En Chine, sous la dynastie Qing, Liu Jin-xi, un fabriquant de papier, mène une vie paisible dans un village isolé avec sa famille, jusqu’à ce qu’il tue accidentellement deux voleurs en tentant de se défendre. L’inspecteur Xu Bai-Jiu enquête sur l’événement, convaincu que Liu Jin-xi est en réalité l’un des hommes les plus dangereux de pays.
Avis de Cherycok :
Allez savoir pourquoi, j’avais fait l’impasse sur Wu Xia (sorti chez nous sous le titre Swordsmen) lors de sa sortie en 2011. Le film avait pourtant tout pour me plaire. Déjà, et comme son titre l’indique, il s’agit d’un wu xia pian, et j’adore ça ; ensuite, il y a le toujours excellent Donnie Yen (SPL, Ip Man) au casting, mais également des têtes connues telles que Kara Hui (Inspector Wears Skirts, Angel Terminator), Takeshi Kaneshiro (Chungking Express, Les Anges Déchus) ou Jimmy Wang Yu (The One-Armed Swordsman) ; enfin, c’est réalisé par Peter Chan qui a réalisé entres autres le très sympathique He’s a Woman She’s a Man (1994) et l’excellent Comrades Almost a Love Story (1996). Il aura fallu que ma femme, découvrant le cinéma asiatique et adorant Donnie Yen, soit tentée par ce film après avoir vu une vidéo d’un des combats, pour qu’enfin je me décide à regarder cette bobine qui, sur le papier, semblait faite pour moi. Au final, Wu Xia, c’est ce genre de film qui a fait que j’ai dirigé pendant 15 ans HKMania, la Passion du Cinéma Asiatique.
Titrer un film par l’intitulé du genre auquel il appartient, ça a de quoi titiller la curiosité, surtout que le wu xia pian est un genre présent depuis des décennies à Hong Kong, que ce soit par la littérature, le théâtre, les séries et donc par le cinéma. Pour ceux qui ne le sauraient pas, le Wu Xia Pian conte en général les aventures d’un chevalier pratiquant les arts martiaux, ayant souvent un code d’honneur, et qui doit protéger la population, souvent « la veuve et l’orphelin » de l’oppression, d’où qu’elle vienne. Mais depuis la crise du cinéma de Hong Kong, c’est par la Chine que cela passe maintenant et certains réalisateurs l’ont bien compris. Peter Chan a annoncé dans plusieurs interviews qu’il avait envie de conquérir le marché chinois. Il a commencé avec The Warlords en 2007, avec Jet Li, Andy Lau et Takeshi Kaneshiro en tête d’affiche, il continue donc avec ce Wu Xia. Très rapidement, on sent que ce dernier ne va pas être un wu xia pian comme les autres. On assiste dès le départ à un combat assez surréaliste entre le personnage de Donnie Yen ne sachant pas se battre, et deux malfrats venus soutirer quelques piécettes aux habitants d’un village perdu. Il remporte miraculeusement le combat. Vu qu’il y a deux morts, un inspecteur, interprété par Takeshi Kaneshiro, pointe le bout de sa loupe et va enquêter car il est persuadé que cet affrontement ne s’est pas du tout passé tel qu’il est raconté par la population et le principal intéressé. Dès lors, une enquête digne de Sherlock Holmes va commencer, une enquête qui va déconstruire le mythe du wu xia pian dans sa première partie, afin de mieux le reconstruire dans sa deuxième, tout en rendant clairement un hommage vibrant à la Shaw Brothers dans son acte final qui va faire sortir de sa retraite Jimmy Wang Yu, une des figures emblématiques du genre dans les années 60 et 70, qui n’avait plus tourné depuis 1993, avec un autre mythe du genre, celui du sabreur manchot. Le décorticage de cette première très longue scène est tout bonnement jouissif.
Le Wu Xia Pian est abordé sous un tout nouvel angle et c’est vraiment très frais. Cette confrontation « pacifiste » entre Donnie Yen, tiraillé par un lourd passé qu’il voudrait oublier et une vie désormais paisible avec une famille, et Takeshi Kaneshiro en enquêteur pointilleux, soucieux du moindre détail, mais atteint de quelques troubles psychologiques, est vraiment très intéressant à suivre. Donnie Yen trouve d’ailleurs ici un rôle très touchant qui lui permet de démontrer qu’il peut être un excellent acteur et pas juste un très bon distributeur de tatanes. Cette enquête va faire participer le spectateur afin qu’il essaie lui aussi de la résoudre bien que le scénario soit au final assez simple, assez linéaire, avec un chouette rebondissement dans un dernier acte. Néanmoins, il est suffisamment intelligent pour qu’on puisse se concentrer sur les différents personnages, une des forces du film. L’autre grosse force du film, c’est sa mise en scène. Les images sont ultra travaillées, la photographie est vraiment superbe. Peter Chan ne laisse rien au hasard et maitrise tout de bout en bout. On regrettera néanmoins l’utilisation un peu abusive, car désormais cliché, d’images de la résultante de coups (ou d’aiguilles d’acupuncture) sur l’intérieur du corps. Un énorme travail a été effectué au niveau de la musique et des bruitages afin d’accompagner parfaitement les différents moments clés du film, à commencer par les quelques affrontements. Oui, « quelques », car au final, l’action n’est pas si présente que ça. Pourtant, c’est tout à fait suffisant car, du coup, les scènes sont réellement marquantes. Les combats sont précis, extrêmement dynamiques, chorégraphiés de main de maître par Donnie Yen lui-même, agrémentés de petites touches de violence afin de leur donner encore plus d’impact. Clairement, Peter Chan a voulu à la fois contenter en un seul film les amateurs d’arts martiaux et ceux qui le sont un peu moins. Son film est clairement facile d’accès (point de reproche ici), traite aussi bien de l’honneur, de la famille, de la justice, que de la recherche d’identité, offre à la fois action et réflexion, tout en donnant une autre vision du wu xia pian sans dénaturer le genre. Pari clairement réussi !
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Mise en scène superbe ♥ Le duo Donnie Yen / Takeshi Kaneshiro ♥ L’hommage au genre ♥ Les scènes d’action |
⊗ Petit ventre mou de 15/20 minutes |
A mi-chemin entre le film d’enquête et le film d’arts martiaux, Wu Xia est une réussite quasi-totale et apporte un peu de sang neuf à un genre qui a fait les heures de gloire du cinéma de Hong Kong. Avis à tous les curieux, même les néophytes, vous pouvez y aller sans crainte. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Au départ, le film devait être un remake de One-Armed Swordsman (1967) de Chang Cheh dans lequel Jimmy Wang Yu interprétait le rôle principal.
• Le film s’est placé en première place du box-office chinois et a rapporté plus de 100 millions de yuans dès sa première semaine d’exploitation en salles.
• Donnie Yen et Peter Chan ont inauguré l’éclairage d’un panneau d’affichage géant pour Wu Xia qui est rentré dans le Guinness book des records pour sa taille, 3591m², précédemment occupé par une affiche d’un album de Michael Jackson.
• Wu Xia a été présenté hors compétition au Festival de Cannes et dans la sélection Action Asia du Festival de Deauville.
Titre : Wu Xia / Swordsmen / Dragon
Année : 2011
Durée : 1h54
Origine : Chine / Hong Kong
Genre : Elémentaire mon cher
Réalisateur : Peter Chan
Scénario : Aubrey Lam
Acteurs : Donnie Yen, Takeshi Kaneshiro, Tang Wei, Zheng Wei, Li Jia-Min, Jimmy Wang Yu, Kara Hui, Yin Zhu-Sheng, Qin Yan, To Ning, Yu Kang, Tanigaki Kenji