En 2018, José Luis Torrente sort enfin de prison et découvre une Espagne qui a méchamment changé de gueule : la Catalogne est désormais indépendante, le pays s’est fait éjecter de l’Union Européenne avec un retour aussi sec à l’ancienne peseta et a intégré le top 5 mondial pour ce qui est de l’exploitation des mineurs d’âge. Pas spécialement motivé à l’idée de vendre des churros dans une gargote ambulante, Torrente va vite replonger dans ses anciens travers en découvrant le fastueux casino Eurovegas, véritable indécence de milliardaires plantée au milieu d’une capitale rongée par la crise. Le plan ? Faire copain-copain avec l’ancien responsable de la sécurité du casino, un certain John Marshall, réunir son équipe habituelle et profiter de la finale de la Coupe du Monde de foot qui opposera la Catalogne à l’Argentine pour vider les coffres !
Avis de Cherycok :
Torrente, c’est toute une institution en Espagne, une icône que tout le monde connait. Et comme je le disais dans ma chronique du 4ème opus, son réalisateur / acteur est devenu en quelques films seulement un des réalisateurs les plus bankables de la péninsule ibérique. Avec le premier Torrente, il réussit l’exploit d’être le film espagnol le plus vu au cinéma et gagne même le Goya du meilleur metteur en scène, l’équivalent espagnol des Césars. Et ses suites ne sont pas en reste. Il faut dire que Santiago Segura est très fort pour arriver à nous faire rire avec un personnage tout bonnement affreux : Torrente est en effet misogyne, raciste, obsédé, irrespectueux, sale, rétrograde, mégalomane, vulgaire, et même encore plus… Mais pourtant, on adore suivre ses aventures rocambolesques toujours accompagné d’acolytes tous plus « freaks » les uns que les autres mais pourtant ô combien attachants. A la question « Est-ce que ce cinquième volet de la saga du flic le plus détestable de toute l’Espagne est à la hauteur ? », on peut répondre sans hésitation « Oui ! ». Même si clairement, le filon commence à un peu s’épuiser…
Meilleur démarrage dans les salles de cinéma en 2014, Torrente 5 est ce qu’on pourrait appeler un film d’anticipation. L’histoire se situe en 2018, la Catalogne est devenue indépendante, l’Espagne a été expulsée de l’Union Européenne, la Peseta est de nouveau la monnaie officielle, et certaines villes en crise se sont laissées envahir par le capitalisme de masse en implantant de gros complexes de casinos façon Las Vegas où les milliardaires dépensent de l’argent sans compter. Notre Torrente national, sortant tout droit de prison suite à ses frasques de l’épisode 4, subit un choc en ne reconnaissant plus son pays, sa belle Espagne rétrograde qu’il chérissait tant. Ils ont même détruit son stade favori, sacrilège ! C’est alors qu’après, selon lui, des années de bons et loyaux services dans la Police, il décide de se mettre en dehors de la loi et de braquer le fleuron de tous ces Casino de la ville : l’Eurovegas. Ayant entendu parler en prison d’un plan potentiel, il se rend chez l’ancien responsable de la sécurité du Casino afin de le convaincre de l’embaucher sur cette mission de haut vol. C’est donc tout bonnement logique et comme à son habitude que Torrente va recontacter ses anciens amis afin de monter une équipe de choc. En gros, et de l’aveu même d’un des personnages du film, ils veulent reproduire Ocean’s Eleven, mais en vrai. Du moins, c’est ce dont il est persuadé parce que dans les faits, il se retrouve toujours avec une belle brochette de bras-cassés à tendance cas sociaux, versant dans la connerie haut de gamme, dans des plans où rien ne se déroule jamais comme prévu. Et c’est justement là que la saga Torrente prend tout son sens.
A l’instar des autres opus, Torrente 5 est une parodie de films d’action. Ici, c’est le film de braquage de casino qu’il détourne donc, avec tout ce que cela implique de scènes de préparation du plan infaillible qui bien entendu va se vautrer dès les premiers instants. Il faut dire que Torrente se démerde toujours pour avoir des membres tous plus craignos les uns que les autres. Et comme d’habitude, Santiago Segura réunit un casting de têtes pas possibles, de cabines improbables, incarnant des personnages tous plus cons les uns que les autres, aux looks et aux traits bien entendus très exagérés, mais leur donnant un côté attachant très prononcé. Les personnages de ses films sont d’ailleurs toujours une grande force, Segura l’a bien compris, et en abuse donc, multipliant dans ce cinquième opus leur nombre mais sans jamais en laisser certains en retrait. Le moindre personnage un peu moins visible pendant quelques minutes revient immédiatement en force quelques scènes plus tard. Il est à noter que le film est blindé de cameos de personnalités du cinéma ou de la télévision espagnole et que ceux qui s’intéressent un peu reconnaitront par exemple sans mal Ricardo Darin vu notamment dans Les Nouveaux Sauvages ou Truman. Et voir tout ce bon monde tenter de braquer un casino de luxe, il faut avouer que ça a quelque chose de savoureux. On sait que ça va partir en sucette dans chaque scène et on essaie de deviner toutes les étapes de foirades auxquelles ils vont être confrontés.
Malgré tout, Santiago Segura s’applique, comme c’était le cas dans les précédents volets, à peaufiner ses scènes d’action. Elles ne sont pas nombreuses mais il cherche à les rendre un minimum crédibles, en faisant monter la « pression » crescendo. Mention spéciale à la course poursuite voiture / avion lors de la scène de l’aéroport, nous renvoyant directement au Volte Face de John Woo, où les cascades de voiture à l’ancienne donnent un rendu assez impressionnant à base de ralentis et de véhicules virevoltants dans les airs.
Mais la grande force de la saga Torrente, c’est son humour. De l’humour certes vulgaire, gras, et souvent tournant autour de l’entrejambes, à l’image de son personnage principal, mais que Santiago Segura utilise à merveille, aussi bien dans les dialogues que dans les situations. Il ose tout, n’a honte de rien, n’épargne personne. C’est con comme la lune, parfois bon enfant, parfois méchant, mais toujours dans la continuité de ce qui a été fait dans les films précédents. Et c’est le grand retour en force de la branlette collective et communautaire dans la voiture ! Il profite même de cet humour faussement de bas étage pour y insérer une critique assez acerbe de la société espagnole et de ce qu’elle est en train de devenir. Une société en train de périr selon le réalisateur, qu’il appuie avec une photographie usant de filtres jaunâtres, parfois un peu délavés, vieillots.
Seulement voilà, même si tout ceci fonctionne encore, certaines situations sont déjà vues. Certains running gags commencent à être un peu trop « running » depuis cinq films et du coup, les spectateurs habitués de la série seront un peu plus sur la réserve.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Les personnages « savoureux » ♥ Le casting ♥ L’humour |
⊗ La saga tourne un peu en rond |
Toujours aussi politiquement incorrect, Torrente 5 : Operacion Eurovegas tire encore et toujours sur la corde de l’humour vulgaire et la grossièreté assumée. Même si le film sent parfois un peu la redite, ça fonctionne toujours. |
Titre : Torrente 5 : Operacion Eurovegas
Année : 2014
Durée : 1h45
Origine : Espagne
Genre : Ocean’s Eleven made in Spain
Réalisateur : Santiago Segura
Scénario : Santiago Segura
Acteurs : Santiago Segura, Julian Lopez, Jesulin de Ubrique, Alex Baldwin, Damian Ramos, Luis Carlos, Alvaro Tortosa, Cañita Brava, José Maria Rubio, Angy Fernandez, Anna Simon, Carlos Areces