
Après quelques jours passés en prison, Ichi poursuit son errance à travers le Japon. Il séduira une yakuza, fera la connaissance d’un rônin peintre et poète à ses heures et, bien sûr, ne manquera pas d’aller faire un tour dans les maisons de jeu histoire de se remplir les poches. Le masseur finira enfin par trouver un peu de repos auprès des enfants d’un orphelinat. Mais comme toujours, il sera amené à faire couler le sang pour défendre sa propre vie ou protéger les innocents.
Avis de Kwaidan :
Vingt-sixième (rien que ça !) et ultime aventure du masseur aveugle avec Shintaro Katsu, ZATOICHI THE BLIND SWORDSMAN est aussi la seule à la fois écrite et réalisée par l’acteur-producteur. Un dernier tour de piste dans lequel le personnage est plus que jamais iconifié dans une aventure très violente mais sachant également faire place à l’humour (souvent très noir) et à l’émotion.
Même s’il faut lui reconnaître un bon sens du rythme et quelques très bonnes idées, le scénario ne brille pas particulièrement par son originalité et c’est surtout la réalisation de Katsu qu’il convient de saluer. Le film est visuellement splendide, avec de nombreux plan qui mériteraient d’être reproduits en posters géants comme ce combat nocturne sur un petit chemin éclairé par des lanternes: les flammes volent tout autour du masseur aveugle qui, dans un ballet de mort parfaitement réglé, défait ceux qui lui avaient tendu une embuscade. Une scène parmi tant d’autres dans laquelle Ichi possède une dimension quasi-surnaturelle et s’inscrit définitivement comme un mythe. A côté de cela, Katsu Shin profite pleinement des avantages d’être entièrement maître de son film et il est impossible de s’empêcher de sourire devant la scène de sexe avec la yakuza, plutôt torride pour la série, que s’offre ce vieux fripon. Pour son dernier épisode et après tant de combats, Ichi méritait bien sa partie de jambes en l’air. On notera également que la série s’est mise à l’heure des années 80 avec une chanson-titre en anglais typique de cette époque. Un choix artistique aussi étrange que le tour de chant de Tomisaburo Wakayama clôturant BABYCART III mais qui reste en fin de compte tout aussi amusant. Cet épisode s’intéresse à la blessure d’Ichi suite à la perte de sa mère, qui s’exprime surtout lors de la découverte d’un œuf d’oiseau tombé du nid: après avoir désespérément tenté d’appeler la mère, il décide de garder l’œuf et de s’occuper de l’oisillon qui en sortira, comme pour s’assurer qu’il n’aura pas lui aussi à vivre avec ce manque. Trop tôt disparue, Ichi n’a pour seuls souvenirs d’elle que l’image d’une jeune fille de 28 ans, l’âge de cette dernière lorsqu’il perdit la vue, devenue pour lui l’idéal féminin et un miroir qu’il conserve précieusement. Un objet qu’il ne montre qu’aux personnes qui lui sont chères et qui déclenche quelques beaux moments d’émotions lors des discussions avec le rônin et la jeune fille de l’orphelinat, elle aussi traumatisée par l’absence de sa mère.
Au niveau de la violence, ce ZATOICHI est assez gratiné et le sang coule à flots lorsqu’un personnage découpe son homme de main uniquement pour montrer qu’il a tous les droits ou qu’Ichi se retrouve face à des assaillants de plus en plus nombreux : les murs virent au rouge, les bras et les têtes volent dans tous les sens…Ces excès sont, dans un premier temps, compensés par un sens de l’humour potache proche de celui pratiqué dans ZATOICHI MEETS YOJIMBO: Ichi manque de se casser la gueule en nettoyant un porche, se montre visiblement énervé de toujours gagner à un jeu à boire contre le rônin ou tombe dans un trou malgré les indications des enfants. Dans un premier temps car lors d’un final de pure folie, le film se change en véritable cartoon live et joue à fond la carte de l’humour noir, voire carrément gore. L’arrivée d’Ichi sur le champ de bataille est, à ce titre, un moment d’anthologie à se passer en boucle: les adversaires, en nombre incroyable, voient rouler vers eux un énorme tonneau qui s’arrête au milieu de la rue et se redresse. Puis, à leur grande stupeur, la tête de leur chef en émerge et fait trois petits tours avant qu’Ichi ne détruise le tonneau et apparaisse, sa canne-épée dans une main et la tête tranchée dans l’autre. La suite est une boucherie digne du final du PARADIS BLANC DE L’ENFER, les traits d’humour en plus: Ichi utilise la tête comme une arme, massacre des centaines d’assaillants, se camoufle si bien dans un rouleau de paille tressée qu’il se fait pisser dessus avant de réduire son ennemi en charpie et, pour ajouter du piment à un dernier quart d’heure qui n’en manquait déjà pas, se retrouve avec un bébé sur les bras. L’ère Katsu s’achève sur un final monumental, exténuant, démentiel, ultra jouissif : du grand art !
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Bien rythmé ♥ De très bonnes idées ♥ Visuellement très réussi ♥ Sombre et violent ♥ L’humour assez noir |
⊗ Un scénario peu original |
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Shintaro Katsu signe un très grand chambara avec son ultime aventure de Zatoichi. Certains reprocheront le manque d’originalité de l’intrigue ou trouveront que « c’était mieux avant », mais cela n’enlève rien à ce monument de cinéma givré, à ce vibrant hommage d’un acteur de génie au personnage qui a fait sa gloire. Le pied que l’on prend devant le spectacle reste toutefois teinté d’une petite pointe de tristesse, notamment lors de la séquence bercée par la chanson titre montrant Ichi sur les routes et surtout la scène finale, où on le voit s’éloigner comme toujours, pour toujours. Savoir que l’acteur ne reprendra plus jamais le rôle rend ces instants extrêmement émouvants. |
Titre : Zatoichi: Darkness Is His All / Zatoichi 26 / 座頭市
Année : 1989
Durée : 1h56
Origine : Japon
Genre : Chanbara
Réalisateur : Shintaro Katsu
Scénario : Shintaro Katsu
Acteurs : Shintarō Katsu, Kanako Higuchi, Takanori Jinnai, Ryuutarô Gan, Yuya Uchida, Toyomi Kusano, Tsurutaro Kataoka, Miho Nakayama, Ken Ogata, Norihei Miki