Collin Chou, de son vrai nom Chou Siu Lung, plus connu sous le nom que Samo hung lui a donné, Ngai Sing, est un des meilleurs cascadeur et artiste Martial du cinéma de Hong Kong. Il a affronté et travaillé avec les plus grand tel que Jackie Chan, Yuen Biao, Billy Chow, Jet Lee… Ancien membre de l’equipe de cascadeurs de Samo Hung, il est le seul à avoir eu l’honneur d’être l’élève de Samo. Apres avoir fait des téléfilms et séries tv, dû à la mauvaise posture du cinema d’action à Hong Kong, il décide de partir aux Etats-Unis pour percer et relancer sa carrière et pour ses debuts là bas, il a la chance de commencer fort avec un rôle dans Matrix 2 et 3. Ce n’est pas sans rappeller le debut de carrière d’un certain Jet Lee avec un petit rôle similaire dans un film du même producteur, nous lui souhaitons en tout cas le même succès.
– Comment avez vous débuté dans le milieu du cinéma ?
Je viens d’une famille nombreuse de Kaohsiung à Taiwan. J’ai 8 frères et 4 sœurs, je suis le huitième de la famille. Notre père nous abandonna quand le plus jeune fut né, laissant notre mère seule pour nous élever. Certains de mes frères allèrent dans un orphelinat pour pouvoir avoir une éducation, les autres restèrent avec ma mère et se mirent à travailler. Je suis allé à l’école pendant quelques années avant de décider à 6/7 ans de travailler aussi pour ainsi alléger le fardeau de ma mère. J’ai été un apprenti dans beaucoup de métiers différents, dans la sculpture du bois et la boulangerie par exemple. En travaillant dans ces endroits très différents j’ai appris sur le cinéma et les arts martiaux par mes collègues. J’ai rencontré 4 professeurs d’arts martiaux différents qui m’ont enseigné divers styles. Mon intérêt pour les films s’accrut avec le temps jusqu’à ce que je décide d’aller à Taipei à 12 ans.
En arrivant à Taipei, je lus dans un journal qu’une compagnie de films recrutait des acteurs. Je me rendis à l’audition et j’ai dû payer une très grosse somme d’argent pour rejoindre la formation. En fait, ils étaient en train de recruter des figurants, pas des acteurs, mais je ne le savais pas à ce moment là. Je fus très chanceux parce que pour mon premier travail en tant que figurant ils avaient besoin de quelqu’un capable de faire une réaction, être tué par une épée. Au début, ils voulaient utiliser un cascadeur pour ça mais je leur ai dit que je pouvais le faire et leur ai fait une démonstration de mes talents. Ils furent tous impressionnés et prirent mon numéro de téléphone. C’est comme ça que j’ai commencé dans l’industrie du cinéma et de la TV, en tant que cascadeur.
Au début de ma carrière de cascadeur, je doublais principalement les femmes à cause de ma taille et de mon petit gabarit. En prenant de l’âge, je devins plus grand, mes compétences augmentèrent et on me donna des cascades plus difficiles. J’appris « le kung fu de cinéma » qui implique le travail avec les angles de caméra et le mélange de différents styles pour les rendre beaux pour le plan. J’ai subi beaucoup de blessures, des coupures ou des os cassés mais j’adorais toujours mon travail. Quand il n’y avait pas de travail pour un cascadeur, je devenais serveur dans les bars et restaurants ou d’autres métiers plus étranges pour survivre. Quelquefois il y avait tellement de travail que j’allais d’un plateau à un autre, profitant des moments entre les prises pour dormir. A 18 ans, j’obtins mon premier rôle principal dans un film sur le Tae Kwon Doe. Samo Hung en était le producteur et c’est ainsi que je rejoignis son équipe à Hong Kong après avoir accompli mon service militaire de 2 ans à Taiwan.
– Vous êtes un très bon artiste martial, pouvez-vous nous en dire plus sur les styles et les maniements d’armes que vous avez appris ?
Merci pour le compliment, mais je ne suis pas un très bon artiste martial ! Je dois admettre que j’ai aimé apprendre et pratiquer différents styles et maniement d’armes. Comme je connais beaucoup de styles, je peux facilement répondre aux attentes des différents chorégraphes et faire exactement ce qu’ils ont en tête. Les 4 maîtres de ma jeunesse pratiquaient différents styles « animal » tel que le tigre, le léopard, la mante religieuse, la grue etc… A l’époque, je ne savais pas vraiment différencier chaque style, mais j’ai pris du plaisir à les apprendre. Après être arrivé à Taipei à l’age de 12 ans, j’ai commencé à apprendre le Taekwondo. J’aimais bien me balader dans les parcs ou beaucoup de gens s’exerçaient aux différentes armes tel que l’épée, le bâton etc… Des que j’avais le temps j’y allais et j’apprenais toute sorte de maniement d’armes de différentes personnes. J’ai aussi appris le « kung fu de cinema » en travaillant sur plusieurs films et avec différents cascadeurs. Je regardais les autres cascadeurs et je m’exerçais à reproduire leurs mouvements pendant mon temps libre. La plus part d’entre eux étaient formé dans le style de l’Opéra de Pékin, j’ai donc acquis des talents variés tel que la gymnastique ou le trampoline.
– Pouvez vous nous parler de vos relations avec Samo Hung, Il est un peu comme un maître pour vous ?
Je suis allé à Hong Kong en 1989. J’ai été recruté par Samo Hung deux ans avant à Taiwan quand j’ai joué le rôle principal d’un film qu’il produisait. Apres l’achèvement de mon service militaire, je suis allé à Hong Kong et je suis devenu un membre de l’équipe de Samo. Apres avoir terminé mon premier film à Hong Kong sous la direction de Samo Hung, il annonça à la presse que j’étais son premier élève. Avant cette annonce, je me considérais juste comme un autre membre de son équipe. Donc on peut dire que j’étais pas mal surpris et très reconnaissant qu’il me considère aussi hautement. Jusqu’à 1997, j’étais toujours son seul élève. J’ai quitté la compagnie de Samo en 1997 pour essayer de faire ma carrière en solo. Enfin, même si j’ai quitté son équipe, je le considère toujours comme mon maître. Je suis un homme très traditionnel et il y a un proverbe chinois qui dit : « Maître d’un jour, père pour toujours ».
– Et qu’en est-il en ce qui concerne vos relations avec le reste de l’équipe de Samo Hung et également avec son « petit frère » Yuen Biao qui était toujours très présents ur le plateau des films de Samo.
En 1989, quand je suis arrivé dans l’équipe de Samo, tous les anciens membres de l’équipe avaient déjà fait leur carrière en solo comme réalisateur ou chorégraphes. Samo avait recruté tout un nouveau groupe de cascadeur pour rejoindre l’équipe et nous avions tous le même « niveau » dans la hiérarchie. Nous nous entendions tous très bien même si eux parlaient Cantonais et moi seulement le mandarin. En 1989, Yuen Biao participait rarement aux chorégraphies des films de Samo. Je le connais juste pour ses talents d’acteurs. Sur le plateau, Yuen Biao était toujours traité avec respect. Il a été très sympa avec moi et m’appelait pour sortir avec lui quand nous étions tout les 2 libres et à Hong Kong. La dernière fois que je l’ai vu, c’est avant d’arrivé aux Etats-Unis en 1999.
– Vous avez souvent fait du doublage et vous faites toujours vos propres cascades, mais avez-vous déjà été doublé à cause d’une blessure ou pour une autre raison ?
La seule fois où je me rappelle m’être fait doubler dans une scène d’action, c’était parce qu’il y avait une poursuite en voiture et une scène de crash. Même si je sais conduire, je ne pense pas être assez bon pour être un cascadeur conducteur !
– Avez-vous quelques regrets par rapport au fait que vous avez joué quasiment que des rôles de méchants ? Vous aimez ça ou vous préférez jouer des personnages comme le « gentil » policier de « License to Steal » ou alors des rôles moins portés sur l’action comme dans « Hail the Judge » ?
Je ne suis pas déçu d’avoir jouer des personnages de méchants. Etant un acteur, je dois interpréter tous les rôles que j’accepte, au maximum de mes capacités. J’ai aussi beaucoup appris en travaillant avec tous les différents acteurs martiaux et réalisateurs. Bien sûr, j’aurais aimé jouer différents types de rôles mais la tendance dans l’industrie du cinéma de Hong Kong est d’engager les acteurs dans des rôles qu’ils avaient déjà bien interprétés auparavant.
J’espère que je serais capable d’interpréter différents rôles ici, aux USA. Comme vous le savez, il n’y a toujours pas beaucoup de rôles écrit spécifiquement pour les asiatiques. Mais il y a plus d’opportunités ici, aux USA, données aux acteurs de s’essayer à des rôles différents. Mon objectif est de jouer autant de rôles différents et instructifs que je le peux pour m’aider à bâtir une longue et belle carrière.
– Entre 1997 et 1999, vous avez fait beaucoup de téléfilms et séries télé. Le cinéma d’action ne se porte pas bien, les japonais ont du produire « No Problem 2 (Mou Man Tai 2)» pour revoir une bonne comédie d’action à l’ancienne. Croyez-vous que le public de Hong-Kong est lassé de voir ce genre de film ? Et que pensez-vous des copies pirates et de leur impact sur le cinéma de Hong-Kong ?
Durant la période de 1997 à 1999, l’industrie du cinéma ne se portait pas bien avec toutes les copies pirates et le faible revenu du box office et des critiques. Pour faire un film d’action, un énorme budget est nécessaire. Malheureusement, à cette époque, l’argent se faisait rare. Les films d’actions n’étaient pas assez originaux pour inciter le public à payer un ticket de cinéma plein tarif pour le voir au cinéma. Avec les copies pirates, toute une famille et même plus, peuvent voir le même film pour bien moins que le prix d’un tiquet de cinéma. Dans le but de survivre, l’industrie du film de Hong Kong s’est tournée vers les téléfilms qui nécessitent un budget bien inférieur et qui n’a pas besoin d’être diffusé dans un cinéma. Peut être que les gens vont se demander pourquoi tellement d’acteurs et de réalisateurs font ces téléfilms médiocres – la réponse est simple – nous devons travailler pour vivre et c’était ce qui était disponible pour nous à l’époque. Ses téléfilms m’ont permit de rester actif comme ça, maintenant, je peux passer à de meilleures choses.
– Quel est le rôle dont vous êtes le plus fier ?
Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai toujours pas trouvé de rôle qui me satisfasse entièrement. Mais j’espère que la sortie de Matrix 2 et 3 sera le tournant de ma carrière d’acteur.
– J’ai entendu dire que la Warner vous avez choisi au départ pour jouer le rôle de Wah Sing Ku, le méchant de L’arme Fatale 4, mais ils finalement ont choisi Jet Lee, est ce la vérité ?
Je crois que beaucoup d’acteurs sont approchés pour jouer n’importe quel rôle dans un film mais la décision finale appartient au producteur et au réalisateur du film.
– En 2002 vous avez joué dans « No Problem 2 (Mou Man Tai 2) » réalisé par un autre ancien membre de l’équipe de Samo : Chin Kar Lok, et également avec Yuen Biao. Comment se sont passées les retrouvailles avec eux ?
Même si Chin Kar Lok avait déjà quitté l’équipe de Samo en 1989, Samo faisait souvent appel à lui pour l’aider sur ses films. Kar Lok et moi faisions la plus part des démonstrations des chorégraphies de Samo ensemble parce que nos différents talents dans les arts martiaux étaient compatibles. Nous nous entendons très bien et nous sommes à peu près du même âge. J’ai toujours dis à Chin Kar Lok que s’il devenait réalisateur, je serais heureux de l’aider. Apres avoir travaillé avec lui sur Mou Man Tai 2, je sens qu’il n’a pas seulement du talent en tant qu’acteur mais aussi en tant que réalisateur. Je prédis qu’il deviendra un grand réalisateur dans un futur proche. En ce qui concerne Yuen Biao, même si nous sommes dans le même film, je n’ai pas de scènes avec lui. C’est vraiment dommage que je n’aie pas pu le revoir pendant la durée du tournage.
– Vous aviez déjà aidé Yuen Woo Ping sur le tournage du 1er Matrix, est-ce lui qui vous a aidé à avoir votre rôle dans Matrix 2 et 3 ?
En fait, je n’ai pas aidé Maitre Yuen sur le 1er Matrix. Nous avions travaillé ensemble sur Red Wolf et nous sommes restés en contact depuis. Je suis allé aux Etats Unis en septembre 1999 pour apprendre l’Anglais et pendant que j’étais là-bas, j’ai appelé Maitre Yuen pour lui faire savoir que j’étais aux Etats-Unis. J’ai reçu un appel de Maitre Yuen en juillet 2000, me demandant de rejoindre son équipe de cascadeur-cable (wire-team) pour travailler sur la pré-production de Matrix 2 et 3. J’ai travaillé avec eux de août à septembre 2000. Durant le dernier jour de travail, pensant que je ne reverrais sûrement pas les frères Wachowski à nouveau (comme Maître Yuen ne m’avait pas demandé de rejoindre son équipe pour le tournage mais seulement pour la pré-production), je leur ai donné mes photos et ma cassette de démo. A l’époque, les frères Wachowski avaient mentionné qu’ils pensaient m’offrir un rôle, mais je pensais qu’il plaisantait !
Je n’ai pas eu d’appel de la production de Matrix jusqu’en mars 2001. C’est seulement là que j’ai réalisé que les frères étaient sérieux quand ils parlaient de m’offrir un rôle. Je peux donc dire que Yuen Woo Ping m’a donné une opportunité pour que les frères Wachowski me découvrent.
– Quelles sont les différences entre les méthodes de travail de Samo Hung et Yuen Woo Ping ?
Samo est un homme très puissant et intelligent. Il connaît beaucoup de choses sur les différents aspects de l’industrie du cinéma. Samo est un grand artiste martial, un comédien et aussi un acteur dramatique très doué. En plus d’être un acteur rompu à tous les genres, Samo est aussi un excellent réalisateur. Il sait où la caméra doit être placée pour obtenir l’impact maximum pour une scène. Il est aussi très bon dans son contrôle du plateau. Si on peut comparer un plateau de cinéma à une armée, alors Samo est définitivement un grand général. Quand j’étais dans l’équipe de Samo, j’avais le sentiment qu’il voulait m’entraîner pour être comme lui, versatile à la fois devant et derrière les caméras. J’ai un temps pensé que je le pourrais mais j’ai réalisé que je ne suis pas assez intelligent pour faire toutes les choses dont il est capable. C’est pourquoi j’ai décidé de me concentrer sur mon jeu d’acteur.
En ce qui concerne Yuen Woo Ping, c’est quelqu’un de très gentil et sociable. Même Samo Hung nous disait (à son équipe de cascadeur) de regarder les films de Maître Yuen parce qu’on peut comprendre la théorie derrière chaque scène d’action. Ses scenes d’action ne sont pas juste de simples combats mais ont un sens encore plus élevé qu’il essaye de faire partager au public. Maître Yuen est aussi le seul réalisateur d’action que je connaisse qui ne se met jamais en colère sur le plateau.
– J’espère que votre rôle dans Matrix 2 et 3 vous aiderons à bâtir votre carrière aux Etats Unis, mais dans le futur, vous pensez que vous retravaillerez à Hong Kong ?
Bien sur que je retravaillerais à Hong Kong, aussi bien que dans d’autres pays dans le futur. Tant que les scénarios et les rôles sont intéressant et convenable, je considérais même faire des plus petits rôles ou des caméos.
– Quels sont vos prochains projets après Matrix ? Et si vous aviez le choix avec quel réalisateur vous voudriez travailler ?
Pour le moment, j’ai quelques projets qui sont chacun à des stades variés de développement. Rien n’est encore finalisé, mais je vous le ferais savoir dès que quelque chose entre en production.
J’aimerais travailler avec différents réalisateurs, cela inclus les nouveaux et les expérimentés car je pense que je peux en apprendre beaucoup de leur part. Récemment, j’ai aidé un ami sur son projet d’étudiant. Même si personne sur le plateau n’était payé, ils ont tous travaillé très dur. Leur dévouement au tournage du film m’a vraiment impressionné.
– Et pour finir, qu’avez vous à dire à vos fans français ?
D’abord laissez moi les remercier pour leur soutien. J’espère qu’ils continueront à regarder mes films et me donneront du temps pour bâtir ma carrière aux USA. J’espère aussi qu’ils aimeront ma future sélection de rôles. Ils sont les bienvenus pour visiter mon site web collinchou.com.
Nous Remercions Collin Chou pour son amabilité et sa disponibilité.
Propos recueillis et traduits par Tavantzis Nicolas (Ryo Saeba), avril 2003.