[Film] Zatoichi’s Vengeance, de Tokuzô Tanaka (1966)

Ichi tombe sur un homme agonisant qui lui demande de remettre l’argent qu’il transportait à un certain Taïchi. Peu après, il rencontre un prêtre aveugle se rendant dans une petite ville très tranquille où un festival est sur le point d’avoir lieu. Ichi décide d’aller aussi y faire un tour et découvre que Taïchi est un petit garçon vivant avec sa grand-mère. Il lui remet l’argent de son père et apprend que la ville est désormais sous l’emprise de Gonzo, le chef d’un gang rackettant sans scrupule les commerçants. Un nouveau combat s’annonce pour le masseur aveugle…

Avis de Kwaidan :
Les aventures d’Ichi se suivent et parviennent à conserver un intérêt toujours aussi important, comme en témoigne ce ZATOICHI’S VENGEANCE qui réussit une fois de plus à allier des personnages attachants à des scènes d’action comptant parmi les plus belles et impressionnantes de toute la série.

A travers l’admiration de Taïchi pour le masseur aveugle, le film va aborder l’influence de ce dernier sur les petits Japonais qui, à l’époque, étaient nombreux à vouloir imiter ses exploits. L’éternelle question se pose : Ichi a beau être une personne droite et pleine d’humanité, sa tendance à régler les problèmes par le sabre, et donc la violence, pourrait donner de mauvaises idées aux plus jeunes. C’est en tous cas la conviction du prêtre qui affirme à Ichi qu’il a corrompu l’âme de Taïchi en répondant par la force aux insultes d’une bande de yakuzas. Pour réparer sa faute, Ichi va tenter de sauver une vieille femme sous les yeux de l’enfant sans utiliser la violence, ce qui lui vaudra d’être copieusement battu et humilié. Une chose impensable pour le masseur qui, fou de rage, va prendre immédiatement sa revanche et élaguer une bonne dizaine de ses tortionnaires. Malheureusement, le gamin l’a suivi mais, face à la cruauté des yakuzas, même le prêtre reconnaîtra qu’Ichi n’avait pas le choix et que ce carnage n’avait rien de gratuit. Tout le monde est finalement d’accord pour dire qu’il est un héros positif et le film fait un magistral bras d’honneur aux mauvaises langues.

Dans la foulée, Ichi profite de la scène où les yakuzas se moquent de lui pour régler un autre débat : imiter un homme aveugle n’est-il pas insultant vis à vis de ceux qui souffrent réellement de ce handicap ? Face à ces films qui à aucun moment ne font d’humour déplacé sur les handicapés (bien au contraire), cette accusation était définitivement absurde mais, histoire de marquer clairement le point de vue de la série, le masseur donne à Taïchi une leçon dont tout le monde pourra profiter : se moquer des handicapés est une des choses les plus méprisables qui soient. Une idée véhiculée plus subtilement dans l’ensemble de la série mais l’énoncer clairement permet à un autre groupe de détracteurs crétins de fermer sa gueule pour de bon… L’histoire de Cho et du rônin est une des plus tragiques de toute la série et ce film, un des rares à s’achever sur une note particulièrement sombre. L’amour et la haine qui se déchirent à l’intérieur de la femme vont la pousser à faire payer celui qu’elle aime en détruisant sa vie comme il a détruit la sienne. La petite serveuse qui pensait trouver le bonheur auprès d’un vaillant samouraï a découvert que ce dernier n’était qu’un ivrogne et a fini prostituée. Recherchant désormais la rédemption, le rônin va tout faire pour payer la dette de cette dernière et lui donner la possibilité d’avoir enfin la vie qu’elle mérite. Mais il ira jusqu’à donner sa vie pour rien vu que Cho, sombrant dans l’alcool, décidera de rester prostitué. Deux destins brisés dans un final d’autant plus poignant que l’attitude de la femme, qui a montré auparavant combien elle est une personne droite et généreuse, ne fait que traduire un immense désespoir. A noter que le rônin est interprété par Shigeru Amachi, un acteur très important de la saga puisqu’il fut le samouraï ami et adversaire d’Ichi dans le mythique premier épisode.

Au rayon action, ce film est particulièrement impressionnant et original. D’abord parce qu’on y voit Ichi se battre de façon traditionnelle, avec un véritable sabre, contre une horde de yakuzas mais surtout à cause de son final, visuellement à couper à le souffle. Découvrant que son ouïe remplace sa vue, les adversaires d’Ichi vont utiliser des tambours pour déstabiliser le héros. Rien de bien neuf à première vue puisque le huitième épisode utilisait déjà cette idée avec des torches. Sauf que ce combat final prend des allures d’enivrant spectacle musical lorsque les personnages sont réduits à des silhouettes s’affrontant sur des rythmes infernaux. On se retrouve alors devant un véritable spectacle d’ombres chinoises beau à en pleurer, un ballet de fureur d’anthologie. Une séquence mythique suivie du traditionnel affrontement face au rônin, certes plus classique, mais toujours aussi jouissif. La comédie est elle aussi toujours présente avec des séquences savoureuses comme ces adversaires à l’agonie tombant en même temps qu’Ichi éternue bruyamment. Le sommet restera tout de même une séquence bien trash où Ichi balance sa crotte de nez (en gros plan !) dans le saké du chef de bande et lui demande ensuite si ce dernier n’était pas trop salé…

Titre : Zatoichi’s Vengeance / Zatoichi 13 / 座頭市の歌が聞える
Année : 1966
Durée : 1h23
Origine : Japon
Genre : Chambara
Réalisateur : Tokuzō Tanaka
Scénario : Hajime Takaiwa

Acteurs : Shintaro Katsu, Shigeru Amachi, Jun Hamamura, Gen Kimura, Koichi Mizuhara, Mayumi Ogawa, Kei Satô