Dolph a perdu Paul, son chien. Son monde s’écroule avec cette perte et au fur et à mesure des rencontres étranges qu’il va faire. Son jardinier s’étonne de voir un palmier se changer en sapin, Emma la vendeuse de pizzas va s’installer chez Dolph, tandis que Master Chang, un mystérieux gourou, veut apporter la solution à Dolph en embauchant le détective Ronnie.
Avis de Rick :
Quentin Dupieux est un réalisateur à part dans le paysage du cinéma français, au même titre que Gaspar Noé. Et dans les deux cas, ces metteurs en scènes ont quittés la France pour tourner leurs projets. Après un Steak avec Eric et Ramzy acclamé par la critique mais boudé par la public, une comédie décalée vraiment drôle et pas si stupide que ça, et un premier essai en Amérique avec Rubber et son pneu tueur, Quentin Dupieux, alias Mr Oizo quand il fait de la musique a lancé son nouveau métrage Wrong au cinéma en France début Septembre, enfin disponible en DVD depuis hier. Un film passé encore une fois assez inaperçu. En effet, le cinéma de Dupieux n’a pas grand chose pour plaire à un certain grand public, puisque la clé de son cinéma, détenue dans son précédent métrage, Rubber, était : « No Reason ». Oui, parfois, dans la vie, beaucoup de choses arrivent sans raisons, et pour aucunes raisons. Il en va de même dans le cinéma de Dupieux, et avec Wrong, il pousse le bouchon encore plus loin. Plus loin dans l’humour, plus loin dans l’absurdité totale, avec un talent certain. Wrong (en attendant Wrong Cops, dont les 13 premières minutes ont étés diffusés sur internet et sont en bonus sur le DVD) est donc son nouveau bébé en tout point, puisque Dupieux signe le scénario, coécrit la musique, réalise, se charge de la photographie et du montage. Un homme à tout faire talentueux à tout point de vue. Car, contrairement à sa musique, rythmée, répétitive, et que certains pourraient qualifier de « spéciale et bruyante », Dupieux fait un cinéma calme, très calme, mais barré, intelligent, pleins de sous entendus. En gros, du cinéma intéressant, pour le spectateur qui accepte de plonger dans un monde qui n’est absolument pas le sien. Et la seconde vision du métrage, en DVD, confirme tout le bien que je pensais du métrage lors de sa première vision.
Un camion brule, mais les pompiers s’en moquent!
Dés la magnifique scène d’ouverture, qui ne trouvera sa signification que bien plus tard dans le scénario, on sait que Dupieux nous invite encore une fois à nous aventurer dans un univers étrange et qu’il s’amusera à détourner, avec talent et humour, les situations du quotidien pour créer son monde, totalement abstrait et à l’opposé du notre, en apparence. Tout commence par une scène banale, Dolph se réveille et s’aperçoit que son chien, Paul, a disparu. Tout ou presque peut nous sembler banal et familier. Un prospectus à la porte pour une pizzéria venant d’ouvrir, le fidèle jardinier (Eric Judor, un des meilleurs personnages du film) arrivant pour travailler, Dolph qui se prépare pour aller travailler au bureau, le voisin qui lui se prépare pour partir en voyage. Bien entendu, comme on est dans le cinéma de Dupieux, tout dérape très rapidement. Les réveils indiquent 7:60 au lieu de 8 heures, les personnages parlent au téléphone alors que seulement quelques mètres les séparent, il pleut à l’intérieur même des bureaux, les femmes veulent quitter leur mari après seulement une nuit avec un inconnu, et des marchands peignent les voitures sans autorisations dans la rue. Dupieux ne recule devant rien pour nous faire rire, et aussi pour désorienter le spectateur avec une aisance folle, il faut avouer. Mais derrière tout ça, tous ces événements étranges et survenant sans raisons, il nous parle finalement du monde dans lequel nous vivons actuellement, et de ses différents éléments, tels que la famille, l’amitié, le couple, le monde du travail, et bien entendu, la relation souvent forte que les humains entretiennent avec leurs animaux domestiques. Sous ces apparences de film étrange et barré, Dupieux a vu tout juste au final.
Eric Judor, le jardinier à l’accent à couper au couteau
Parler des nombreux moments cultes du film serait une perte de temps, vu que le film regorge d’idées, visuelles, narratives ou tout simplement dans les dialogues, magistralement dits par de grands acteurs (Jack Plotnick, déjà vu dans Rubber, Eric Judor après Steak ou encore William Fichtner jouant Master Chang). Totalement surréaliste et à l’opposé des standards de la production actuelle, Wrong parvient même à faire mieux que Steak et Rubber, tout en préservant l’identité visuelle chère à son auteur, avec ses éclairages volontairement simplistes et naturels, et ses plans longs et fixes, privilégiant le mouvement à l’intérieur même du cadre plutôt qu’un montage cut comme beaucoup ont tendance à le faire aujourd’hui. Dupieux créé une dynamique à l’intérieur même de ses plans grâce à ces acteurs, et ça, c’est quelque chose que peu de réalisateurs savent faire aujourd’hui (on pourra citer Soderbergh lorsqu’il réalise des petits films indépendants comme Bubble ou The Girlfriend Experience, composés de longs plans séquences à l’éclairage naturel et magnifique).
Le matin, c’est dur quand quelqu’un nous manque…
Mais là où Wrong parvient assurément à faire fort, c’est en évoluant dans un univers similaire à Steak et Rubber, en étant beaucoup plus ambitieux et diversifié. Si le message de Rubber était pertinent, celui de Wrong l’est tout autant, mais Dupieux évite la répétitivité avec cette histoire, en nous promenant d’un personnage à un autre, alors que Rubber nous montrait un pneu qui tuait toujours de la même manière. Wrong va plus loin, est bien plus ambitieux, divisera sans doute beaucoup plus encore, mais pour le spectateur ouvert à ce genre de cinéma, se révèlera très drôle (le personnage de Emma m’a donné un fou rire lorsqu’elle s’installe chez Dolph, et les nombreux passages du détective également), parfois touchant (la fin), absurde (les nombreuses situations). Alors, si voir un jardinier s’exclamer devant un palmier se transformant en sapin, un détective cherchant des souvenirs dans les… déchets d’un chien ou encore un policier ne prenant pas un bus car il n’aime pas la tête du chauffeur, Wrong est pour vous. Une petite perle, et une des grandes réussites de 2012 (à mon goût).
Je vous présente Master Chang!
Wrong est un délice de cinéma absurde, à la fois drôle et touchant, et aussi sans aucun doute le film le plus ambitieux de Dupieux, en attendant son Wrong Cops qui s’annonce jubilatoire.
Un livre aux dessins amusants
Ronnie, le super détective chargé de retrouver Paul
Emma, une fille un peu cruche sur les bords!
Titre : Wrong
Année : 2012
Durée : 1h30
Origine : U.S.A – France
Genre : Comédie totalement absurde
Réalisateur : Quentin Dupieux
Acteurs : Jack Plotnick, Eric Judor, Alexis Dziena, Steve Little, William Fichtner et Mark Burnham