1966 : A TIME FOR LOVE, 1911 : A TIME FOR FREEDOM, 2005 : A TIME FOR YOUTH. Trois histoires et toujours le même duo d’acteurs, Chang Chen et Shu Qi, dans la peau d’amants réincarnés épris d’un amour qui parait flirter avec l’éternité. Trois simples épisodes de vie, aussi fragiles qu’un battement d’ailes de papillon, au sein de la grande histoire, et ces trois époques distinctes qui ont façonné Taiwan.
Avis de Oli :
Avec THREE TIMES, Hou Hsiao Hsien ne se contente pas de juxtaposer trois courts métrages afin d’accoucher d’un long. Bien au contraire, les trois épisodes de vie que nous conte Hou Hsiao Hsien sont complémentaires, et brossent chacun à la fois une période charnière de l’histoire de Taiwan, et de la carrière du réalisateur.
THREE TIMES donnera donc beaucoup de grain à moudre aux détracteurs de Hou Hsiao Hsien, tandis que les fans devraient être aux anges. Avec son rythme lent, langoureux mais néanmoins passionnel et passionnant, THREE TIMES renouvelle d’ailleurs quelque peu le cinéma de son réalisateur, qui paraît ici se pencher sur son propre passé. Son passé d’homme, lorsqu’il filme les années 60 à Taipei et ces salles de billard enfumées où il avait l’habitude de traîner, mais aussi son passé de cinéaste. La première section du film renvoie ainsi aux débuts filmiques du réalisateur, tandis que la deuxième nous rappelle au délicieux souvenir des FLEURS DE SHANGHAI. La dernière partie, quant à elle, répond comme un écho aux néons fluos de MILLENIUM MAMBO.
A TIME FOR LOVE s’attarde donc sur les années 60 à Taiwan. Lorsque la Chine connaissait de tragiques changements, lorsque la Guerre Froide sévissait entre les blocs de l’Est et de l’Ouest. Taiwan était alors (comme aujourd’hui d’ailleurs) officiellement du côté des américains. Des bases étaient présentes sur l’île, mais les taiwanais n’étaient pas concernés plus que cela par les chocs idéologiques en question. L’ambiance était légère, on écoutait les Platters, on jouait au billard…on avait le temps de s’aimer. Avec ce segment, Hou Hsiao Hsien revient directement sur ses souvenirs d’époque. Il y adjoint une histoire d’amour entre deux jeunes gens qui ne se connaissent pas, ou très peu. Le garçon fait son service militaire mais il garde ancré en lui, comme un vaccin à sa solitude, l’image de cette femme qu’il n’a pourtant croisée qu’une seule fois. Cette histoire, romantique à souhait, est celle qui m’a le plus marqué. Impossible en effet de ne pas s’émouvoir lorsque, pour la première fois, les doigts des deux jeunes gens s’effleurent maladroitement avant, d’enfin, se mélanger passionnément.
A TIME FOR FREEDOM est l’épisode qui surprendra le plus. Il est en effet muet, les dialogues s’inscrivant sur des panneaux entre les scènes. Hou Hsiao Hsien explique son choix par une volonté de respecter la réalité de l’époque (début du siècle dernier), ses acteurs étant dans l’incapacité de parler le mandarin qui se pratiquait alors. On devine également que le réalisateur tenait là une occasion presque unique de se livrer à un très intéressant exercice de style. 1911 : Taiwan est sous occupation japonaise, il s’agit de l’époque des concubines, de ces femmes qui n’ont pas toujours leur mot à dire. Oui, celles-là même qui doivent s’estimer heureuses d’épouser un jour ce riche mari qui les comblera. Matériellement parlant, j’entends. Hou Hsiao Hsien en profite pour nous exposer, sans jamais trop en faire ou en montrer, la discrète détresse de ces femmes, prisonnières d’une maison dorée.
A TIME FOR YOUTH se déroule de nos jours, à Taipei. On y retrouve le même duo d’acteurs, et une ambiance techo-lumineuse façon MILLENIUM MAMBO. Au début du siècle dernier les gens luttaient pour leur liberté. Les taiwanais souhaitaient se libérer de l’emprise des japonais, tandis que les concubines n’osaient même pas envisager avoir des ailes pour voler. Aujourd’hui les choses ont radicalement évolué. La jeunesse s’affiche, la sexualité se vit mais les amours, parfois, contrarient. Au point de, parfois, envisager la mort. Avec A TIME FOR YOUTH, il est question de jeunesse éphémère, de vie brûlée pour se donner le temps d’en profiter. Peut-être juste pour avoir le temps d’aimer.
Les trois segments de THREE TIMES sont donc complémentaires. Ils permettent à la fois à Hou Hsiao Hsien de se pencher sur son passé taiwanais, et sur son passé de réalisateur. A un premier épisode romantique répondra la détresse cachée des femmes instrumentalisées il y a de cela maintenant une centaine d’années. Tout cela pour conclure sur un dernier segment urbain et teinté de désenchantement, où la plupart des personnages aspirent au vivant tout en restant conscient que le pire n’est jamais vraiment absent.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Passionnel et passionnant… ♥ Trois histoires complémentaires ♥ Très belle mise en scène |
⊗ …mais lent et langoureux |
Une très jolie réussite. |
Titre : Three Times / 最好的時光
Année : 2005
Durée : 2h12
Origine : Taïwan / France
Genre : Drame
Réalisateur : Hou Hsiao-Hsien
Scénario : Chu Tien-Wen, Hou Hsiao-Hsien
Acteurs : Shi Qi, Chang Chen, Fang Mei, Liao Shu-Chen, Mei Di, Chen Shi-Shan, Lee Pei-Hsuan, Ko Yu-Luen