Pendant l’ère républicaine de la Chine, une pluie torrentielle prend au piège une troupe de chanteurs d’opéra, un groupe de policiers et leur prisonnier. Un mystérieux incident survenu il y a 15 ans dans les environs est évoqué sous différents points de vue…
Avis de Cherycok :
Les quelques tentatives horrifiques du cinéma chinois pour la SVOD n’ont pas grande réputation, souvent vaines ou tout simplement vues et revues. Bien qu’il ne joue pas la carte de l’horreur pure, tout comme ses petits copains, The Wicked Wife, parfois appelé The Fox Wife of the Mountain Village, relève clairement un peu le niveau et s’avère être une chouette petite bobine que j’ai découverte par pur hasard. Ceux qui trempent un peu dans le milieu du DTV chinois savent que c’est compliqué de s’y retrouver. Entre les plusieurs centaines de films qui sortent tous les ans, les titres qui changent parfois lorsque les films passent d’une plateforme de SVOD à une autre, voire carrément les années de sortie, on est un peu dans le brouillard. Alors on se fie aux avis des petits copains glanés ci et là sur les réseaux sociaux, ou alors on fait comme à la belle époque de la découverte du ciné HK et des VCD, on choisit à la jaquette. Et elle m’a beaucoup plus celle de The Wicked Wife, donc me voilà en train de vous en parler.
En termes de structure narrative, The Wicked Wife emprunte beaucoup à Rashômon ou Les Huit Salopards, dans le sens où les protagonistes coincés dans ce bâtiment vont tour à tour nous raconter la même histoire, mais d’un point de vue différent, dans une version différente, avant que le final ne nous révèle ce qui s’est réellement passé et qu’enfin le spectateur puisse assembler toutes les pièces du puzzle. Ce n’est pas la première fois que le très prolifique réalisateur Liu Xuan-Di, 19 films en 6 ans de carrière (vive les DTV chinois) tente l’exercice puisque, un an auparavant, son Legend of Hunter utilisait le même procédé. La façon dont chaque version de l’histoire est racontée est souvent captivante et, surtout, ce n’est pas répétitif car, en quelques sortes, chacune des histoires raconte une étape différente de la vérité (bien que romancée, exagérée, déformée) avec des retournements de situation réussis. Le film mélange horreur, thriller, fantastique, film d’action historique, et chaque histoire qui nous est racontée correspond à un de ses genres. On nous parle de démon à plusieurs couches, mais c’est une métaphore pour nous parler de la construction du film. En effet, chacune des histoires qui nous est racontée est en fait une couche, et une fois que toutes les couches auront été enlevées, on aura enfin la vérité. The Wiked Wife va beaucoup jouer avec le folklore chinois, et la façon dont commencent les légendes car, une fois de plus, bien que de nombreux éléments fantastiques soient évoqués et même mis en images, tout trouve une explication bien plus logique à la fin. Non pas que cela soit nécessaire, mais les réalisateurs sont obligés de tendre vers cette solution pour ne pas avoir à subir les foudres de la censure chinoise. Et du coup, on finit sur un happy end, à moins que cette ultime scène ne soit qu’une illusion de ce qu’il aurait été bien qu’il se passe ? Mystère…
La mise en scène du film est réellement soignée. Très belle photographie, jolis éclairages, couleurs travaillées, cadrages réfléchis, les images sont vraiment très belles. Alors, oui, et on commence à en avoir l’habitude, la qualité des CGI est variable. Mais l’équipe technique en est consciente et va jouer avec les ombres pour parfois atténuer un peu ces CGI et faire en sorte que leur rendu soit un peu moins artificiel. Le film joue beaucoup sur une ambiance mystérieuse, voire étrange comme lorsque cette tête de loup géante sort du sol dans un tombeau, ou avec cette scène avec des hommes renards bien moins flamboyants qu’à l’accoutumée, symbolisant la mort. La bande son très travaillée y est pour beaucoup, aussi bien les bruitages que la musique avec ses thèmes tantôt oniriques, tantôt inquiétants, qui collent parfaitement aux images. L’ensemble est un peu surjoué par les acteurs, un peu comme si nous étions dans une pièce de théâtre, chose que le film pourrait être dans l’absolu puisque se passant (hormis dans les flashbacks) dans un lieu unique. La galerie de personnages, bien que clichés, est intéressante, avec un protagoniste principal assez charismatique, avec de faux airs de Jacky Cheung par moments, ou une Angel Fu vraiment très ravissante. Dommage que ni la mise en scène, ni l’ambiance, ni les personnages n’arrivent à instaurer un climat de vraie peur et que, du coup, les gros efforts de l’équipe technique pour donner de la gueule au film ne soient pas suffisants pour vraiment nous accrocher à notre fauteuil.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Visuellement réussi ♥ Très belle ambiance ♥ La structure narrative ♥ Des acteurs charismatiques |
⊗ Ne fait jamais peur ⊗ Souvent un peu trop surjoué |
Avec sa structure intéressante et son ambiance réussie, The Wicked Wife est un DTV chinois horrifique de plutôt bonne tenue. Mais il lui manque ce petit quelque chose pour en faire une bobine vraiment marquante. Un spectacle divertissant. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• En plus de reprendre la même structure narrative qu’un des précédents films du réalisateur, Legend of Hunter, une partie du casting est similaire puisqu’on retrouve dans les deux films Lin Feng-Ye, Angel Fu, Wang Jia-Xi ou encore Bao Xiao-Ping.
Titre : The Wicked Wife / The Fox Wife of the Mountain Village / 山村狐妻
Année : 2022
Durée : 1h33
Origine : Chine
Genre : Ça dépend des points de vue
Réalisateur : Liu Xuan-Di
Scénario : Cui Zou-Zhao
Acteurs : Sheng Guan-Sen, John Wang-Ming, Lin Feng-Ye, Angel Fu, Shi Guo-Hui, Fred Fu Juan, Yu Hui-Tao, Bao Xiao-Ping, Han Rui, Wang Jia-Xi, Guo Dong-Hai