Tony, judoka émérite, s’est mis en tête d’affronter Sze-To Bo, un ancien champion aujourd’hui à la dérive. Mais ce dernier va refuser toutes les sollicitations de son challenger, et l’entraîner dans des combines pas toujours très catholiques.
Avis de Oli :
On peut résumer les thèmes et les influences de THROW DOWN en trois points : premièrement et bien entendu Kurosawa Akira ; deuxièmement cette philosophie de vie chère à Johnnie To et qui voudrait que l’on profite de chaque jour comme s’il s’agissait du dernier ; enfin et surtout la marque connue internationalement sous le nom de Gillette.
Non je n’ai pas fait d’erreurs en résumant les principaux points d’ancrage Throw Down, puisque celui-ci est bel et bien sponsorisé par la marque précitée. Vous allez me rétorquer que ce n’est pas nouveau… néanmoins j’ai connu le procédé déjà plus habilement camouflé, voir plus efficacement intégré au récit (dans les derniers James Bond notamment), ou encore avec plus de dérision (la fin de KING OF COMEDY). Parce que très franchement, le plan serré sur la bombe de mousse à raser et sur le rasoir on s’en serait passé… mais que dire à propos du plan suivant et ce zoom nous dévoilant le « barbu timbré » du film qui se rase sans accrocs aucun. Sans doute grâce à son rasoir à la pointe de la technologie et à ses lames effilées. Et puis si jamais vous aviez oublié le nom de la marque du matériel de rasage utilisé pendant le film, un encart lors du générique de fin viendra vous le rappeler. Encart qui fait suite à une phrase douce et sincère de Johnnie To qui dédie son film à Kurosawa Akira. La succession des deux clins d’œil est extrêmement maladroite…
Bon, revenons-en au film à présent, et plus précisément à Kurosawa et son SUGATA SANSHIRO, dont THROW DOWN est truffé de clins d’œil. Depuis une chanson et des thèmes musicaux en passant par quelques scènes calquées sur le chef d’œuvre de Kurosawa (le lacet défait, le final dans les hautes herbes…), le film entier semble avoir été écrit pour rendre hommage à SUGATA SANSHIRO. L’esprit de THROW DOWN même n’est pas si éloigné de l’imaginaire de Kurosawa, puisqu’à l’image du judoka Sanshiro, les combattants du film de Johnnie To ne luttent pas pour la gloire ou une éventuelle finale de championnat du monde : ils veulent se faire plaisir, se retrouver, qu’importe la victoire ou la défaite, tant qu’il y a eu lutte. Tony va ainsi pourchasser sans relâche l’énigmatique Sze-To Bo dans le seul but de pouvoir l’affronter. Ce dernier va pourtant refuser tout combat : visiblement vidé, ne connaissant plus motivations ou amis, Sze-To Bo se contente aujourd’hui d’errer comme une âme en peine. Mais Tony veut le réveiller, jouer le rôle de l’étincelle qui doit lui redonner goût à la vie.
Qu’importent les obstacles et drames qui jalonnent notre existence : à chaque fois il faut se relever, et affronter le futur en prenant chaque journée à bras le corps, vivre chaque jour comme s’il s’agissait du dernier. Voilà le message principal du film de Johnnie To. Respirer et rêver, poursuivre ses phantasmes même les plus inaccessibles car cesser la course équivaudrait à vivre une petite mort. Johnnie To enfonce même le clou avec le personnage de la pseudo chanteuse incarnée par Cherie Ying : désireuse de se rendre au Japon pour y réussir malgré son manque évident de chance et, surtout, de talent. Car la jeune femme n’a aucun avenir au Japon. To a d’ailleurs demandé à la chanteuse doublant l’actrice durant les chansons de ne pas trop forcer sur ses qualités, pour que le spectateur ne se fasse pas de trop heureuses illusions à propos du futur de la jeune taïwanaise. Celle-ci ne peut pas réussir mais elle rêve, donc elle vit.
Le message de Johnnie To a le mérite d’être très clair, hélas il est également cruellement naïf. Par conséquent THROW DOWN n’est peut-être pas un film à voir trop sérieusement : il faut prendre les trois personnages principaux comme de grands enfants, naviguant dans une espèce de conte où même les méchants ne ressemblent pas à ce qu’ils devraient être (Cheung Siu Fai en parrain un peu largué et heureux de l’être est excellent). L’histoire du film parait donc quelque peu improbable, surtout elle ne correspond pas aux canons habituels du cinéma HK. Johnnie To le sait et l’avoue lui-même : « je pense que beaucoup de personnes n’aimeront pas ce film ». En cela on peut rendre hommage au cinéaste hongkongais, actuellement au four et au moulin (ses films s’enchaînent à un rythme effréné), et qui prend (parfois) des risques pour diversifier sa filmographie (on se souvient de l’excellentissime RUNNING ON KARMA).
Voilà pour les gentillesses… maintenant en étant un peu plus froid et réaliste, je dirais que le film s’oublie à peu près à mesure qu’il se voit. La faute au récit, trop naïf et inconsistant, la faute également aux personnages (et non aux acteurs), qui peinent à insuffler ce dont l’histoire nous prive la plupart du temps : émotions et sentiments. Je pourrais enfin terminer mon exposé en envisageant la manière dont Johnnie To a filmé les scènes de judo, mais je n’en ferai rien car ce n’est pas essentiel. En effet peu importent, ici, les techniques de combat et les bottes secrètes virtuoses. A l’image du film SUGATA SANSHIRO, le plus important n’est pas dans la force des paumes et des poings, mais bien dans ce qui se cache et palpite à l’intérieur.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Le casting ♥ Très bien shooté ♥ L’hommage à Sugata Sanshiro |
⊗ Des personnages peu convaincants ⊗ Scénario qui manque d’émotion |
Car Johnnie To a souhaité réaliser un film profondément vivant et humain… suivant le célèbre adage du verre à moitié vide ou à moitié plein, je vous laisse le soin d’interpréter son œuvre : s’agit-il d’un simple échec ou bien de la première moitié de ce dont sont faites les réussites ? |
Titre : Throw Down / Judo – Throw Down / 柔道龍虎榜
Année : 2004
Durée : 1h35
Origine : Hong Kong
Genre : Judo / Comédie dramatique
Réalisateur : Johnnie To
Scénario : Yau Nai-Hoi, Yip Tin-Shing, Au Kin-Yee
Acteurs : Louis Koo, Aaron Kwok, Cherrie Ying, Tony Leung Ka-Fai, Jordan Chan, Eddie Cheung, Calvin Choi, Jack Kao, Lo Hoi-Pang, Jimmy Wong