[Film] Wu Song, Tueur de Tigres, de Li Han-Hsiang (1982)


Le vieux Wu est un simple commerçant, handicapé et moqué de tous en raison de son physique, il tente péniblement de survivre en vendant son pain dans la rue. Son jeune frère, Wu Song, pour lequel il s’est toujours sacrifié, a connu plus de réussite que lui : grâce à son courage et à ses talents martiaux, il va tuer un tigre à mains nues et va ainsi devenir une gloire locale. Lorsqu’il revient dans sa ville natale et qu’il y retrouve son grand frère, Wu Song apprend que celui-ci s’est marié. A la grande surprise de Wu Song, l’épouse en question, Pan Chin Lien, est d’une beauté renversante, aux jolis pieds d’enfant. Bientôt la jeune femme commence à adopter un comportement troublant…


Avis de Oli :
Li Han-Hsiang adapte ici une légende bien connue de la littérature classique chinoise : celle de Wu Song, un héros chinois qui préféra ignorer les avertissements placardés dans un village mettant en garde contre un tigre rodant aux alentours. Pensant qu’il s’agissait là d’un simple folklore local (le tavernier s’amusant à interdire à ses clients de boire plus de trois verres avant de prendre la route, de peur que leur ébriété les empêche de fuir devant le tigre), Wu Song but au contraire tout ce qu’il pouvait ingurgiter et quitta l’auberge du village bien imbibé, à la tombée de la nuit. Bien entendu le tigre ne tarda pas à frapper, et Wu Song, après un combat acharné, parvint à se défaire de l’animal sauvage sans pour autant être armé. Cette histoire brasse bien des thèmes que j’aborderai un peu plus tard, elle pose aussi une question, toute simple : ce retentissant triomphe directement né du courage du héros, qui fait face sans l’ombre d’une hésitation à un tigre rugissant, était-il inné ou bien complètement artificiel, sous-produit d’une bienheureuse ébriété ?

Les pérégrinations tragiques du célèbre Wu Song, mais également de Wu son frère difforme, du froid séducteur Ximen Qing et surtout de la triste Lotus Pan, la si controversée dévoreuse d’hommes, ont maintes fois été adaptées en nouvelles, romans, pièces de théâtre et bien entendu également au cinéma, et ce depuis le début du XXème siècle. Le succès de cette histoire classique, d’un jeune homme qui veut venger son frère handicapé, blessé et abusé par sa femme adultère, ne se dément toujours pas aujourd’hui puisqu’un nouveau film sur ce thème est sorti à Hong Kong en 2005 (LOST IN WU SONG). Wu Song est une figure si emblématique de la culture littéraire chinoise que son personnage apparaîtra même dans le film LA LEGENDE DU LAC (WATER MARGIN), aux côtés d’une autre centaine de héros. Li Han-Hsiang lui-même, replongera dans ce folklore (un brin barbare il faut bien l’avouer) en réalisant à la fin de sa carrière un nouveau film autour de ce thème, remake d’un titre de 1964 : THE AMOROUS LOTUS PAN. L’histoire de Wu Song est donc proprement incontournable, pour qui s’intéresse un peu à la culture chinoise. Elle est aussi plus profonde que ce qu’elle peut laisser supposer au départ, puisque les comportements de plusieurs des quatre personnages principaux peuvent donner lieu à plusieurs degrés d’interprétation : Wu Song tout d’abord et comme je l’ai déjà précisé en introduction, mérite-t-il véritablement son triomphe ? Picoleur invétéré, ce héros aurait-il pu vaincre un tigre à mains nues sans avoir autant bu ? Pan Chin Lien (aussi appelée Lotus Pan) est-elle à l’image de ce que beaucoup pensent encore d’elle : une mante religieuse, froide et implacable ? La jeune femme pourtant, a été violée par son maître alors qu’elle n’était qu’une employée de maison. On la montrera du doigt, pour avoir prétendument trop tenté les hommes, et on l’obligera alors à vivre dans le déshonneur, en la forçant à épouser le mari le plus repoussant qui soit : un nain au visage gangrené, le vieux Wu. Doit-elle pour autant se soumettre continuellement ? Malgré l’évidente bonté de Wu, peut-on véritablement en vouloir à Pan Chin Lien, d’aller chercher à coté ce qu’elle ne trouve pas chez elle pour la réchauffer ?

Quand on sait qu’à cette époque l’adultère était puni de mort, l’histoire prend une tournure tragique radicale. Aujourd’hui elle peut même faire grincer bien des dents, suivant la manière dont vous l’appréhenderez : ainsi dans le film TIGER KILLER, le conte se termine d’une manière très sanglante, surtout sa morale est un peu douteuse, même si je le répète encore une fois, tout dépend du point de vue adopté (Wu Song sera-t-il un véritable héros à vos yeux, à la fin du film ?). TIGER KILLER est donc un film à voir. Avant tout parce qu’il illustre une histoire chinoise classique, avec tous les excès qui vont avec (et qui peuvent choquer). Ensuite parce que les acteurs principaux y interprètent leurs personnages avec talent : si Ti Lung est bon, ce sont surtout Ku Feng et Wong Ping qui raflent tous les honneurs (ils ont d’ailleurs tous deux été récompensés à la cérémonie des Golden Horse pour leur prestation dans TIGER KILLER). Ku Feng qui est ici méconnaissable, grimé comme un pouilleux et claudiquant comme s’il était handicapé : à la manière de ce qui se fait dans l’opéra chinois, Ku Feng a interprété le vieux Wu en marchant continuellement en pliant les genoux, afin de simuler le nanisme. Le stratagème est parfaitement réussi, et l’acteur, habitué aux rôles de méchants, trouve peut-être ici l’un des rôles de sa vie.

LES PLUS LES MOINS
♥ Très bon casting
♥ Une légende bien adaptée
♥ Bien mis en scène
⊗ Une morale un peu douteuse

Le film de Li Han-Hsiang, malgré quelques défauts (notamment de brutales ellipses), constitue donc un divertissement de qualité, un drame qui ne comporte au final que très peu de scènes d’action (heureusement car celles-ci sont presque toutes ratées), qui vaut le détour pour son illustration romanesque d’une histoire chinoise classique.



Titre : Wu Song, Tueur de Tigres / Tiger Killer / Military Pine / 武松
Année : 1982
Durée : 1h34
Origine : Hong Kong
Genre : Kung Fu Drama
Réalisateur : Li Han-Hsiang
Scénario : Li Han-Hsiang

Acteurs : Ti Lung, Wang Ping, Ku Feng, Lau Wing, Wang Lai, Chan Bo-Cheung, Tai Kwan-Tak, Chan Shen, Ching Miao, Chiang Nan, Liu Lai-Ling, Shum Lo, Yang Chi-Ching

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Auteur : Oli

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