Halla, la cinquantaine, déclare la guerre à l’industrie locale de l’aluminium, qui défigure son pays. Elle prend tous les risques pour protéger les Hautes Terres d’Islande… Mais la situation pourrait changer avec l’arrivée inattendue d’une petite orpheline dans sa vie…
Avis de Cherycok :
On ne fréquente pas beaucoup les salles de cinéma avec ma petite femme Iris. Pas le temps, pas forcément l’envie, parfois pas les finances, ou parfois tout simplement des films qui ne nous intéressent aucunement. Et parfois, il y en a plein d’un seul coup qu’on a envie de voir. Et c’est comme ça qu’on se retrouve à voir quatre films en cinq jours dans le petit cinéma associatif du coin. Car oui, 5€ le plein tarif, ça fait moins mal aux boules que 12 ou 13€, surtout quand le film n’est pas bon. Et parmi ces quatre films, il y en a un qui avait attiré notre attention de par son sujet sérieux semblant traité avec beaucoup d’humour, d’intelligence, voire de légèreté. Il s’agit de Woman at War, un film islandais présenté à la Semaine de la Critique à Cannes ayant fait l’unanimité dans tous les Festivals où il a été présenté. Et force est de constater que, pour son deuxième film, le réalisateur Benedikt Erlingsson réussit son pari haut la main.
Benedikt Erlingsson décrit son film comme une sorte de conte héroïque qui se déroule dans un monde où la menace est imminente. Cette menace, c’est l’industrialisation à outrance, au détriment de la nature et des paysages fabuleux qu’elle nous offre. Un conte de fées moderne et sérieux mais raconté avec sourire et légèreté. L’histoire d’une femme forte qui s’improvise sauveur de la terre mère pour les générations à venir. Cette femme, c’est Halla, cinquantenaire qui s’efforce d’être quelqu’un, qui n’hésite pas à saboter les installations électriques d’une grosse usine d’aluminium afin de faire fuir des potentiels futurs investisseurs chinois. Une femme qui se sent en communion avec la nature et qui tient à ce que cette dernière garde son identité sans se voir gâchée par d’innombrables constructions dont l’homme moderne a le secret. Une femme qui va voir sa vie bouleversée lorsque sa demande d’adoption, réalisée il y a plusieurs années, est enfin prise en compte et qu’une jeune orpheline ukrainienne va bientôt rejoindre sa vie. Voilà qui va chambouler tous ses plans que certains qualifieront « d’éco terroristes ». Mais n’est-elle pas déjà allée trop loin pour arrêter en si bon chemin ?
Le personnage de Halla est le centre névralgique du film. Présent sur quasiment tous les plans, il est interprété de main de maitre par Halldora Geirhardsdottir, amie d’enfance du réalisateur et accessoirement artiste très populaire en Islande puisqu’on la retrouve à la fois au cinéma, à la télévision, au théâtre, tant devant que derrière la caméra. Elle est constamment juste, tantôt touchante, tantôt amusante, toujours attachante.
Woman at War a à la fois été pensé comme un drame, un thriller écologiste et une comédie. Mais pourtant il se refuse de choisir entre les trois genres. Il oscille constamment de l’un à l’autre et le résultat final est parfaitement homogène. La mise en scène de Benedikt Erlingsson y est d’ailleurs pour beaucoup, arrivant à désamorcer une scène lourde de sens et d’intentions par un effet « comique » toujours très juste. Ses personnages sont travaillés et la musique de son film tient une place très importante. Elle est d’ailleurs un personnage à elle toute seule puisque, un peu à la manière d’un Chat Noir Chat Blanc d’Emir Kusturica, les musiciens apparaissent à l’écran lorsqu’ils jouent la bande originale du film, s’adressant aussi bien au spectateur qu’au personnage de Halla. Annonçant aussi la tonalité de la scène qui va suivre. Accompagnant une superbe photographie mettant en avant les paysages verdoyants de l’Islande mis en valeur par des plans séquences parfois de haut vol.
Traiter d’un sujet sérieux en y injectant de l’humour, et le décalage nécessaire pour y injecter des scènes cocasses est un exercice des plus casses gueules si on ne veut pas tomber dans le politiquement correct. Mais Benedikt Erlingsson arrive à éviter les pièges et son film, malgré la légèreté de bon nombre de scènes, reste engagé de bout en bout. Il véhicule ses idées écologistes de bien belle manière au point que, même si on n’est pas d’accord avec elles, on ne peut qu’être touché par le personnage de Halla, ses aventures, ses mésaventures, …
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Mise en scène superbe ♥ Halldora Geirhardsdottir ♥ Mélange des genres réussi |
⊗ Un poil prévisible |
Trop méconnu malgré une distribution jusque dans les gros complexes, Woman at War est un film qui mélange habilement les genres. Tour à tour thriller écologique, drame, comédie, il demeure une excellente bobine qui se doit d’être vue. |
Titre : Woman at War
Année : 2018
Durée : 1h40
Origine : Islande / France / Ukraine
Genre : Eco terroriste
Réalisateur : Benedikt Erlingsson
Scénario : Benedikt Erlingsson, Olafur Egilsson
Acteurs : Halldora Geirhardsdottir, Johann Siguroason, David Thor Jonsson, Magnus Trygvason Eliassen, Omar Guojonsson, Iryna Danyleiko, Galyna Goncharenko