Zee est une tueuse à gages redoutée et redoutable. La jeune femme, pourtant impitoyable, va refuser d’honorer un « contrat » : assassiner une jeune femme chanteuse devenue aveugle. Zee se retrouve pourchassée à la fois par d’autres tueurs criminels et par un policier français déterminé. Elle va tenter de survivre tout en achevant un dernier contrat pour payer une greffe cornéenne à la victime.
Avis de Cherycok :
L’annonce d’un remake de The Killer de John Woo par John Woo lui-même a tout de suite mis les fans de l’original sur la réserve. Déjà, parce que The Killer n’avait pas besoin d’un remake, l’original tient encore parfaitement la route et conserve encore toute sa puissance 35 ans après sa sortie. Ensuite, parce que les premières annonces ont fait peur à beaucoup de gens, particulièrement en ce qui concerne le casting. Remplacer Chow Yun-Fat par Nathalie Emmanuel (Fast and Furious 7, Game of Thrones) et Danny Lee par Omar Sy (Intouchables, Jurassic World), beaucoup ont crié à l’hérésie. Le premier trailer n’a rassuré personne, avec cette impression de téléfilm de luxe et un John Woo qui se singeait lui-même jusqu’à l’overdose, pigeons au ralenti à l’appui. Mais également parce que les dernières réalisations de Woo, à savoir Silent Night (2023) et surtout Manhunt (2017) ont énormément déçu. Mais la curiosité et l’envie de se faire mal sont parfois plus fortes que tout et tous les amateurs de John Woo regarderont ce The Killer version 2024, moi le premier, et c’est pour ça que je vous en parle.
Ce n’est pas la première fois qu’un remake de The Killer est annoncé puisque dès le début des années 90, Tsui Hark, via sa maison de production, vend les droits à la Tri-Star. Walter Hill est rapidement annoncé pour réaliser ce remake, avec Richard Gere et Denzel Washington pour reprendre les rôles de Chow Yun-Fat et Danny Lee, mais le projet n’aboutit pas. Les dirigeants de la Tri-Star ont peur que le public américain soit déconcerté par les liens homosociaux entre les deux protagonistes principaux, demandent à remodeler le scénario pour que l’un des deux protagonistes soit une femme, mais ça sera finalement abandonné. Au milieu des années 2000, ce projet de remake ressurgit, en 3D ce coup-ci, avec possiblement John H. Lee à la mise en scène, mais là non plus, rien ne se concrétisera. Jusqu’en 2015 où John Woo s’engage publiquement à réaliser le remake de son propre film avec comme envie de délocaliser l’action dans un autre pays afin d’expérimenter et de travailler avec de nouvelles cultures et de nouveaux décors. Et puis plus rien, le calme plat, jusqu’il y a quelques mois où le remake fait parler de lui, devenant de plus en plus concret, annonce du casting, images puis bande annonce à l’appui, avec un budget de 30M$US et une sortie sur la plateforme de streaming américaine Peacock. Chez nous, le film aura même droit à une sortie en salles. Malheureusement, ce The Killer version 2024 n’a à aucun moment une once de la puissance émotionnelle de l’original. Et même sans comparer à celui de 1989, on reste dans quelque chose d’assez fade si on excepte quelques envolées lyriques. Nous sommes clairement ici dans quelque chose de bien plus aseptisé, de bien moins dramatique que l’original, avec même quelques touches comiques (pas forcément réussies), également bien plus « propre », ne serait-ce que par la représentation ultra naïve de la ville de Paris, complètement fantasmée par John Woo.
Là où le casting original transpirait la classe, ici on souffle clairement le chaud et le froid et certains personnages ne tiennent pas la route à cause du jeu très moyen, pour ne pas dire mauvais, des acteurs qui les interprètent. Diana Silvers (Ma, Glass), qui joue la chanteuse blessée, n’est jamais crédible. Même chose en ce qui concerne Nathalie Emmanuel (Fast and Furious 7 à 10, la série Game of Thrones) qui, bien que se donnant à fond, n’est pas forcément crédible dans ce rôle de tueuse très compétente. Déjà, elle n’a pas une once de la classe d’un Chow Yun-Fat en costume arborant un flingue dans chaque main, mais même sans faire de comparaison, on ne croit pas à son rôle de tueuse impitoyable. Omar Sy s’en sort bien plus et est crédible dans son rôle de policier, faisant du bon boulot dans les gunfights et les quelques bastons mano à mano. Sam Worthington tire lui aussi son épingle du jeu, ainsi que Tchéky Karyo dans ce petit rôle qu’on lui a donné. Mais à l’inverse, Saïd Taghmaoui ou encore Eric Cantona ne sont pas très crédibles, particulièrement à cause d’un jeu d’acteur un peu aléatoire et de performances pas très inspirées/habitées. La décision de confier le rôle de l’assassin à une femme aurait pu amener un plus intéressant, mais au lieu de cela, elle ne sert qu’à diluer le mélodrame de base de l’original et l’impact émotionnel de la relation presque homoérotique du duo Chow Yun-Fat / Danny Lee de l’original. A la place de ça, on a droit à une rivalité hétérosexuelle sans grand intérêt car manquant d’enjeu et surtout de profondeur. John Woo a la bonne idée de ne pas calquer son scénario sur celui du film original, modifiant certaines scènes, en rajoutant / supprimant d’autres. Déjà qu’un remake de The Killer n’était pas utile, alors un remake qui aurait repris plan par plan l’original l’aurait été encore moins. Seulement, les rajouts, comme par exemple tout le trafic de drogue, ne servent au final pas à grand-chose si ce n’est à adoucir les choses et rendre les choses plus 2024. Oui, cette cuvée 2024 tente de rendre hommage à son modèle de 89 mais il perd l’essence même qui rendait The Killer si captivant. La grande violence a quasiment disparu, remplacée par des séquences d’action qu’on voit partout de nos jours, et l’action a perdu toute sa résonance émotionnelle.
Malgré tout, c’est dans l’action qu’il reste encore quelques fulgurances, comme par exemple le premier face-à-face armé entre Omar Sy et Nathalie Emmanuel, ou encore le final qui, bien que très en deçà de l’original, s’avère parfois divertissant. Mais on ne peut s’empêcher de penser que Woo a clairement perdu de sa superbe et ces scènes d’action ressemblent au final à n’importe quelle autre des actionneurs du moment depuis l’avènement de John Wick. Là où John Woo misait auparavant beaucoup sur la narration visuelle, même dans son métrage précédent (Silent Night, 2023), ici c’est l’inverse, il n’y a quasiment rien à ce niveau-là et la mise est scène de Woo est, la plupart du temps, très timide. Oui, il tente à la Brian De Palma ou Guy Ritchie de découper l’écran afin de montrer plusieurs choses à la fois, mais là non plus ça n’apporte rien. Là où le The Killer original avait son lot de plans désormais mythiques, on a l’impression ici que John Woo est très fatigué, tentant péniblement de faire quelques cadrages sortant un peu de l’ordinaire, quelques mouvements de caméra inhabituels, mais qu’il ne semble plus forcément en capacité de faire les choses autrement que dans les nouvelles normes. Il en résulte une bobine qui visuellement ressemble à tout ce qu’on reproche habituellement aux films faits pour des plateformes de streaming, des films trop lumineux, trop cleans, trop passe-partout, trop impersonnels. La musique, tantôt jazzy, tantôt très inspirée des westerns spaghettis, est à l’image du reste, assez fade. On aurait pu se consoler avec le long final dans l’église, scène mythique de l’original qui y allait fort dans les symboles religieux qui étaient détruits, avec par exemple des vierges explosées au ralenti. Mais tout ce côté-là est abandonné rapidement avec une église qu’on nous annonce désacralisée, abandonnées, histoire de ne pas trop froisser la population catholique qui pourrait s’aventurer dans le film.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Certains acteurs convaincants… ♥ Quelques scènes d’action |
⊗ … d’autres beaucoup moins ⊗ Mise en scène sans éclat ⊗ On n’a plus la puissance de l’original ⊗ Des rajouts sans intérêt |
The Killer, c’est un film qui semble avoir été réalisé par quelqu’un qui a oublié ce qui rendait son travail spécial au départ. C’est un remake fade, sans vie, certes regardable malgré tout si on n’en attend rien, mais la grosse déception est bien là. |
Titre : The Killer
Année : 2024
Durée : 2h06
Origine : U.S.A
Genre : Remake sans âme
Réalisateur : John Woo
Scénario : John Woo, Brian Helgeland, Josh Campbell
Acteurs : Nathalie Emmanuel, Omar Sy, Sam Worthington, Diana Silvers, Saïd Taghmaoui, Angeles Woo, Eric Cantona, Tchéky Karyo, Grégory Montel, Aurélia Agel