Le hasard ramène Ichi dans sa ville natale après 23 ans d’absence. En se rendant à la maison de sa nourrice, il fait la connaissance de Omiyo, une jeune fille elle aussi élevée par la femme récemment décédée. Tout heureux de se rencontrer, les deux ont vite fait de se considérer comme frère et sœur. Mais Ichi n’est pas le seul à revenir en terre natale : Shinbei, un de ses anciens compagnons de jeu devenu un riche marchand, débarque en grande pompe et met la population de son côté en payant la dette des paysans. Mais cette générosité cache des plans diaboliques pour s’emparer des richesses dont recèle la mine appartenant au village. Nuire à l’endroit qui l’a vu naître et trahir des gens qu’il a connu depuis l’enfance sont déjà des facteurs suffisants pour que Shinbei s’attire les foudres du masseur aveugle mais lorsque Omiyo est enlevée pour lui servir de fille de joie, c’est à un Zatoichi plus enragé que jamais qu’il devra rendre des comptes…
Avis de Kwaidan :
Dernière aventure d’Ichi avant un repos de 16 longues années, ZATOICHI’S CONSPIRACY marque son retour à Kasama, sa ville natale. Le film baigne dans une ambiance nostalgique et mélancolique à mesure que le masseur se souvient de son enfance et découvre tout ce qui a changé. Ce 25ème épisode lève un peu plus le voile sur le passé d’Ichi. On apprend ainsi, qu’avec de nombreux autres enfants, il a été élevé par une nourrice. Un plan furtif nous le montre même tout bébé en train de téter. Après une enfance assez turbulente en compagnie du petit Shinbei, il a quitté le village avant d’y revenir 23 ans plus tard avec la réputation que l’on connaît. Dès le début, Ichi semblait déjà destiné à une vie de solitaire vu combien les villageois ne semblent pas porter dans leur cœur la femme qui l’a élevé. A vrai dire, son retour ne semble faire plaisir qu’à Omiyo, qui fait enfin la connaissance de ce frère dont elle a tant entendu parler, et son grand-père qui se souvient avec tendresse du garnement qu’il a été. Tout le contraire de Shinbei dont la réussite sociale lui vaut d’être accueilli comme un roi. D’autant qu’il va payer la dette des paysans.
Le parallèle Shinbei / Ichi permet de voir l’évolution radicalement opposée de deux personnes ayant pourtant connu le même départ. Ichi est devenu un yakuza, un masseur itinérant, mais a gardé de profonds liens de cœur avec sa terre natale et possède un immense sens de l’honneur. Shinbei, quant à lui, est devenu un homme riche, puissant, et respecté mais cachant en vérité une ordure feignant un attachement à son village pour mieux s’en approprier les richesses et n’hésitant pas à faire appel aux yakuzas les plus belliqueux pour effectuer ses sombres besognes. D’un côté, un homme rejetant toute humanité en faveur de son évolution sociale, de l’autre, un homme que toutes les richesses du monde ne détourneront jamais de la voie du cœur. Dès que l’on regarde au-delà des apparences, le plus respectable et celui qui a le mieux réussit sa vie n’est pas celui qu’on croit. La nourrice le fera d’ailleurs remarquer à Ichi dans une scène aux accents surnaturels: alors que peu de temps avant, le masseur s’adressait à elle en s’excusant pour ce qu’il est devenu, son kimono s’accroche à un bout de bois et le retient lorsqu’il s’apprête à quitter la maison définitivement. Un simple hasard ou plutôt la femme qui, depuis l’au-delà, tient à lui montrer qu’il est le bienvenu en ces lieux et ne doit pas partir, pour Omiye mais aussi pour remettre dans le droit chemin la bande d’adolescents qui a trouvé refuge dans la maison en ruines. De petits voleurs attirés par tout ce qui brille, les enfants apprendront l’honneur et le sens du sacrifice au contact de celui qui deviendra leur modèle.
Même s’il ne constitue pas un des sommets de la saga, ZATOICHI’S CONSPIRACY regorge de moments forts et respecte à la lettre la recette qui a fait ses preuves. On trouve tour à tour de savoureux moments de comédie lorsqu’à son arrivée Ichi est pris pour Shinbei ou qu’il se retrouve face aux enfants, du suspens lorsque le masseur s’enfonce dans un marécage, de l’émotion et de l’action, essentiellement concentrée dans le dernier quart d’heure. S’il n’est pas le plus spectaculaire de la saga, le traditionnel combat final reste toujours aussi bien chorégraphié et mis en image. De plus, il se déroule dans un lieu plutôt original, un entrepôt de riz, qui permet de créer un environnement sonore intéressant et propose quelques excès gore bien sympathiques. Rien que du bonheur donc. L’arrêt de la série ne signifie pas que Ichi trouve enfin un repos bien mérité. Malgré qu’il les ait sauvés, les villageois continuent pourtant de ne voir en lui qu’un vulgaire yakuza. Ichi reprend donc la route et quitte son village pour toujours. Omiye tentera bien de le rattraper, en vain. Mais même s’ils sont séparés, son frère restera à jamais présent dans son cœur, et réciproquement. Aucun des deux ne sera plus jamais réellement seul. Tel quel, le film constitue une belle façon « d’achever » les aventures de ce personnage qui n’avait pas quitté les écrans plus d’un an depuis 1962.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ L’ambiance mélancolique ♥ Le passé de Ichi ♥ Des personnages intéressants ♥ Des moments forts |
⊗ Parfois peu spectaculaire |
Après le surprenant et ultra-sombre ZATOICHI IN DESPERATION, ZATOICHI’S CONSPIRACY retourne vers une formule beaucoup plus classique mais toujours aussi efficace. Le film de Kimiyoshi Yasuda est un bon épisode, intéressant par son exploration des origines du héros, mais auquel il manque de réels moments d’anthologie pour finir une telle série en beauté. Katsu Shin remédiera à cela en 1989 en signant un ZATOICHI THE BLIND SWORDSMAN monumental qui offre au masseur aveugle le dernier tour de piste qu’il méritait et laissera la majorité de ses fans fous de bonheur. Merci à l’immense, au génial, à l’unique, Shintaro Katsu mais aussi à tous ceux qui ont œuvré sur ces 26 excellents films pour tous ces intenses moments de plaisir cinématographiques. |
Titre : Zatoichi’s Conspiracy / Zatoichi 25 / 新座頭市物語・笠間の血祭り
Année : 1973
Durée : 1h28
Origine : Japon
Genre : Chanbara
Réalisateur : Kimiyoshi Yasuda
Scénario : Yoshiko Hattori, Kan Shimozawa
Acteurs : Shintarō Katsu, Yukiyo Toake, Takashi Shimura, Eiji Okada, Kei Satō, Yoshio Tsuchiya, Rie Yokoyama, Tatsuo Endō, Shiro Kishibe, Goro Kumon