Dans le Japon des samouraïs, Zatoïchi est un voyageur aveugle, dont les yeux restent fermés, qui gagne sa vie en tant que joueur professionnel et masseur. Mais son handicap dissimule un guerrier stupéfiant dont l’extrême précision et la rapidité au sabre font de lui un combattant de kenjutsu hors pair. Au fil de ses pérégrinations, Zatoïchi arrive dans un village sous la coupe d’un chef local, Ginzo, qui fait régner la terreur en se débarrassant de quiconque osera se dresser sur son chemin, par l’intermédiaire d’un redoutable rōnin, Hattori. Zatoïchi rencontre dans un bar deux geishas aussi belles que dangereuses, qui se rendent de ville en ville pour rechercher le meurtrier de leurs parents. Leur seul indice est un nom : « Kuchinawa ». Alors que les hommes de main de Ginzo découvrent Zatoïchi, le combat s’engage et la légendaire canne-épée de celui-ci entre en action.
Avis de Rick :
L’idée de faire un nouveau film Zatoichi, elle ne datait pas de 2003. Zatoichi d’ailleurs, c’est l’une des plus longues sagas du cinéma Japonais, aux côtés de Godzilla. Mais ce n’est pas tout, puisqu’il y a aussi une série de télévisée. Au cinéma, c’est principalement de 1962 à 1989 que la saga a son heure de gloire. Enfin, de 1962 à 1972 surtout, 1989 était juste l’année d’un revival, le temps d’un film, 17 ans après le précédent, avec Katsu Shintaro dans le fameux rôle du masseur aveugle, Zatoichi, comme ce fut le cas depuis 1962, mais également présent à la mise en scène, pour la seconde fois. Mais voilà, après 1989, Zatoichi prend un peu de repos, avant que le studio n’approche Kitano pour en faire un film, le 27ème de la saga. Alors on dit également que Miike fut approché mais finalement ne fut pas choisi pour faire le métrage, ce qui donna le chanbara hyper violent et nihiliste IZO en 2004 en forme de petite vengeance, ainsi qu’une pièce de théâtre sur Zatoichi, joué par Aikawa Shô. Quoi qu’il en soit, le choix de Kitano est un choix intéressant, tant jusque là, sa carrière était surtout focalisé sur des Yakuzas au grand cœur, sur des films urbains souvent (oui je sais, il y a aussi la mer dans A Scene at the Sea). Du coup voir un réalisateur mais également scénariste et acteur donner sa vision de Zatoichi, c’est toujours intéressant, pour voir un nouvel aspect d’un univers ou d’un personnage, pour voir ce qu’un auteur peut apporter à un mythe si connu, pour éviter la simple redite après tant d’opus. Le plus amusant dans tout ça était que Zatoichi semble préfigurer un tournant dans la carrière de Kitano, puisque ces deux films suivants seront des films plus légers, sorte de mise en avant de la création, de son propre culte, de sa propre personne, avec Takeshi’s en 2005 et Glory to the Filmmaker en 2007, avant que Kitano ne signe un très beau drame (Achille et la Tortue) puis ne reparte parler de Yakuza, mais avec une approche beaucoup plus froide et réaliste plutôt que l’approche sensible qu’on lui connaissait. Zatoichi marque donc un certain tournant, d’autant plus qu’après avoir travaillé pendant bien 10 ans avec le compositeur Hisaishi Joe, qui est pour beaucoup indissociable de son œuvre, Kitano fait le choix de changer de compositeur à partir de Zatoichi, travaillant désormais avec Suzuki Keiichi, qui le suit toujours aujourd’hui.
Aucun doute donc, Zatoichi, en plus d’être un excellent film, est donc un film important au sein de la carrière de Kitano. Mais donc, pourquoi Zatoichi est excellent ? Oula, difficile de tout décrire, tant Zatoichi version 2003 est une œuvre singulière, charmante, rude aussi parfois, amusante à d’autres. Dans les grandes lignes de son scénario, l’œuvre ne surprend pas vraiment en tout cas, puisque c’est du classique dans le genre du chanbara, avec notre masseur aveugle qui arrive dans un petit village où un gang local fait pression sur les commerçants du coin, pour de l’argent bien entendu. Zatoichi, bien malgré lui, va donc venir en aide aux habitants. Classique oui, mais la manière dont Kitano va se servir du montage et par extension de la musique pour intégrer dans son récit divers autres personnages, qui seront autant de personnages clés, voir de personnages pouvant être vus comme les personnages principaux de leur propre intrigue, de manière assez originale. Car après un rapide combat en ouverture, mettant déjà en avant le seul vrai problème que j’ai avec le métrage, à savoir donc le sang numérique, qui est ici un choix esthétique, compréhensible même, mais que je trouve malgré tout trop « faux » pour parvenir à réussir, on entre dans le vif du sujet, avec notre masseur qui arrive dans le village, et sur sa route, voilà qu’il croisera, au son de paysans travaillant dans des champs, divers autres protagonistes (ou antagonistes parfois). Un procédé tout bête, mais qui permet, grâce au montage, de présenter l’intégralité des personnages avec leur petit flashback, le tout en seulement quelques minutes, afin de bien montrer d’entrée de jeu la plupart des enjeux. Et ça fonctionne. Déjà car Zatoichi a un casting bien comme il faut (pas que Kitano dans le rôle titre, on peut noter dans le rôle d’un rônin le génial Asano Tadanobu), mais car, malgré la présence de certaines intrigues ou sous intrigues prévisibles, il se fait riche et généreux. Passionnant même par moment. Amusant à d’autres.
La galerie de personnages est une des premières réussites du titre. La sobriété de la mise en scène en est une autre. Le travail sur le son également. Entre les musiques de Suzuki Keiichi, le design sonore, lors des combats pour les coups de sabre, ou tout bêtement, pour les jeux de dés dans lesquels Zatoichi excelle grâce à son ouïe exceptionnelle, ou comme je le citais, l’alchimie entre les images et le son de manière générale, avec ses paysans en arrière plan qui travaillent dans les champs et le font en rythme, créant leur propre musique. Ce genre d’événement intervient d’ailleurs à plusieurs reprises dans le métrage, juste avant un final grandiose sous forme de spectacle musical, claquettes à l’appuie, et qui m’a donné envie à l’époque d’apprendre à faire des claquettes (véridique !). Mais voilà, Zatoichi, c’est un chanbara musical presque, où les sabres font eux aussi de la musique, de celle qui amène la mort et les gerbes de sang, en CGI pas très jolies, mais malgré tout là. Car Zatoichi alterne entre des moments légers (le voisin qui passe son temps à crier et courir autour de la maison, l’entraînement au combat avec des bouts de bois entre villageois), des moments plus durs (le background de certains personnages, à coup de trahisons, meurtres et j’en passe) et d’autres carrément brutaux lors d’affrontements, où les lames tranchent, transpercent, voir découpent les corps parfois, séparant les mains de leurs corps. Après, n’ayant pas vu l’intégralité de la saga Zatoichi, je ne pourrais confirmer ou démentir sur les éventuels ajouts clairs et nets que Kitano a pu ajouter, ou non, à l’univers, mais en l’état, il signe un film souvent enchanteur, malgré quelques faux pas évidents. Pas que le faux sang en CGI, mais avec forcément une multitude de personnages qui se croisent encore et toujours, certains sont moins bons que d’autres. Mais il soigne son métrage et le maitrise sur presque 2h sans temps morts.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Très bonne mise en scène ♥ L’aspect musical du film, génial ♥ Des combats très violents ♥ Un montage habile ♥ Une ribambelle d’acteurs |
⊗ Le sang en CGI |
Zatoichi vu par Kitano, ça donne un film très violent, très musical aussi, mais non dénué d’humour. Un film où de multiples personnages se croisent, finalement liés par un même destin, souvent sanglant. |
Titre : Zatōichi – 座頭市
Année : 2003
Durée : 1h56
Origine : Japon
Genre : Chanbara
Réalisation : Kitano Takeshi
Scénario : Kitano Takeshi
Avec : Kitano Takeshi, Asano Tadanobu, Natsukawa Yui, Okusu Michiyo, Tachibana Daigoro, Saotome Taichi, Daike Yûko et Kishibe Ittoku
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