L’histoire d’un homme qui, après avoir subi une très violente agression, n’est pas au bout de ses peines lorsqu’il se retrouve de nouveau persécuté par un autre psychopathe du village où il était parti chercher de l’aide.
Avis de Ryô Saeba :
Après avoir fait ses études aux Etats-Unis, Tsui Hark revient à Hong Kong en 1977 et très vite il entre dans le bain en étant embauché comme réalisateur de série Tv. C’est d’ailleurs comme ça qu’en 1979, il est remarqué par le prolifique réalisateur / producteur Ng See-Yuen qui vient de faire découvrir au public un jeune homme nommé Jackie Chan. Après avoir vu la série The Gold Dagger Romance, qui est une adaptation d’une célèbre nouvelle de Ku Long, Ng See-Yuen engage Tsui Hark, ce jeune metteur en scène prometteur, et lui permet de mettre en scène son premier long métrage.
Imaginez un wu xia pian traditionnel mais restructuré comme un polar et avec un soupçon d’horreur représenté par des papillons tueurs qui ne sont bien sûr pas sans rappeler les fameux oiseaux de Hitchcock. Tout comme dans la suite de sa carrière, Tsui Hark mélange les genres et n’hésite pas à expérimenter sans cesse quitte à mélanger la culture orientale et occidentale. Car si Tsui Hark ne le sait pas à l’époque où il tourne le film, il va être l’instigateur aux cotés de réalisateurs comme John Woo, Ann Hui, Kirk Wong ou encore Patrick Tam de la nouvelle vague du cinéma hongkongais. Cette nouvelle vague est le résultat d’un mélange de cultures et vient casser les structures préétablies par les films en place à l’époque comme ceux de la Shaw ou de la Golden Harvest. Pour la plupart comme Ann Hui, ils signent des films d’auteurs, souvent durs et assez pessimistes mais Tsui Hark lui, fait ses premières armes sur deux films qui s’inscrivent en apparence dans la mouvance de ce qui se fait à l’époque à savoir respectivement le wu xia pian pour Butterfly murders et le kung fu comédie pour Histoires de Cannibales avant de lui aussi lancer sa grosse bombe nihiliste avec L’Enfer des Armes.
Si Butterfly Murders s’inscrit donc dans un genre très courant et en vogue à l’époque à Hong Kong qu’est le Wu Xia Pian, ce n’est qu’en apparence car Tsui Hark va complètement remodeler la structure traditionnelle pour en faire un polar tout comme Johnnie To avec son Enigmactic Case 2 ans plus tard où se mélangent polar, western et art martiaux. John Woo lui choisira la voix inverse en intégrant au polar les codes du Wu Xia Pian avec son A Better Tomorrow. Tsui Hark réussit donc avec peu de moyen, le budget n’étant pas énorme, à donner une atmosphère inquiétante à son film grâce à l’utilisation de la musique et des effets sonores aux bons moments ainsi qu’une réalisation très efficace que ce soit dans les scènes d’intrigue ou dans les combats où le montage est rapide et dynamique, rappelant même sur certains plans du combat final le style de Fukasaku. Le scénario est vraiment bien écrit et nous fournit un background futuriste tout en restant un film d’époque avec une multitude d’intrigues : labyrinthe secret, papillons tueurs, personnages mystérieux, assassinats… Les personnages sont également intéressants et bien détaillés, « ombre verte » joué par Michelle Yim préfigure déjà les folles envolées des personnages de Zu tout comme les multiples clans habillés de couleurs différentes que l’on pourra retrouver dans l’introduction du même Zu.
Fong Hong Yei lui est un écrivain qui relate les guerres des différents clans mais en ne sachant pas se battre et qui se place dans le film comme l’enquêteur, statut rarement voire jamais vu dans un film de ce style auparavant, du moins dans cette mesure. C’est également le narrateur du film qui introduit le background et livre ses impressions en voix off tout au long de l’histoire. On retrouve également au casting ce bon vieux Eddy Ko qui a joué dans une multitude de films dans sa carrière et qui sera aussi présent par la suite dans Histoires de Cannibales. Il est un des 3 fils du tonnerre respectivement connus sous le nom de « Nuage Volant », « Feu du Ciel » et « L’homme aux Cents Mains ». Chacun a ses capacités spéciales et ils contribuent également à développer l’intrigue, on retrouve déjà à travers eux toute la fantaisie des futurs films de Tsui Hark. Hormis les différents personnages du clan de Tien présents également dans ce huit clos, il y a aussi un autre personnage important : les papillons. Et il faut dire que Tsui Hark a réussi son pari de transformer de simples papillons en véritables tueurs assoiffés de sang. Il mentionne d’ailleurs que faire voler les papillons n’a pas été facile puisqu’il a fallu installer un ventilateur afin de garder les papillons dans les airs et même avec ça ceux-ci ne restant en l’air que 10 min, de nombreuses prises ont été nécessaires. Mais au final on y croit, la vision de filets entiers remplis de papillons silencieux nous semblent menaçant, de même lors des attaques filmées avec frénésie accentuées par une musique stridente, ces papillons peuvent tuer.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Les expérimentations de Tsui Hark ♥ La façon dont sont déjoués les codes du genre ♥ La bande son ♥ La mise en scène |
⊗ Parfois trop expérimental |
Très bien construit et réalisé, sans temps mort grâce aux multiples intrigues et interactions entre les personnages, Butterfly Murders est un premier film prometteur qui malheureusement, bien que salué par la critique, fut un gros échec commercial. Le public à l’époque n’étant peut-être pas encore prêt pour ce film avant-gardiste. |
Titre : The Butterfly Murders / 蝶變
Année : 1979
Durée : 1h28
Origine : Hong Kong
Genre : Wu Xia Pian / Epouvante / Thriller
Réalisateur : Tsui Hark
Scénario : Lam Chi-Ming, Lam Fan
Acteurs : Lau Siu-Ming, Michelle Yim, Jojo Chan, Chang Kuo-Chu, Wong Shu-Tong, Ha Kwong-Li, Tsui Siu-Ling, Eddy Ko, Tino Wong, Danny Chow, Wynn Lau