Un flingueur abruti, un deal mal négocié, pas mal de morts et quelques millions de francs poussent Gerard Bedecarrax, dit Bede, à se mettre au vert. Direction Millau dans l’Aveyron, où s’érige l’Espérance, centre d’hébergement pour jeunes délinquants. Là, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si Ludo Daes, accompagné de cerbères armés jusqu’aux dents, ne tenait à tout prix à récupérer son argent.
Avis de Cherycok :
Imaginez un mélange entre Sam Peckinpath, Sergio Leone et Quentin Tarantino. A ce mélange, vous rajoutez du jeune de banlieue wesh wesh, une ferme perdue dans le cul de la campagne française, un groupuscule d’extrême droite, des millions de francs disparus, des mafieux, et une bonne envie de pondre quelque chose qui sort des sentiers battus d’une production cinématographique française des années 90 qui, à l’exception du Dobermann de Jan Kounen, était frileuse à l’idée de mettre en scène du bon gros gunfight qui tâche et/ou de la cervelle sortant d’un crâne explosé. Voilà ce que propose Total Western de Eric Rochant (Möbius, la série Mafiosa), une série B plutôt vénère, inconnue du grand public mais que les écumeurs des vidéoclubs ont bien connu, un film imparfait mais ô combien fun et jouissif quand il décide de faire parler la poudre.
Le scénario de Total Western ne brille pas par son originalité, avec ce gentil bandit qui va se cacher dans un endroit calme avec du pognon qui ne lui appartient pas et le propriétaire du pognon qui va chercher à le récupérer. Un scénario qu’on aurait pu voir dans un western, et ce n’est clairement pas un hasard si le film s’appelle Total Western. Que ce soit certains plans, lors de duels aux pistolets, ces décors de campagne ressemblant presque à du désert avec ces champs cramés par le soleil, ou l’excellente bande son de Marco Prince du groupe FFF (qui joue également dans le film le rôle d’un sbire) renvoyant clairement aux westerns spaghettis de Sergio Leone, nous sommes ici clairement dans un hommage à un genre que le réalisateur Eric Rochant semble apprécier particulièrement. Bien que le scénario prenne le temps de poser son intrigue et de présenter ses personnages, l’ensemble est rythmé et possède ce petit côté foutoir qui lui donne un certain charme. Les personnages sont réellement funs, entre un Le Bihan monolithique en mode badass en pleine rédemption, Jean-Pierre Kalfon en mafieux russe balançant des punchlines improbables, et même les jeunes de banlieue, certes ultra clichés, sont bien interprétés et ont un côté très attachant. Le héros campé par Le Bihan a quelque chose de très noble, ce genre de héros qui sait qu’il aura une fin tragique, mais qui voudra préserver sa dignité jusqu’au bout. Bien que la comparaison soit grossière, il pourrait renvoyer au rôle de Chow Yun Fat dans The Killer (1989) de John Woo. Total Western possède une grosse dose d’humour, essentiellement au niveau des dialogues, même lorsque ce qu’il se passe à l’écran ne prête pas à rire. Voir Samuel Le Bihan, Jean-Pierre Kalfon et toute cette troupe de jeunes balancer des saloperies a une fâcheuse tendance à nous mettre le rire aux lèvres tant ça fuse avec un joli naturel.
On va avoir droit à de bonnes grosses fusillades, essentiellement dans la deuxième partie avec un long final où ça tombe comme des mouches. Eric Rochant s’applique tout particulièrement pour rendre ces gunfights dynamiques, lisibles, violents, bourrins, intenses, et y parvient aisément, sans utiliser d’artifices, juste en allant à l’essentiel, avec des cadrages parfois malins, et une excellente utilisation du cadre de l’action, cette ferme et ses extérieurs, sans que jamais il y ait cette impression de redondance. Rochant cribles les corps de ses acteurs de balles, à grands renforts d’effets sanglants à l’ancienne, (crâne ouvert avec cervelle apparente, impacts de balles sanguinolents, …) pour un rendu renvoyant parfois au cinéma de John Woo période The Killer / Le Syndicat du Crime, sans jamais pour autant également la virtuosité de Woo. Ça se met joliment sur la gueule, à grands coups de poings et de tête, mais aussi de flingues et de grenade. C’est sans concession, bien violent, ça ne se refuse pas grand-chose, et le massacre final est tout bonnement jouissif. Alors c’est certain qu’avec Total Western, la frontière est mince entre ceux qui vont trouver ça jouissif et ceux qui ne vont y voir qu’une bobine ridicule. Les acteurs sont sans cesse à la limite de l’autoparodie, les répliques sont sans cesse à la limite du nanar, le film n’a clairement pas l’ambition de ses moyens, le second degré est employé sans aucune finesse, le scénario aligne tous les poncifs du genre. C’est très souvent le problème de ce genre de film qui se la joue décomplexé et fun. Il suffit d’ailleurs de jeter un œil aux critiques sur Allocine ou SensCritique pour s’en persuader. Mais si on le prend pour ce qu’il est, on passe un moment truculent où le risible côtoie le génial, où l’amateur de polar hard-boiled en aura pour son argent avec en plus tout un tas de répliques improbables qui font mouche.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Les personnages attachants… ♥ Les gunfights ♥ Les punchlines ♥ L’ambiance western ♥ La bande son |
⊗ … mais clichés ⊗ Manque de budget parfois visible ⊗ Tous les clichés du genre sont là |
Ridicule pour les uns, bon gros délire jouissif pour les autres, cette série B française façon polar hardboiled a le mérite (ou le culot, c’est selon) de proposer un divertissement explosif, violent, décomplexé, avec un final crépusculaire. Imparfait mais réellement fun ! |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Total Western est un échec cuisant au box-office, arrivant péniblement à atteindre les 78000 entrées.
Titre : Total Western
Année : 2000
Durée : 1h41
Origine : France
Genre : Heroic Bloodshed campagnard
Réalisateur : Eric Rochant
Scénario : Eric Rochant, Laurent Chalumeau
Acteurs : Samuel Le Bihan, Jean-Pierre Kalfon, Jean-François Stévenin, Philippe Ambrosini, Kahena Saighi, Alexia Stresi, Youssef Diawara, Ouassini Embarek, Saïd Serrari