[Film] Winnie The Pooh: Blood And Honey, de Rhys Frake-Waterfield (2023)

Désormais sauvages et assoiffés de sang, Winnie l’Ourson et Porcinet terrorisent Christopher Robin et un groupe de jeunes femmes dans une maison isolée.


Avis de John Roch :
Depuis le 1er Janvier 2022, Winnie l’ourson est tombé dans le domaine public. Ainsi, les personnages et univers crées par Alan Alexander Milne peuvent être utilisés par n’importe qui et n’importe comment, enfin pas tout à fait. Car ce qui relève désormais du domaine publique, c’est le premier livre des aventures de Jean-Christophe et l’ourson : Winnie l’Ourson : Histoire d’un Ours-Comme-Ça, paru en 1926. Ce qui est apparu après, comme par exemple Tigrou, est encore protégé par des droits d’auteur. Pas question non plus reprendre le personnage de Winnie l’ourson, pas plus que les autres, tel qu’ils sont représentés chez Disney car il s’agit de leur propre design. Disney qui aura tout de même joué un rôle décisif dans le buzz qu’a généré le film dont il est question ici puisque d’une part Winnie l’ourson, c’est Disney dans l’inconscient collectif, et d’autre part les titres putaclic du genre « ce classique de Disney va être adapté en film d’horreur » se sont multipliés dès l’annonce du métrage. Ce buzz aura bien profité au Britannique Rhys Frake-Waterfield, réalisateur, producteur et monteur de Winnie The Pooh: Blood And Honey, qui cartonne à son échelle. Pour une mise de 100000 dollars le film a dépassé, à l’heure où j’écris ces lignes, les 4 millions de billets à travers le monde, et on ne parle là que des recettes issues de sorties en salles limitées (en France c’est ESC qui surfe sur le buzz et distribue la chose, et la sort même dans certains cinémas). Et ce malgré des critiques en grande majorité négatives mais que voulez-vous, bad buzz is still buzz comme on dit. D’un coté, on peut saluer l’effort de sortir sur grand écran un film doté d’un budget café quotidien sur le tournage d’un blockbuster. De l’autre, c’est d’autres films qui le méritent vraiment qu’il faudrait penser à sortir. Car ce Winnie The Pooh: Blood And Honey n’est au final rien d’autre qu’un métrage opportuniste qui ne doit son existence et sa reconnaissance qu’à son buzz. Dans la forme comme dans le fond, Winnie The Pooh: Blood And Honey est un piètre film d’horreur sans aucune originalité et écrit avec les pieds qui n’aurait été qu’un métrage de plus qui serait passée inaperçue dans la jungle des DTV horrifiques si il n’avait pas dans son pitch de départ un Winnie l’ourson psychopathe.

Vous avez vu Jean-Christophe et Winnie ? Non ? C’est pas grave, moi non plus, mais je connais l’histoire. Dans ce film sorti en 2018, Jean-Christophe fait ses adieux à Winnie, Tigrou et toute la clique car il part en pensionnat. Avant son départ, il promet à ses amis qu’il ne les oubliera jamais. Les années passent, Jean-Christophe est devenu un homme marié qui a perdu son âme d’enfant, et Winnie, qui se faisait sans doute un peu chier, va le chercher pour vivre de nouvelles aventures. Dans Winnie The Pooh: Blood And Honey, c’est un peu la même chose mais dans le sens inverse : Christopher (nom original de Jean-Christophe) vivait avec ses amis dans la forêt des rêves bleus et leur ramenait même de quoi becter. Un beau jour, le gamin se barre en jurant aux aberrations (c’est pas moi qui le dit, c’est la voix off de l’introduction) de ne jamais les oublier et de revenir un jour. Chose qu’il fait plusieurs années plus tard, en fait pour prouver à sa future femme que ses potes n’étaient pas le fruit de son imagination. Sauf qu’entre temps, Winnie et Porcinet ont crevé la dalle, ont bouffé Bourriquet et les autres, et ont développé une forme de haine envers les humains qu’ils bouffent aussi avec un peu de miel en guise de sauce. Alors forcement, quand Christopher revient faire un coucou, il va vite déchanter d’avoir fait le voyage. Alors, Winnie The Pooh: Blood And Honey c’est quoi ? Christopher qui va dessouder ses anciens amis qui vont vouloir lui faire la peau ? Et bien non, car le résumé ci-dessus n’est que l’introduction du métrage et ce qui se rapproche le plus, tout du moins de pas trop près ou de très loin, à une adaptation horrifique de Winnie L’ourson.

Winnie The Pooh: Blood And Honey va par la suite embrayer directement sur ce qu‘il est réellement, à savoir un film d’horreur lambda comme on en a vu, revu, et qu’on reverra. Car on la connaît par cœur, cette histoire de bande d’amies qui partent passer un week-end dans un chalet perdu au milieu de nulle part où des disparitions étranges ont lieu, sans que ladite bande soit visiblement au courant de ce détail. Et on la connaît par cœur la suite des événements, à la croisée du slasher, du home invasion et du survival. Avec tous les clichés que cela implique. Winnie The Pooh: Blood And Honey, c’est le genre de film que l’on a déjà vu avant même de l’ avoir vu, ce qui ne serait pas un mal si le scénario avait de quoi tenir en haleine ou était un minimum écrit avec soin, ce qui n’est absolument pas le cas. Des cinq demoiselles qui sont les futures victimes de Winnie et Porcinet, seule une a le droit à un minimum de développement. La pauvre jeune femme a été la victime d’un stalker pendant quelques temps, ce qui l’a un brin traumatisé. Le lien avec le reste ? Aucun, cet élément de l’histoire n’a aucun intérêt, ni importance, ni incidence sur l’intrigue. Cela fait surtout penser que Winnie The Pooh: Blood And Honey était à la base un script déjà prêt avant que Rhys Frake-Waterfield ne décide d’y inclure Winnie l’ourson histoire de dégainer le premier avant que d’autres ne profitent de l’opportunité d’utiliser le personnage tombé dans le domaine public. Quant aux autres personnages, n’y cherchez pas un quelconque intérêt, les demoiselles ne bénéficient d’aucun développement et sont toutes interchangeables, jusqu’à parfois en confondre certaines avec d’autres. Mais ce qui frappe surtout, c’est la débilité complète des personnages. Aucune réaction ou action n’est logique dans le métrage, citons en vrac cette gourde qui se prend en selfie dans un jacuzzi et qui aperçoit sur le fond d’une photo Winnie l’ourson qui l’observe, mais qui retourne se détendre après avoir vite fait vérifié qu’il n’y avait personne parce que bon, c’est pas un stalker qui va lui gâcher son week-end. Citons également cette débile qui envoie ses amies s’armer avant de se souvenir qu‘elle a ramené dans ses valise un flingue, flingue dont elle aurait pu se servir pour dessouder l’un des antagonistes mais qui préfère patienter et le laisser aller massacrer ses copines. La même débile qui tente de s‘échapper de l’antre des animaux de la forêt des rêves bleus en s’inquiétant que sa pote ne l’ait pas suivie dans sa fuite, avant d’y repenser après avoir tapé un sprint de 5 kilomètres et de retourner de là où elle s’est évadée… Des moments comme ça, Winnie The Pooh: Blood And Honey en est bourré, passons sous silence des personnages secondaires pourtant aperçus une trentaine de secondes en début de bobine qui reviennent dans l’intrigue d’un coup de baguette magique, parce que pourquoi pas après tout, et sa conclusion qui n’en est pas une puisque le film n’a pour ainsi dire pas de fin.

Le script est débile dans sa globalité, et ce n’est pas mieux du coté des méchants. De leur coté, il n’y a pas grand-chose de cohérent. Qu’ils soient devenus des dégénérés cannibales a du sens, mais pourquoi donc ils en assassinent certains, mais en enchaînent d’autres dans ce qui ressemble à des genres de meurtres rituels qui donnent une dimension torture porn, histoire de cocher toutes les cases des sous genre du film d’horreur archi revus. Et d’où ils ont appris à conduire et à écrire, écriture en lettre de sang qui n’a par ailleurs aucun sens, mais on est plus à ça près. Et Winnie l’ourson dans tout ça ? Accessoire et dispensable. C’est simple, vous remplacez les masques censés faire penser à Winnie et Porcinet (ratés par ailleurs) par n’importe quoi ou n’importe qui d’autre, et vous avez exactement le même film. Car oui, bien que le métrage tente de nous faire avaler que les amis de Christopher soient des créatures pas tout à fait hommes ni animaux, il s’agit de masques mis sur des acteurs au physique corpulent sans quasiment aucune animation (les oreilles de Winnie bougent parfois, c’est déjà ça), mais c’est justifié parce que voyez vous, ils ont perdu l’usage de la parole pendant l’absence de Christopher. Ça permet d’économiser sur le maigre budget me direz-vous. Reste que malgré la calamité ambiante, tout n’est pas à jeter dans Winnie The Pooh: Blood And Honey. Visuellement, le métrage tient la route. Pour un métrage tourné pour 100000 dollars (soit 81786 livres sterling, frais de douane exclus), c’est plutôt soigné. La photographie est réussie et la mise en scène, bien qu’elle n’ait rien d’exceptionnel et qu’elle ait tendance à s’emballer lors des poursuites en forêt, livre quelques plans qui ont de la gueule, à signaler aussi quelques scènes gores sympas mais qui ne font pas dans l’originalité. Ceci dit, pas de quoi sauver Winnie The Pooh: Blood And Honey, entre son scénario pas cohérent dans ses idées et profondément débile, ses personnages inutiles et interchangeables, son concept relativement alléchant sur le papier mais calamiteux à l’écran, dont le réalisateur ne savait pas quoi faire mais qui l’a fait quand même. En résulte un film d’horreur parmi tant d’autres, un mauvais en plus, dispensable et oubliable. De quoi être tout sauf impatient pour une suite déjà annoncée, en plus du développement de ce que je vais qualifier de UCOTDPASH (Univers Cinématographique d’œuvres Tombées dans le Domaine Public Adaptées à la Sauce Horreur), puisque Rhys Frake-Waterfield a déclaré vouloir décliner son concept avec Bambi et Peter Pan. Rien ne presse mec, prend ton temps, ou ne le perd pas…

LES PLUS LES MOINS
♥ Quelques scènes gores sympas…
♥ Vu le budget, techniquement c’est pas dégueulasse
♥ Quelques plans ont de la gueule
⊗ … mais rien d’original
⊗ Le concept qui n’est pas exploité, juste la par pur opportunisme
⊗ Un scénario d’une débilité sans nom et aux idées incohérentes
⊗ Du déjà vu et revu
⊗ Winnie l’ourson et Porcinet en méchants d’un film d’horreur, ça aurait été cool si ce n’était pas totalement accessoire
⊗ Un film oubliable et dispensable
⊗ C’est quoi cette fin?

Winnie The Pooh: Blood And Honey n’est rien d’autre qu’un film d’horreur lambda parmi tant d’autres. Déjà vu et revu, ne sachant pas quoi faire de son concept au point de rendre son Winnie l’ourson psychopathe totalement accessoire, le métrage ne doit sa considération qu’à son buzz sans quoi il se serait perdu dans la jungle des DTV horrifiques. Dispensable, oubliable, en plus d’être doté d’un scénario jamais cohérent dans ses idées et d’une débilité sans nom rarement vue sur un écran.



Titre : Winnie The Pooh: Blood And Honey
Année : 2023
Durée : 1h25
Origine : Angleterre
Genre : Winnie The Poop: Buzz and Money
Réalisateur : Rhys Frake-Waterfield
Scénario : Rhys Frake-Waterfield

Acteurs : Nikolai Leon, Maria Taylor, Craig David Dowsett, Chris Cordell, Natasha Rose Mills, Danielle Ronald, Amber Doig-Thorne, Natasha Tosini, May Kelly

Winnie the Pooh: Blood and Honey (2023) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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