Kaleb vit dans une tour d’habitation de banlieue parisienne. En conflit avec son meilleur ami et sa sœur, il traverse une période de solitude. Passionné d’animaux exotiques, il fait l’acquisition d’une araignée venimeuse qui va échapper à sa vigilance et propager son espèce dans tout l’immeuble. Placés à l’isolement, les habitants doivent faire face à des araignées dont la taille s’accroît.
Avis de Cherycok :
Ayant grandi au fin fond du Béarn dans un village de 800 habitants, en pleine cambrousse, à plus de 30km d’un minimum de civilisation, j’avoue avoir eu du mal dès les années 90, avec l’arrivée de films comme La Haine ou Ma 6-T va crack-er, avec ce qu’on appelle aujourd’hui le « langage wesh wesh ». Voir tous ses gamins de 12 ans, parfois même issus de la petite bourgeoisie, sortir des « wesh gros tranquille » et autres « Ouais frère t’as vu ce poucave ? » lorsque je vais chercher mes gosses au collège, juste pour imiter ce qu’ils voient sur Youtube, me donne des envies de leur balancer des cactus à la gueule. Non pas que j’ai quoi que ce soit contre les jeunes de banlieue d’où est né ce langage, mais j’ai juste du mal à comprendre ce qui empêche de parler correctement avec des mots intelligibles. Du coup, ça a immédiatement été un frein à regarder des films tels que Sheitan, et autres bobines mettant en scène des jeunes parlant ce patois des cités. Encore aujourd’hui, je ne suis pas arrivé à me jeter immédiatement sur Vermines, encensé de partout, qui pourtant sur le papier était pile pour moi (film de genre, des bébêtes, …). Mais sur les conseils de notre chroniqueur John Roch, je me suis jeté à l’eau et j’ai bien fait !
Présenté en avant-première mondiale à l’édition 2023 de la Mostra de Venise, adoubé sur Twitter par le maitre de l’horreur Stephen King, Prix du Public au Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, Prix Spécial du Jury au Festival International du Film de Sitges, Meilleur Film et Meilleur réalisateur au Fantastic Fest, Vermines est une production française à 5M€ de budget qui en a clairement dans le ventre. Aux côtés de Gueules Noires, La Gravité, La Tour, ou encore Le Règne Animal, Vermines prouve que le cinéma français de genre n’est pas mort et que, quand les producteurs veulent bien faire confiance à certains réalisateurs, que le résultat soit réussi ou pas complètement, ça a déjà nettement plus de gueule qu’une énième comédie avec Dany Boon ou que le ratage quasi-total qu’est le Astérix de Guillaume Canet. Ici, les vermines du titre, ce sont les araignées, mais pas que. Pas que parce que le réalisateur cherchait des idées sur la discrimination dont sont victimes les noirs et arabes en France, et cela l’a conduit aux araignées qui sont rarement les bienvenues dans les maisons. Comme tous les personnages du film, que ce soit les araignées ou les hommes/femmes d’origine étrangère, ils sont souvent considérés comme des animaux nuisibles par la société (il n’y a qu’à voir le score des fachos… euh… du RN dans les sondages…), et donc le titre Vermines est à double sens. Mais au final, tout cela n’est là qu’en toile de fond, d’autant plus que Sébastien Vanicek a voulu montrer la communauté des HLM en France différemment, autrement qu’avec du trafic de drogue ou du racisme frontal. Non, les vedettes ici, ce sont bel et bien les araignées et autant vous le dire tout de suite, si vous n’aimez pas ces petites bêtes à huit pattes, que vous criez dès que l’une d’entre elle s’approche un petit peu trop près de vous, ou que lorsqu’elles font trois millimètres, c’est déjà un « monstre » pour vous, vous risquez de péter cardiaque sur votre siège à la vue de Vermines. Nous sommes ici dans un pur film de monstre généreux en bestioles avec des araignées qui vont se reproduire et grossir à vitesse grand V, devenant les véritables stars de cette série B bien énervée.
Pourtant, au départ, ce n’était pas gagné. Le fameux langage « wesh wesh » cité plus haut est bel et bien présent et il faut vraiment arriver à passer outre, même si le film n’en fait pas non plus des caisses à ce niveau-là. Ensuite, Vermines est mine de rien assez long à démarrer. L’araignée « zéro » est là rapidement, mais l’invasion ne démarre réellement qu’à 30 minutes de film (du moins les prémices). Mais c’est ce qu’il fallait pour installer son cadre, un immeuble en très mauvais état, et surtout ses personnages bien développés qui vont très rapidement devenir attachants. Et le réalisateur sait que c’est essentiel pour amener de la tension, pour que le spectateur s’implique dès qu’ils vont se retrouver en danger face à des milliers, voire des dizaines de milliers d’araignées de plus ou moins grande taille. Dès que le film s’emballe, c’est là qu’il va prendre toute son ampleur avec des situations dans lesquelles on va tous s’imaginer, quitte à presque virer (sans jamais y rentrer) dans le cartoon lorsque les arachnides feront la taille d’un bon gros toutou des familles. Ici, point de jumpscares putassiers, point d’effets gores juste pour le gore, point de gimmicks bon marché, seulement le dégout et la peur que suscitent ces bestioles suffisent à figer le spectateur devant son écran, qu’il soit arachnophobe ou non. Sébastien Vanicek utilise parfaitement ces décors (petits appartements, couloirs sombres, cages d’escaliers, …) ternes, abimés, et souvent claustrophobiques. Par d’habiles effets de caméra, il sait faire naitre la tension, voire la peur, aidé par une bande son réellement travaillée qui arrive parfois même à mettre mal à l’aise. Dans la deuxième partie, le rythme est extrêmement soutenu grâce à de nombreuses scènes impliquant des araignées parfois plus vraies que nature. Les effets spéciaux ont été utilisés à bon escient, toujours au service du film et pas l’inverse. Les scènes les impliquant sont clairement les meilleures du film, jusqu’à ce final absolument intense mêlant trois « factions », où le jeune casting nous montre toute l’étendue de son talent, avec des personnages certes parfois un peu caricaturaux, mais néanmoins toujours crédibles. Pour un premier film, Sébastien Vanicek fait preuve d’une réelle maitrise de son sujet en termes d’action et de tension. Pas étonnant que Hollywood lui ait déjà proposé un projet, à savoir un possible nouvel Evil Dead…
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Le casting ♥ Une tension très bien gérée ♥ Bonne utilisation de l’espace ♥ De bonnes scènes d’action |
⊗ Long à démarrer ⊗ Le langage « wesh wesh » un peu saoulant |
Bien qu’un peu laborieux dans sa première partie, Vermines se rattrape très rapidement et nous propose une bonne grosse série B des familles réellement efficace. Si seulement on pouvait avoir plus de films comme ça en France… |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Sébastien Vanicek a présenté son film au producteur Harry Tordjman, qui l’a adoré et l’a présenté à son tour à Netflix. Ces derniers l’ont également aimé, l’ont financé à hauteur de 30% et ont pensé que le film méritait une sortie en salle avant de se retrouver dans leur catalogue.
• Les bâtiments visuellement saisissants où se déroule l’action n’ont pas été créés pour le film ; il s’agit des arènes Picasso de Noisy-le-Grand, près de Paris, conçues par l’architecte Manuel Núñez Yanowsky dans les années 80.
Titre : Vermines
Année : 2023
Durée : 1h43
Origine : France
Genre : Petites et grosses bébêtes
Réalisateur : Sébastien Vanicek
Scénario : Sébastien Vanicek, Florent Bernard
Acteurs : Théo Christine, Sofia Lesaffre, Jérôme Niel, Lisa Nyarko, Finnegan Oldfield, Marie-Philomène Nga, Ike Zacsongo-Joseph, Emmanuel Bonami, Abdallah Moundy