Cinq jeunes Espagnols se rendent à Venise pour le carnaval afin d’y fêter l’enterrement de vie de jeune fille de leur amie Isa. Ils arrivent dans une ville tendue, la population se révoltant alors contre les gigantesques navires de croisière qui défigurent et abîment la lagune. Nos fêtards ne s’en laissent pas compter et partent en quête d’occasions de s’amuser. Leur route croise celles d’insolites figures masquées, comme un étrange bouffon se faisant appeler Rigoletto ou un personnage autoritaire arborant le sombre costume des médecins du temps de la peste… Au cours d’une fête, José, le frère d’Isa, disparaît sans laisser de trace…
Avis de Cherycok :
Il y a deux ou trois ans est annoncé un projet conduit par Alex de la Iglesia et Carolina Bang intitulé « The Fear Collection ». Il s’agit d’une série de 5 films d’horreur qui seront mis en scène par des réalisateurs espagnols, tel que Jaume Balaguero (Rec, Malveillance), qui se sont déjà fait un nom en matière de cinéma horrifique. Une anthologie qui, sur le papier, promet beaucoup et qui a le soutien de Sony et d’Amazon. Ils sortiront d’ailleurs directement sur PrimeVideo bien que certains auront droit à une petite tournée dans des Festivals. Le premier à ouvrir le bal est Veneciafrenia, réalisé par Alex de la Iglesia lui-même, qu’il a écrit également aux côtés de son comparse de longue date Jorge Guerricaechevarria. Et il faut dire que je l’attendais ce film tant je suis un gros amateur du metteur en scène depuis ses débuts. Je l’attendais beaucoup même et ce malgré la réputation assez moyenne des festivaliers l’ayant vu en avant-première. Résultat des courses, ce fut la douche froide. Avec Veneciafrenia, on est dans le fond du faitout de la filmographie de De La Iglesia.
Tourné dans des circonstances compliquées à cause de l’épidémie de COVID-19, Alex de la Iglesia semble avoir eu l’idée de son film après avoir vu une vidéo virale de 2019 dans laquelle on pouvait voir un gros paquebot incontrôlable heurter un quai puis un bateau touristique sous les yeux de la foule, faisant quelques blessés légers (vidéo ICI pour les curieux). Plus de peur que de mal mais la base du film de De La Iglesia était née. D’autant plus que les paquebots commençaient à être mal vus à Venise, s’enfonçant toujours plus dans les terres pour le plaisir des milliers de touristes amassés dessus. A partir de là, il développe une histoire de société secrète qui va s’en prendre à ces touristes et profiter d’un évènement annuel pour se faire entendre du monde entier afin de passer l’envie à ces cons de touristes de revenir dans leur chère ville. « Cons de touristes », notre groupe de cinq jeunes espagnols l’est clairement. Ils nous sont présentés comme des gros bas du cerveau, égoïstes, tout juste bons à picoler, à baiser et à faire des selfies pour Instagram alors qu’ils sont dans une des plus belles villes du monde. Et c’est déjà un premier problème. Dur de s’attacher à des personnages qui nous sont présentés comme des gros glandus, surtout lorsqu’on sent immédiatement que le réalisateur lui-même semble les détester. On se fiche complètement de leur sort et lorsqu’ils sont enlevés, voire tués, ça nous en balance une sans toucher l’autre. C’est dommage car, en soi, les jeunes acteurs ne sont pas mauvais, tout comme ceux côté italien (dont la sublime James Bond Girl Caterina Murino). Mais on a plus envie qu’ils décèdent dans d’atroces souffrances pour qu’ils arrêtent de palabrer sur qui a envie de se faire qui, ou s’il faut rentrer ou continuer de chercher ceux qui manquent à l’appel (paie ton amitié…). Mais même là, on a de quoi être déçu car Veneciafrenia est très timide en mises à mort.
Alors qu’on aurait pu s’attendre à un slasher (le groupe de jeunes décérébrés qui est en vacances dans un endroit où on nous fait comprendre dès la première scène qu’on tue des touristes) mâtiné de giallo (tout le générique d’intro et, bien entendu, le lieu de l’action), Veneciafrenia se concentre bien plus sur son enquête policière à tendance thriller où la Police, aidée du reste du groupe de nos 5 touristes, va rechercher les jeunes disparus et essayer de comprendre ce qu’est cette société secrète. Le gore est au final très peu présent, mais pire que ça, l’intrigue est paresseuse dans le sens où cette enquête de police s’étire souvent en longueur pour pas grand-chose. Le pire de tout étant le final, car il n’y en a pas réellement. Il y a certes une fin à l’histoire, mais c’est calme, presque plat. Cela se veut gothique, mais ce n’est en aucun cas marquant comme avaient pu l’être celles des autres films du réalisateur. Ça en est même frustrant, à l’instar du film qui jamais ne nous submerge, jamais ne nous divertit réellement. Tout n’est pas non plus à jeter dans Veneciafrenia, à commencer par le visuel du film dans son ensemble, aussi bien les excellents costumes, parfois bien creepy comme celui du docteur de la peste bien dans le ton « carnaval de Venise », mais aussi les décors. De La Iglesia ne cherche jamais à magnifier Venise, préférant nous montrer des anciennes ruelles sombres, ou des vieux bâtiments parfois presque délabrés plutôt que de montrer la magnificence de la ville, afin d’appuyer le propos de la destruction de la ville par les touristes. Les éclairages sont très réussis, tout comme l’ambiance qui se dégage lorsque les personnages errent dans ces ruelles, et la mise en scène est carrée avec même des plans superbes. Notons également certaines très bonnes idées, comme lorsqu’un des « méchants » se sert d’un cadavre, attaché par des crochets, comme d’une marionnette. Mais ce n’est pas suffisant à rehausser le niveau d’un film qui, oui, comme le disaient les festivaliers, est une énorme déception.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Visuellement beau ♥ Le casting tient la route |
⊗ Fatigant sur la durée ⊗ Trop d’énergie mal canalisée |
Raté dans presque tout ce qu’il entreprend, Veneciafrenia fait partie des moins bons métrages de Alex de la Iglesia. On espère qu’il ne s’agit ici que d’un faux départ de la « Fear Collection » et que les quatre autres films seront bien meilleurs. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• La sortie était initialement prévue pour le 26 novembre 2021. Le 28 octobre 2021, il a été annoncé que la sortie était reportée au 22 avril 2022.
• A cause de cette arrivée massive de paquebots et des incidents que cela cause parfois à Venise, l’UNESCO avait même menacé de classer la ville, un des plus beaux lieux du monde, comme patrimoine mondial de l’humanité en péril.
• La ville de Venise compte pas moins de 27 millions de visiteurs par an, soit plus de 75000 par jour.
Titre : Veneciafrenia
Année : 2022
Durée : 1h40
Origine : Espagne
Genre : Pschitt
Réalisateur : Alex de la Iglesia
Scénario : Alex de la Iglesia, Jorge Guerricaechevarria
Acteurs : Ingrid Garcia Jonsson, Silvia Alonso, Goize Blanco, Nicolas Illoro, Alberto Bang, Enrico Lo Verso, Caterina Murino, Cosimo Fusco, Armando De Razza