces éléments sont intimement liés, et que le plus souvent, le studio a fait un bon boulot. Alors, abordons le point qui faisait le plus peur, et qui sera finalement le plus rapide à aborder, à savoir l’intrigue. L’intrigue est identique au jeu de 2001, sans changement majeur, si ce n’est que certains dialogues furent légèrement changés, parfois allongés, et que certaines rencontres sont nouvelles. Lors de l’exploration de Silent Hill de nuit après la visite de l’hôpital par exemple, le joueur rencontrera de nouveau Angela dans le parc, pour une scène totalement inédite, permettant parfois d’approfondir un peu les personnages. Alors oui, certains ajouts ou dialogues allongés explicitent beaucoup plus le propos du jeu, les traumas de ces personnages, mais ça fonctionne plutôt bien. Une modernisation donc, sans jamais dénaturer le jeu d’origine, tant mieux. Maintenant, il y a tout le reste, et c’est plus compliqué, car le changement de l’angle de caméra change forcément l’ambiance, et du coup, change également la façon dont le gameplay devait être pensé, et donc aussi le rythme de l’aventure. Tout est lié. Le gameplay donc est devenu plus souple, sans pour autant faire devenir James Sunderland un héros sûr de lui qui va mitrailler son chemin. La différence majeure, c’est l’ajout d’une esquive, et forcément, vue à la troisième personne oblige, l’ajout d’une visée permettant de tirer dans les jambes des ennemis ou dans la tête par exemple. Des ajours forcément qui se justifient avec le nouvel angle de caméra, mais qui amènent aussi du changement dans les ennemis et leurs comportements. De même, forcément, le changement d’angle amène du changement dans l’architecture des niveaux, leur design, et le positionnement des ennemis. Il y a de très bonnes choses là-dedans d’ailleurs.
Les ennemis sont donc plus agressifs, pour mettre en avant forcément un gameplay ajoutant une esquive et une visée. Rien de choquant là-dedans. Si c’est une bonne chose, les ennemis étant plus vivaces, ses ajouts trouvent rapidement leur limite, quand on comprend que souvent, deux ou trois coups suivis d’une esquive et ainsi de suite, ça suffit à éliminer presque tous les ennemis. Même certains boss, qui ont d’ailleurs été totalement repensés. Du coup, le plus grand ennemi du joueur sera, par moment, la peur de se retrouver face à plusieurs ennemis en même temps, ce qui rend la tâche plus compliquée. Pour autant, lors de quelques moments, le studio a su faire de bons choix pour surprendre aussi à ce niveau, comme par exemple dans la prison, avec ses plafonds très hauts, permettant aux ennemis de carrément se cacher dans l’obscurité, en hauteur, pour nous sauter dessus. Du moins et du moins bons donc, mais de bonnes intentions en tout cas. De même, avec la caméra suivant notre personnage, les ennemis ne sont plus forcément là où on les attendait, certains se cachant dans l’obscurité, dans un coin sombre, derrière une porte, totalement immobiles. Ça fonctionne ça aussi, et on se fera avoir plus d’une fois.
Reste à aborder les points les plus épineux, à savoir la structure même du jeu, et donc, son rythme général. Silent Hill 2 est donc bien plus long que le jeu original. 90% du temps, c’est pour de bonnes raisons. Des énigmes repensées (ah l’horloge du premier bâtiment, je ne m’y attendais pas), de nouvelles petites zones, plus de magasins que l’on peut explorer dans la ville pour rendre le tout plus vivant, plus réaliste, plus ouvert (même si les zones sont petites), et une architecture des lieux souvent refaite. Comme précisé, un bon 90% du temps, ça fonctionne, c’est pertinent. Le level design des différents niveaux est souvent bien pensés, on évolue bien, on est à la fois entre la reconnaissance de l’ambiance et de certains lieux iconiques et découverte totale. Un plutôt bon mix entre hommage et modernité, nostalgie et nouveauté. L’ajout de séquences et énigmes entières fonctionne durant toute la première moitié du jeu, et ce dès le début, avec cette nouvelle énigme du tourne-disque dans le bar par exemple avant d’accéder aux résidences, ou encore avec l’ajout de cette scène de tempête, qui permet au jeu de se faire plaisir en éléments météorologiques. Pareil pour l’exploration un peu plus poussée de la ville lors de la sortie de l’hôpital de nuit. Malheureusement, sur la fin, le jeu continue ce petit jeu de moments supplémentaires, et là ça fonctionne moins, pour diverses raisons. Le passage du labyrinthe, au final assez court dans le jeu original, devient ici long, avec des énigmes, de multiples zones, et même une zone où l’on affrontement des hordes d’ennemis. Non pas que cette zone soit mal construite ou ratée, mais allonger alors l’aventure juste avant le lieu final du jeu, c’est un peu retarder l’inévitable à un moment où le joueur lui justement veut avancer, en savoir enfin plus.
L’intention derrière est compréhensible, avec cette descente en enfer qui semble sans fin, mais parfois justement, il faut savoir faire avancer les choses. La labyrinthe, malgré quelques idées et visuels intéressants, me sera apparu comme l’une des zones les moins bonnes et prenantes du jeu. Avec le dernier ajout du titre, qui tout à coup, alors si proche de son dénouement final et de son twist final, se permet d’ajouter une zone qui change le gameplay et rappellera à certains joueurs un moment de Resident Evil Code Veronica, où il faudra laisser tous ses objets dans un casier pour explorer une nouvelle zone, et donc se faire discret et éviter les ennemis. Une zone ratée qui n’a en réalité même pas sa place ici, et c’est dommage. Un peu comme si le studio lui aussi ne voulait pas quitter l’univers de Silent Hill 2 et tentait par tous les moyens de retarder l’inévitable, maladroitement. C’est dommage. Surtout encore une fois, aussi tardivement dans l’aventure, là où les précédents changements étaient pertinents et bienvenus. Ça ne fait jamais de Silent Hill 2 un mauvais jeu, ni un mauvais remake d’ailleurs. Vu les craintes que l’on avait au départ, on pourrait même dire que c’est un excellent remake, et que l’on est plus qu’heureux de pouvoir arpenter de nouveaux les rues de Silent Hill, un Silent Hill encore plus beau qu’auparavant (surtout que Silent Hill the Short Message ne se déroulait pas à Silent Hill, et se déroulait intégralement en intérieur). L’expérience est satisfaisante, on retrouve même certaines émotions de la grande époque, et le jeu est un excellent remake. Mais avec quelques petits ajustements, il aurait pu être encore meilleur en réalité, et c’est ça qui est dommage. Mais comparé à ce que la saga nous a habitué depuis plus de 10 ans, ce n’est au final pas si mal.
GRAPHISMES |
Le jeu est beau. Les décors, la brume, les effets de lumières, les personnages. Alors on a quelques animations faciales peu naturelles, mais dans l’ensemble, c’est très beau. |
JOUABILITÉ |
Plus souple qu’à l’époque tout en restant assez rigide, ça ne dénature pas l’expérience et au final, c’est plaisant. |
DURÉE DE VIE |
Bien plus long qu’à l’époque. Si on a quelques longueurs surtout dans la dernière partie, le reste est bien fichu et bien pensé. 15h minimum donc en difficulté normale (sans doute plus avec le mode difficile pour les combats ET les énigmes). |
BANDE SON |
Des doublages convaincants, et surtout un design sonore et des musiques sublimes. |
CONCLUSION |
Et bien, contre toute attente, ce remake de Silent Hill 2 est très bon. Pas parfait, il tente d’en faire trop notamment dans sa dernière partie, trop longue alors que l’on est si proche du dénouement, mais pour le reste, il nous fait évoluer dans une aventure entre nostalgie et nouveautés, dans un Silent Hill crasseux plus beau que jamais. Un remake prenant et bien pensé donc, la plupart du temps. Espérons que ce soit le début de la renaissance pour Silent Hill, et pas un sursaut avant de retomber dans l’oubli. |
Titre : Silent Hill 2
Année : 8 Octobre 2024
Studio : Bloober Team
Editeur : Konami
Genre : Remake risqué
Joué et testé sur : Playstation 5
Existe sur : PlayStation 5, PC
Support : un disque
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