À Los Angeles, Christian jeune producteur ambitieux est amoureux de Tara, une actrice de seconde zone, qu’il entretient et qu’il héberge chez lui. Obsédé par l’idée qu’elle le trompe, il décide de la faire suivre et découvre qu’elle entretient effectivement une liaison. Sa jalousie est d’autant plus grande puisque l’amant de Tara est Ryan, son ex petit ami et acteur qu’elle a imposé sur sa future production pour le rôle principal masculin. Trahi, Christian décide de se venger en piégeant les deux amants dans des jeux pervers et violents, sacrifiant au passage ce qui lui reste d’humanité.
Avis de Rick :
On le sait depuis le temps, mais les projets de Paul Schrader en tant que réalisateur sont toujours risqués, et le monsieur n’a pas de bol. Entre les flops financiers, projets avortés, et projets que les producteurs manipulent dans son dos (Dying of the Light) ou carrément annulent pour tout retourner (la préquelle de l’Exorciste), il n’aura pas la vie facile. The Canyons est né lui de manière étrange, suite à un projet avorté entre Paul Schrader, Bret Easton Ellis et le producteur Braxton Pope, faute de budget. Ils décident alors de trouver un financement via kickstarter. En deux mois, ils récoltent quasi 160 000 $, et Bret Easton Ellis écrit The Canyons. Lindsay Lohan alors sur le retour (plus ou moins) récupère le rôle principal, tandis que le scénariste et le producteur voient l’acteur porno James Deen pour le second rôle principal. Schrader accepte un peu à contre cœur, et le reste du casting s’effectuera via un site internet. Un tournage rapide sur Los Angeles, à l’économie, et le film est enfin là. Bien que refusé à plusieurs festivals, The Canyons trouve un distributeur et débarque. Les critiques ne sont absolument pas tendres avec le métrage (un peu plus en France), le film est un bide. Schrader lui aura au moins pu faire le métrage qu’il voulait. The Canyons est-il donc un film honteux ? Un ratage dans sa filmographie ? Lindsay Lohan est-elle si catastrophique que ça dans le rôle ? James Deen absolument pas convaincant lorsqu’il est habillé ?
Et bien contre toute attente, absolument pas ! Paul Schrader a fait ce qu’il voulait, et a fait du… Paul Schrader, à point c’est tout ! Mais oui, au final, The Canyons est un film simple. Christian est riche et déviant, il sort avec Tara, mais celle-ci sort en cachette avec un acteur que Christian embauche sur un film qu’il produit. C’est tout ? Oui basiquement, le film n’étant qu’un petit jeu de manipulation, sur qui arrivera à dominer l’autre, qui aura le dernier mot, et qui réussira à s’en sortir, indemne de préférence. Rien de bien neuf sur le papier, surtout que la critique du milieu Hollywoodien est maintenant très présente au cinéma, comme le prouve le dernier Cronenberg par exemple, Maps to the Stars.
Mais si Cronenberg marquait son film sous un grand classicisme, autant en terme de visuel que d’histoire ou de narration, Schrader fait un choix différent, installe un rythme lent et parfois hypnotisant, utilise un style plutôt documentaire, à l’aide de beaucoup de plans fixes et d’une caméra portée suivant parfois les personnages sur de longues distances dans des couloirs, fait durer ses scènes. Finalement, l’aspect « milieu du cinéma » est très réduit à l’écran, puisqu’au delà du milieu dans lequel les personnages sont, de quelques plans d’ouverture et d’un dialogue sur l’amour du cinéma en salle, ce sont surtout les personnages qui sont au centre du récit, avec leurs doutes, leurs regrets, et leur envie de dominer l’autre, d’être la personne qui contrôle. Malgré un ou deux plans où l’éclairage se fait trop prononcé (on les sent les projecteurs), c’est très bien filmé, agréable à l’œil, et si l’on adhère un minimum à l’œuvre, on rentre dans ce rythme langoureux avec intérêt.
Et que dire des deux acteurs principaux donc ? Encore une fois, ils sont plutôt bons. Lindsay Lohan (Lolita Malgré Moi, Freaky Friday) est dans le bon ton et s’avère plutôt convaincante à chaque instant. Quand à James Deen, il est froid à l’écran, manipulateur, on sent toujours qu’il renferme en lui une grande violence qu’il essaye de contenir mais ne demande qu’à exploser. Avec ses personnages, on pense par exemple à American Psycho, adapté justement d’un roman de Bret Easton Ellis. Alors pourquoi tant de haine envers The Canyons de par la presse et le public ? La vie privée de Lindsay Lohan et ses divers travers joueraient-ils en défaveur du film ? Tout comme le statut de star du X de James Deen (environ 1300 films au compteur, il ne chôme pas le monsieur) ?
Assurément oui, malheureusement puisque les deux livrent une bonne prestation. Le contenu à base de sexe et de manipulation du film choquerait-il ? Ça aurait pu être le cas, sauf que Paul Schrader aurait pu aller bien plus loin. Avec Christian le producteur psychopathe qui ne vit que pour le sexe, et Tara qui reste avec lui pour l’argent et la sécurité, quitte à céder à tous ces caprices, on aurait pu aller bien plus loin. À la place, quelques rares plans de nudité frontale, quelques poitrines, et c’est tout. Rien de vraiment choquant donc. Oui, The Canyons, bien qu’il aurait pu être plus, pu être mieux en allant encore plus à fond dans son sujet, n’est pas un mauvais film, loin de là. C’est même pour Paul Schrader un très bon film. Peut-être qu’avec le temps, le film trouvera son public et sera même réévalué, puisqu’il ne mérite pas toute la haine déversée sur lui !
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Deux acteurs convaincants ♥ Une mise en scène professionnelle et belle ♥ Un bon score musical ♥ Des personnages détestables mais intéressants |
⊗ Ça aurait pu aller plus loin |
Détesté de tous, je prendrais donc la défense de The Canyons. Pas le meilleur film de son auteur, mais un métrage maîtrisé, intéressant, porté par de bons acteurs et un rythme lent et hypnotisant. |
Année : 2013
Durée : 1h39
Origine : U.S.A.
Genre : Drame
Réalisation : Paul Schrader
Scénario : Bret Easton Ellis
Avec : Lindsay Lohan, James Deen, Nolan Gerard Funk, Amanda Brooks, Tenille Houston et Gus Van Sant
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