[Film] The Devil’s Double, de Lee Tamahori (2011)


En Irak, en 1987, une plongée dans la dictature de Saddam Hussein vue par les yeux de Latif Yahia, doublure de Uday Hussein, le fils aîné du dictateur.


Avis de Cherycok :
Après l’uppercut L’Âme des Guerriers, le réalisateur néozélandais Lee Tamahori débarque aux États-Unis où il enchaine les films. A Couteaux Tirés (1997), Le Masque de l’Araignée (2001), Meurs un Autre Jour (2002 et autres Next (2007). En 2011, il est appelé par l’Europe pour mettre en scène The Devil’s Double, après que Danny Boyle ait refusé la proposition, film indépendant coproduit par la Belgique et les Pays-Bas bénéficiant d’un budget de 19M$US. Lee Tamahori y mettra tout son cœur, s’impliquant du début à la fin, mais le succès ne sera pas au rendez-vous puisque le film ne rapportera que 5.7M$US au box-office, mettant pour le coup un frein à la carrière du réalisateur qui ne mettra plus rien en scène 5 ans durant, revenant pour le coup au pays pour tourner des plus modestes Le Patriarche (2016) puis The Convent (2023). Pourtant, The Devil’s Double n’est pas un mauvais film, bien au contraire, mais sans doute que le sujet n’a pas du tout dû intéresser le continent américain, principale source de revenus pour les films quoi qu’on en dise.

Tourné à Malte, The Devil’s Double suit Latif Yahia (Dominic Cooper), un soldat irakien issu d’une famille aisée, qui est retiré de la guerre pour servir de sosie à Uday Hussein, le film de Saddam Hussein, pour des raisons à la fois politiques et personnelles, mais principalement car Uday est préoccupé par une tentative d’assassinat. Ne voulant pas participer à cela mais contraint par la menace d’une atteinte à sa famille, Yahia, après un passage par la case chirurgie esthétique et d’un dentier pour parfaire son apparence, se retrouve plongé dans le monde d’Uday, un monde rempli de viols, de tortures, de meurtres, de drogues, de sexe et d’argent. Yahia est désormais la propriété d’Uday qui est devenu un monstre, obtenant tout ce qu’il veut sans jamais avoir à en assumer les conséquences, et le cauchemar commence. Homme ordinaire qui se retrouve dans une situation extraordinaire, Latif n’a d’autres choix que de se plier aux horreurs atroces qui lui sont proposées et il devra lutter pour ne pas voir sa morale vaciller. L’existence des « doublures » était vraie et même publiquement connue, et la famille Saddam Hussein n’était pas la seule à utiliser ce subterfuge. Joseph Staline ou Oussama Ben Laden ont également utilisé cela. Le réalisateur avoue lui-même que, même si certains des faits relatés dans le film sont vrais et que le « vrai » sosie de Uday Hussein, Yahia Latif, était avec lui tout le long du tournage pour le conseiller, pour la véracité de certains faits, pour rendre les choses plus plausibles, beaucoup de choses ont été changées (la durée pendant laquelle il a été le « clone par exemple) ou ne sont que pure fiction et bien qu’il ait voulu s’intéresser à ce personnage fantasque, son but était plus de réaliser un film de gangster qu’une biographie exacte du fils de Saddam Hussein. Une très longue liste de sources a contesté les affirmations de Yahia, notamment un ancien garde du palais, l’un des chirurgiens de la famille Hussein, un officier de la CIA et au moins deux confidentes d’Uday. Bien que le film s’attarde sur la famille Hussein, et en particulier son fils, ce sont les dictatures de manière générale qui semblent être critiquées, des dictatures qui existent depuis des milliers d’années et encore aujourd’hui. Le film critique les effets secondaires néfastes d’un pouvoir illimité, aussi bien du dictateur lui-même que de son entourage (ici son fils ainé), comment toute personne gênante, ou tout simplement contrariante, avait droit à du chantage ou était éliminée sans ménagement. Rien que nous ne sachions pas mais c’est ici plutôt bien mis en images avec un ton réaliste.

Le scénario de The Devil’s Double est plutôt bien construit, bien que certaines choses semblent parfois aller un peu trop vite (la transformation de Latif par exemple), et la mise en scène de Lee Tamahari est extrêmement soignée. C’est visuellement léché, avec des décors construits pour l’occasion et nous montrant le gigantisme de certains palais ou le brouhaha de certaines rues marchandes, avec une photographie très colorée, tirant souvent vers le jaune, et en choisissant parfaitement ses cadrages et ses angles pour appuyer telle ou telle chose. On sent là un réalisateur expérimenté qui a envie de faire les choses très proprement et d’aller dès qu’il le peut dans le spectaculaire, pas en termes d’action explosive façon Michael Bay, mais en termes de grandeur, d’exubérance du personnage dont il est ici question. Certains moments sont malheureusement en deçà, à commencer par le final et le passage du garde du corps (je n’en dis pas plus pour ne pas spoiler). Outre quelques gunfights aux impacts de balles parfois sanglants, le film n’épargne pas les spectateurs en mettant en scène quelques scènes de torture qui pourraient en déranger certains, ainsi que des pics de violence étonnants comme cet éventrement très visuel laissant apparaître tout un tas de viscères. Dominic Cooper est capable du meilleur (la série Preacher) comme du pire (Warcraft, Abraham Lincoln Chasseur de Vampires) en termes de jeu, mais ici il s’en sort parfaitement dans ce double rôle où il va arriver à faire ressortir sans aucun souci, non sans surjeu volontaire, toute la folie et le côté psychotique de Uday Hussein qui, selon les dires qui ont été rapportés par ceux qui le connaissaient, était un enfant pourri gâté violent qui voulait toujours tout avoir de suite, accro à la drogue et au sexe. Cooper donne aux deux hommes leur propre voix et leurs propres manières, permettant au spectateur de pouvoir les différencier. Le reste du casting répond également à l’appel. Les seconds rôles sont réussis, et même si Ludivine Sagnier semble parfois un peu en deçà, elle remplit malgré tout son rôle de « préférée » du fils Hussein. On pourra reprocher au film que tout le monde parle anglais alors que l’histoire est censée se passer à Bagdad. Mais il faudrait également reprocher cela à des tonnes d’autres films, certains n’hésitant pas faire parler même des extraterrestres dans la langue de Shakespeare.

LES PLUS LES MOINS
♥ Bien mis en scène
♥ Jolie photographie
♥ Dominic Cooper, impressionnant
♥ Bien rythmé
⊗ Un final qui déçoit un peu
⊗ Une Ludivine Sagnier un peu en dessous
Méconnu, The Devil’s Double est un film divertissant, tantôt palpitant, tantôt troublant, sans doute le meilleur (double) rôle de son interprète principal, Dominic Cooper. Sans attendre des hauteurs stratosphériques, c’est un bon petit film.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Le rôle de doublure de Latif Yahia a existé pendant 4 ans. Même si dans le film, le personnage a réussi à garder les mains raisonnablement propres, mais difficile de penser que ça a pu être le cas pendant 4 ans dans la réalité.



Titre : The Devil’s Double
Année : 2011
Durée : 1h49
Origine : Belgique / Pays-Bas
Genre : Gangsters au pays du pétrole
Réalisateur : Lee Tamahori
Scénario : Michael Thomas, Latif Yahia, Emjay Rechsteiner

Acteurs : Dominic Cooper, Ludivine Sagnier, Raad Rawi, Philip Quast, Mimoun Oaïssa, Khalid Laith, Dar Salim, Nasser Memarzia, Mem Ferda, Pano Masti, Akin Gazi

The Devil's Double (2011) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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