[Film] Terrified, de Demián Rugna (2017)

Quand des choses étranges se passent dans un quartier de Buenos Aires, des enquêteurs du paranormal et un ancien flic décident d’ouvrir une enquête des plus terrifiantes.


Avis de John Roch :
Le sous genre du film de fantômes a beau lieu avoir envahi nos écrans depuis plus d’une décennie, voire deux si l’on prend en compte la vague principalement constituée de remake de métrages Nippon qui poserons malgré eux les codes des Insidious et compagnie, le succès est encore au rendez-vous et encore pour un petit moment jusqu’à ce que la mode change. Et il serait temps, tant cette vague ne donne plus rien de consistant et ne se base plus que sur les jump scares pour attirer un public plus portée sur la jeunesse et ceux qui ne regardent pas de films d’horreur que sur celui des initiés. Il faut dire que ce genre n’effraie plus, pas plus qu’il parvient à divertir. La faute en premier lieux aux fameuses jump scares, celles-ci fonctionnes toutes désormais sur le même schéma (le son qui se coupe brutalement ? Jump scare ! Un personnage qui s’éloigne de quelques centimètres des autres ? Jump scare ! Un plan qui dure trois seconde de plus que les autres ? Jump scare ! T’as pas de talent ? Jump scare !), quand elle ne sont pas grillées d’avance (le plan séquence au début de Conjuring 2 qui annonce TOUTES les jump scares à venir, ou tout simplement la majorité des productions du genre), ou si moisies que le réalisateur en case des tonnes histoire d’être sur qu’à un moment l’auditoire sursaute (le remake de Patrick et ses quadruples jump scares). Une abondance et une facilité qui pointe surtout le vrai nœud du problème : beaucoup peuvent se vanter de faire sursauter son public, mais combien ont réussi à faire flipper en se reposant avant tout sur l’ambiance ? Demián Rugna fait partie de ces metteurs en scène qui ont réussi le pari avec Terrified, Aterrados de son nom original, qui si il n’invente et ne révolutionne rien, n’en demeure pas moins un petit coup dans la fourmilière pour ceux qui ont découvert le métrage sur grand écran lors de sa tournée en festivals pendant laquelle il a raflé plusieurs prix, et oui ça valait vraiment le coup. Forcement, sur la petite lucarne le film perd un peu de sa superbe, reste que si l’on se met dans les bonnes conditions, cela ne l’empêche pas d’être terriblement efficace dans son genre.

Aterrados part d’un pitch classique et déjà vu : des fantômes terrorisent les habitants d’un quartier de banlieue, des enquêteurs médiums viennent y faire un tour pour vérifier la véracité de ces apparitions ectoplasmiques et ils ne vont pas être déçus du voyage. Avec ce postulat de base qui tient sur un bout de nappe, Demián Rugna ne réinvente pas la roue mais en tire son maximum pour faire passer la pilule et la linéarité de son script, et ça fonctionne grâce à des personnages qui s’éloignent des stéréotypes du genre et caractérisés de façon certes simple mais ce qu’il faut pour ne pas se retrouver face à des coquilles vides, mais aussi a une structure qui amène un peu d’épaisseur au récit. Structure qui se rapproche des films à sketch, ce qu’est au final le métrage dans sa première partie. Celle-ci est composée de trois grosses scènes qui sont introduites, développées et conclues, sans oublier qu’elles font partie d’un tout, qui se rejoignent dans une seconde partie qui fait office de gros final dans lequel les événements qui ont précédé et les questions laissées en suspend trouvent un écho. En parlant de questions, ne cherchez pas une explication aux soudaines apparitions des fantômes car il y en a aucune, Demián Rugna se repose sur le seul et unique point de vue de sa poignée de protagonistes qui est partagé avec le spectateur. Les seules choses que vous apprendrez sont les mêmes qu’apprennent les personnages, qui disposent de quelques petites théories pour justifier la chose sans pour autant nous donner de clés dont ils ne disposent de toute façon pas. L’effet est double, d’une part cela permet une sorte d’immersion dans le métrage, où le spectateur est à niveau égal aux personnages dans le sens où il n’y a aucune intervention ou point de vue extérieur pour nous prendre par la main. D’autre part cela permet au réalisateur de se débarrasser de tout artifice et d’aller à l’essentiel, à savoir foutre la pétoche.

De ce coté, c’est une franche réussite. Loin de vouloir faire dans la simplicité avec des jump scares à foison, Demián Rugna fait preuve d’une rigueur dans sa mise en scène. Dès les premières minutes d’ailleurs, dans lesquelles il suffit au réalisateur d’un évier de cuisine pour prouver sa capacité à poser une ambiance. Et ça fonctionne du tonnerre, la tension ne redescend jamais dans Aterrados, qui mélange terreurs adultes (la perte d’un enfant, la solitude) et d’autres plus enfantines (la peur du noir, du placard ou du dessous du lit). L’ambiance sonore, quoique légèrement envahissante, et surtout la réalisation, contribuent au succès de cette ambiance. Cette dernière est pour le moins réussie, et bien qu’une excellente idée de mise en scène soit tuée dans l’œuf et que le dernier plan est assez honteux par rapport au reste, Demián Rugna fait preuve d’une rigueur et de choix de plans judicieux à toute épreuve. Quant aux jump scares, celles-ci sont non seulement efficaces, mais ont aussi un coté rentre dedans qui fait plaisir à voir. Car Aterrados est un film bourrin, où les fantômes sont d’une violence rarement vue dans un film du genre. Et Demián Rugna n’y va pas par le dos de la cuillère, certaines scènes sont d’une brutalité parfois sèche et sans concession. Aterrados n’est pas parfait, le métrage est gorgé de qualités mais il subsiste des défauts qui en font un genre de bande démo et un très bon coup d’essai pour Demián Rugna. Son coup de maître, il n’aura pas fallu attendre longtemps, son dernier bébé : When Evil Lurks, montre à quel point le metteur en scène est fait pour l’horreur et est à suivre de très près.

LES PLUS LES MOINS
♥ C’est flippant
♥ L’ambiance réussie
♥ La mise en scène…
♥ L’ambiance sonore…
♥ La structure du film
♥ Le coté bourrin du métrage
⊗ Le dernier plan
⊗ Globalement, ça n’invente strictement rien
⊗ … malgré de bonnes idées à peine esquissées
⊗ … un peu envahissante

Aterrados n’est pas parfait. Avec son ambiance, son aspect technique et son coté bourrin, le métrage est gorgé de qualités mais il subsiste des défauts qui en font un très bon coup d’essai pour Demián Rugna, qui montre à quel point il est doué pour l’horreur et est devenu avec ce film un réalisateur à suivre.



 

Titre : Terrified / Aterrados
Année : 2017
Durée : 1h27
Origine : Argentine
Genre : A grou grou méchant
Réalisateur : Demián Rugna
Scénario : Demián Rugna

Acteurs : Maximiliano Ghione, Norberto Gonzalo, Elvira Onetto, George L. Lewis, Julieta Vallina, Demián Salomón, Agustín Rittano

Terrified (2017) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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