[Film] The Fugitive, de Chang Tseng-Chai (1972)


Siu Lao Fei Lung et Ma Tien Piao sont des bandits qui vont de ville en ville pour braquer des banques et tuer tous ceux qui tentent de les arrêter grâce à leurs superbes talents de tireurs. Lorsqu’un hold-up tourne mal, Siu envoie Ma avec l’argent et lui dit que s’il est attrapé, il essaiera de le sauver plus tard. Siu est torturé et, au fur et à mesure que le temps passe, il se rend compte que son frère juré ne viendra pas le sauver. Au lieu de cela, Ma met sur pied une bande de voyous, dont il est le chef, pour continuer à commettre des meurtres et des actes de banditisme. Sui parvient à s’échapper et se rend au campement de Ma pour un règlement de comptes.


Avis de Cherycok :
Chang Tseng-Chai n’est clairement pas le réalisateur le plus connu de la Shaw Brothers. Pourtant, c’est quelqu’un de compétent qui a même gagné deux Golden Horse Awards, un pour Heroes of the Eastern Sky (1977) et un pour From The Highway (1970). C’est d’ailleurs suite à ce dernier que la Shaw Brothers décide de l’engager et il va rapidement commencer à enchainer les films pour le studio, d’abord avec Redbeard (1971), puis The Casino en 1972, sans doute le plus connu de sa filmographie, mais également The Fugitive la même année. The Fugitive, c’est du divertissement pulp et à aucun moment ça n’essaie d’être autre chose. Et c’est pour cela qu’il faut aller au-delà des grosses productions de la Shaw Brothers, qu’il faut s’intéresser à ce qu’ils ont sorti à côté, car même s’il y a du déchet (et c’est normal avec tout ce qu’ils ont produit), il y a aussi des choses moins connues mais qui valent la peine qu’on s’y intéresse si on aime ce genre de divertissement. D’autant plus que, 1h16 génériques compris, The Fugitive se cale assez facilement et est assez réjouissant.

Ce qu’on remarque dès les premières secondes, c’est l’ambiance très western spaghetti qui se dégage du film, comme c’était d’ailleurs le cas de quelques Shaw Brothers de l’époque comme The Invincible Fist (1969) ou The Anonymous Heroes (1971). On sent parfaitement immédiatement que Chang Tseng-Chai est un grand amateur du genre. On y retrouve donc l’ambiance qui aurait pu sortir d’un western de Sergio Leone, mais également tout un tas d’éléments : braquage de banque, traversée à cheval d’espaces désertiques, évasion de prison et pas mal d’autres petites inspirations comme lorsque le héros se fait écraser les mains pour ne plus pouvoir utiliser d’arme à feu et qui fait immédiatement écho au Django (1966) de Sergio Corbucci. Le scénario dans son ensemble est, à quelques petits détails près, similaire à celui de Du Sang dans la Montagne (1966, The Hills Run Red en VO, de Carlo Lizzani. Cela se ressent également dans la mise en scène, avec ces zooms sur les regards si chers à Sergio Leone. Ça emprunte d’ailleurs également sans vergogne des musiques des films de ce dernier, comme ça se faisait à cette époque à Hong Kong où le concept de copyright était un peu flou. Mais ça marche réellement car la musique est habilement utilisée pour renforcer l’aspect dramatique ou intense de certains moments tendus entre les différents protagonistes du film. Lo Lieh (La Main de Fer, Les Exécuteurs de Shaolin) pète la classe en anti-héros badass sans peur et sans reproche, montrant une belle palette d’émotions dans cette histoire essentiellement centrée sur son personnage. De manière générale, c’est tout le casting qui livre ici une bonne prestation, à commencer par Ku Feng (The Deadly Duo, Black Magic) dans le rôle d’une crapule perfide, bien que le surjeu soit parfois de mise. Notons également Dean Shek (Le Syndicat du Crime 2) et Sammo Hung (Eastern Condors) dans des petits rôles et les plus affutés pourrons déceler Bolo Yeung (Bloodsports) ou encore Lam Ching Ying (Mr Vampire) dans des rôles de figuration.

La mise en scène est dynamique mais veut parfois en faire trop et abuse beaucoup trop de zooms / dézooms pour passer du premier plan au second plan en fonction de quel personnage est en train de parler. Et c’est dommage car lors des scènes un peu plus calmes, on sent un réel soin apporté à la mise en valeur des décors, de l’ambiance, avec des travellings lents et des cadrages réfléchis. L’action est nerveuse, violente, et même relativement gore, mais ça succombe parfois trop à un montage trop rapide pour donner la sensation de vitesse, au point que sur certains enchainements de plans, on ne comprend pas toujours ce qu’il se passe exactement. On oubliera également le réalisme de ces scènes où, même lorsqu’ils sont 50 contre un (un peu à la manière des films de Chang Cheh de l’époque), tous armés de pistolets, ils sont incapables de tuer Lo Lieh. Pourtant, l’ensemble demeure malgré tout résolument fun, le genre de moment vraiment pas prise de tête et qu’on regarde comme une série B qui miserait tout sur son action décomplexée avec des fusillades assez palpitantes où le (anti)héros dégomme du méchant avec une habileté et une précision folle. Il y a d’ailleurs ici beaucoup d’action, avec une succession de gunfights parfois entrecoupés (mais rarement) de combats pieds / poings, pour un ensemble de 1h16 très rythmé afin de pallier à un scénario des plus simples, cousu de fil blanc et parfois difficile à prendre au sérieux, mais parfait pour un bon petit moment à passer sans se prendre la tête. Oui, la forme l’emporte sur le fond mais ce n’est à aucun moment problématique et The Fugitive nous offre certaines scènes assez mémorables comme son introduction ou son final, mais également une scène d’exposition très joliment réalisée sur fond de L’Homme à l’Harmonica de Ennio Morricone (piquée à Il Était une Fois dans l’Ouest). Ajoutez à cela quelques boobs et un plan fesses pour appâter le chaland et vous obtiendrez un très bon divertissement pulp malheureusement oublié de la Shaw Brothers.

LES PLUS LES MOINS
♥ Le duo Lo Lieh / Ku Feng
♥ Très rythmé
♥ Des scènes d’action souvent jouissives
♥ L’ambiance western
⊗ Un scénario relégué au second plan
⊗ Parfois monté à la hache
Shaw Brothers méconnu s’inspirant très fortement du western spaghetti, The Fugitive est un très bon divertissement pulp bourré d’action décomplexée, avec un Lo Lieh impérial. Si l’envie de vous vider la tête vous prend, voilà qui pourrait parfaitement faire l’affaire.

LE SAVIEZ VOUS ?
• The Fugitive semblait être un titre à la mode à cette époque à Hong Kong car trois films portent ce film : un de 1966, un de 1970, et donc un de 1972.



Titre : The Fugitive / 亡命徒
Année : 1972
Durée : 1h16
Origine : Hong Kong
Genre : Western Spaghetti version HK
Réalisateur : Chang Tseng-Chai
Scénario : Ni Kuang

Acteurs : Lo Lieh, Ku Feng, Li Ching, Lee Ga-Sai, Ding Sai, Tang Ti, Dean Shek, Lee Pang-Fei, Chu Gam, Tong Tin-Hei, Sek Kin, Chan Shen, Lu Wei, Ou-Yang Sha-Fei

Wang ming tu (1972) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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