Au cours d’une traversée en bateau, Ichi fait la connaissance de Jumonji, un rônin passionné d’échecs, et affronte deux yakuzas qu’il a arnaqué aux dés. Poursuivant sa route avec son nouvel ami, il atterrit dans une ville où se trouve un gang ami des hommes qu’il a humilié. Louant ses services de masseur, le chef en profite pour le piéger afin de lui briser les doigts. S’ensuit un combat des plus violents entre Ichi désarmé et plusieurs hommes de main au cours duquel une petite fille est blessée. L’enfant allant de plus en plus mal, un médecin est dépêché sur place et annonce qu’elle mourra si on ne lui procure pas au plus vite un remède très coûteux. Se sentant responsable, Ichi promet à Tane, la mère de la petite, de tout faire pour la sauver.
Avis de Kwaidan :
Après sa crise existentielle dans ZATOICHI AND THE DOOMED MAN qui aurait pu traduire un désir de mettre fin à la saga, Ichi nous revient au meilleur de sa forme dans ce superbe volet signé par le grand Kenji Misumi. Une aventure qui embarque le spectateur dans un tourbillon de mystères, de violence, de comédie et de romantisme.
Dès la séquence d’introduction, on se rend compte qu’Ichi est beaucoup plus « humain » et vulnérable qu’auparavant. Rassurez-vous, il conserve bien sûr tous ses talents quasi-surnaturels dès qu’il s’agit de massacrer des nuées d’adversaires mais de nombreuses scènes le montrent victime de son handicap, comme lorsqu’il manque de marcher sur un rasoir ou recherche désespérément un objet pourtant juste à côté de lui. Un grand changement pour celui qui évitait le moindre caillou en travers de sa route plus habilement que n’importe quel voyant. Cette légère altération de ses sens va permettre à Ichi de comprendre qu’aussi autonome que l’on puisse être, on est toujours amené à devoir accepter de l’aide à un moment ou à un autre. Ce douzième épisode s’avère plein d’espoir après la vision peu reluisante de l’humanité donnée dans un numéro 11 peuplé uniquement de traîtres et de personnes intéressées. Si, au début, Ichi reste persuadé que tous ceux qui l’entourent cherchent à profiter de lui, il sera bouleversé dans ses convictions après avoir sauvé l’enfant. Face à la pureté d’âme et la gentillesse de la petite fille, le masseur ne pourra s’empêcher de fondre en larmes en retrouvant une parcelle de lumière et d’innocence dans un monde qu’il pensait plongé dans les ténèbres. Un optimisme qui sera renforcé par les actes bienveillants et désintéressés de l’homme et du serviteur dans la maison de bain, qui lui éviteront à deux reprises de se blesser à cause de son handicap.
« Nul n’est fait pour vivre seul » est une des principales thématiques de cette histoire, en particulier à travers la relation entre le masseur et la femme accompagnée de la petite fille qu’il prend sous son aile. Prolongeant les idées du huitième épisode, Ichi se retrouve ici plus que jamais dans la possibilité de fonder une famille. Une situation qui va réellement troubler le solitaire, tiraillé entre le bonheur qu’il ressent aux côtés de Tane et de l’enfant et l’impossibilité de les garder avec lui vu son existence dangereuse. En plus de porter le même prénom, les ressemblances physiques troublantes entre la femme et l’ancien amour d’Ichi (voir épisodes 1,2 et 4) font ressurgir les fantômes du passé et donne à cette opus une aura romantique très prononcée. Comme on pouvait s’en douter, Ichi n’a jamais oublié Tane dont il conserve une image idéalisée. Un souvenir qui l’empêche toujours d’accepter l’amour d’autres femmes et donne un côté tragique à la relation entre le masseur et l’autre Tane, désirant plus que tout vivre à ses côtés. Certaines scènes sont particulièrement poignantes, notamment lorsque la femme, comprenant qu’elle ne pourra vivre avec Ichi, mord ce dernier pour s’assurer, qu’au même titre que sa rivale décédée, il ne l’oubliera pas au moins jusqu’à ce que la douleur s’estompe.
ZATOICHI AND THE CHESS EXPERT possède une belle galerie de personnages ayant tous une part de mystère que l’on découvre à travers des coups de théâtre savamment orchestrés. Un des plus marquants est bien sûr Jumonji, le fameux maître des échecs. Un personnage trouble qui avoue apprécier énormément Ichi et n’hésite pas à combattre à ses côtés tout en faisant peser sur lui une menace permanente. Sa philosophie étant totalement opposée à celle du héros (il se bat non pas pour se défendre mais pour éliminer ceux qui sont meilleurs que lui), il n’hésite pas à tuer un ami l’ayant battu aux échecs ou possédant des talents qu’il n’aura jamais. Un profil correspondant parfaitement au masseur, capable de gagner une partie d’échec si Jumonji joue aussi « à l’aveugle » et dont les techniques de combat sont redoutables et inimitables. En plus de ses personnages magnifiquement dépeints, ce volet est très impressionnant au niveau de l’action. Parmi les nombreux combats comme toujours magnifiques et parfois teintés d’humour, on retrouve une empoignade furieuse entre des yakuzas et un Ichi privé de son sabre. Enervé par la lâcheté des truands, le masseur s’y montre particulièrement brutal avec des enfoncements d’yeux dans les orbites, des cassages de doigts et autres réjouissances. On retiendra aussi le final, composé de deux combats successifs, permettant de clore les multiples intrigues de cette aventure de façon magistrale.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ A nouveau des changements chez Ichi ♥ Le côté optimiste qui tranche ♥ L’aura romantique ♥ Les personnages ♥ L’action |
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Comme toujours avec Kenji Misumi, ZATOICHI 12 est un épisode incontournable de la longue saga. Son scénario magnifiquement rythmé et astucieux allié à d’excellents personnages en font un spectacle envoûtant, mené par le toujours aussi génial Shintaro Katsu. Douze aventures du masseur aveugle et douze œuvres indispensables, allant du très bon film au chef d’œuvre : c’est dire la qualité exceptionnelle de la meilleure série de l’histoire du chambara. |
Titre : Zatoichi and the Chess Expert / Zatoichi 12 / 座頭市地獄旅
Année : 1965
Durée : 1h27
Origine : Japon
Genre : Chambara
Réalisateur : Kenji Misumi
Scénario : Daisuke Ito
Acteurs : Shintaro Katsu, Mikio Narita, Chizuru Hayashi, Kaneko Iwasaki, Gaku Yamamoto, Tatsuo Endo, Takuya Fujioka, Taro Marui, Rokko Toura