Le légendaire Zatoichi se retrouve aux prises avec une bande de hors-la-loi qui se cache dans un village. Tandis que les bandits se cachent dans un grenier, ils tentent de manipuler et de corrompre le chef du village. Pendant ce temps, Zatoichi tente d’arracher une jeune femme de ses misérables conditions de vie et de travail, ce qui le conduit à affronter non seulement le maire du village, mais la bande de hors-la-loi…
Avis de Kwaidan :
Ichi se retrouve confronté à d’impitoyables criminels en fuite dans cette 18ème aventure signée par le très prolifique Kimiyoshi Yasuda qui, avec Kenji Misumi, aura tout de même été à la barre de près d’un quart de la saga. Des adversaires rappelant furieusement la « horde sauvage » de l’épisode 14 et qui donneront eux aussi bien du fil à retordre au masseur dans des combats plutôt violents puisque, après un ZATOICHI CHALLENGED adouci, le gore fait ici son grand retour.
ZATOICHI AND THE FUGITIVE marquera la rencontre entre Shintaro Katsu et Takashi Shimura, le leader des 7 samouraïs de Kurosawa, dans le rôle du médecin Junan. Malgré sa gentillesse et sa générosité indéniable, le bon docteur n’a pourtant pas toujours été très juste envers son fils aujourd’hui à la tête des malfaiteurs. Une face cachée qu’Ichi aura l’occasion de découvrir lorsque son hôte réalise que le masseur est également un yakuza renommé. Ce personnage plus complexe qu’il n’en a l’air, tout comme son fils dans lequel on découvre un homme souffrant énormément d’avoir été ainsi rejeté, démontre une fois de plus ce souci de ne pas faire reposer uniquement le film sur le héros. Le masseur est toujours entouré de personnages vrais, humains, intéressants et permettant de renforcer l’impact dramatique des histoires. Ichi apparaît ici plus que jamais comme un personnage surnaturel. Son face à face avec la femme s’étant acoquinée avec les fugitifs prend d’ailleurs des allures de film d’épouvante. Dans une pièce plongée dans l’obscurité, cette dernière tente désespérément d’échapper au masseur particulièrement menaçant et semblant se jouer de toutes contraintes spatiales et temporelles. Dans le genre, Michael Myers n’aurait pas fait mieux. Le discours d’Ichi renforce encore plus l’étrangeté de la séquence lorsqu’il dit « tuer » le mauvais côté de la femme pour lui permettre de redémarrer une nouvelle vie. Le héros dépasse alors le statut de simple défenseur des faibles et des opprimés et devient une créature fantastique, mi-ange mi-démon, capable de « laver » ses ennemis du mal qui les ronge et leur offrir la rédemption.
Après sa réelle apparition dans ZATOICHI THE OUTLAW, cette 18ème aventure se lâche de nouveau au niveau du gore. Atteint par une balle, Ichi l’extrait tout seul dans une scène préfigurant celle de RAMBO, des geysers de sang s’échappent des adversaires à l’agonie, le masseur calme un lanceur de couteau en lui coupant le bras… S’il reste moins spectaculaire que la confrontation d’anthologie de ZATOICHI UME NO WATARU, le final de cet épisode garde une grande puissance en montrant Ichi, pas encore remis de ses blessures et se vidant de son sang, se battre désespérément pour sauver le docteur et sa fille auxquels il doit la vie. Menaçant de s’effondrer à tout moment, le teint livide et le visage marqué par la douleur, le masseur sent que ce combat pourrait être le dernier et décide de lutter avec toute sa rage. Les « ballets » auxquels Ichi nous a habitué laissent alors place à un combat plus dépouillé, sec et violent. Rarement on aura ressenti autant de fureur dans chaque coup porté. L’image du héros blessé et s’éloignant en chancelant après la tempête sera reprise quelques années plus tard dans le 4ème BABYCART. Les dernières images particulièrement tragiques prolongent les thèmes abordés dans l’épisode 14. Depuis ce volet, Ichi se retrouve souvent directement confronté aux proches de ses adversaires tombés au combat et prend conscience de la douleur qu’il leur inflige. Ici, pour sauver le docteur et sa fille, il se voit dans l’obligation d’affronter le gang et donc de tuer le fils maudit sous les yeux même de sa famille. Celui qui était venu secourir ceux qui l’ont accueilli en ami, lui ont offert l’hospitalité et par-dessus tout sauvé la vie, finit, malgré lui, par leur infliger la souffrance et le deuil. Rarement un final n’aura montré Ichi aussi anéanti et seul. Un des moments les plus dépressifs de toute la saga qui annonce l’attitude suicidaire du masseur dans ZATOICHI AT LARGE (épisode 23).
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Le retour du gore ♥ Un film qui ne repose pas que sur son héros ♥ Un final puissant ♥ Des méchants mémorables |
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Doté d’une sacrée brochette de méchants, de beaux moments d’émotion et de combats aussi spectaculaires que violents, ce 18ème ZATOICHI poursuit brillamment la série et peut se voir comme un complément à ZATOICHI 14. Quoi ? Vous êtes encore là ? Arrêtez de perdre votre temps à lire cette chronique et courez plutôt mettre la main sur ce film une fois de plus indispensable ! |
Titre : Zatoichi and the Fugitives / Zatoichi 18 / 座頭市果し状
Année : 1968
Durée : 1h22
Origine : Japon
Genre : Chanbara
Réalisateur : Kimizoshi Yasuda
Scénario : Kinya Naoi
Acteurs : Shintaro Katsu, Takashi Shimura, Kayao Mikimoto, Kyosuke Machida, Yumiko Nogawa, Hosei Komatsu, Shôbun Inoue, Jutaro Hojo, Jotaro Semba