[Film] Tenet, de Christopher Nolan (2020)

Muni d’un seul mot – Tenet – et décidé à se battre pour sauver le monde, notre protagoniste sillonne l’univers crépusculaire de l’espionnage international. Sa mission le projettera dans une dimension qui dépasse le temps. Pourtant, il ne s’agit pas d’un voyage dans le temps, mais d’un renversement temporel…


Avis de Rick :
Dire que Tenet, le dernier film de Christopher Nolan, était attendu est un euphémisme, tant le film s’annonçait comme l’un des grands films de 2020 aux côtés de Dune de Denis Villeneuve. Mais 2020, c’est un peu une pu**. Elle nous retarde Dune de Décembre 2020 à Décembre 2021, et nous sort Tenet à la fin de l’été, alors que personne ne veut aller en salles. Il faut dire aussi que pour la récouverture des cinémas, le public ne voulait pas forcément se prendre la tête avec un film concept qui dure 2h30. Tenet fut donc un échec, financier déjà, ce qui est rare pour Christopher Nolan. Aux Etats Unis, il n’aura récolté que 57 millions, sur une mise initiale de 205 millions. Heureusement qu’il se rattrape largement à l’international pour être rentable, mais tout de même. Dire que le film a légèrement divisé le public, c’est un euphémisme ça aussi, tant Tenet fait parler de lui depuis sa sortie. D’un côté, les détracteurs de Nolan, qui voient là un réalisateur qui a une liberté totale pour faire ce qu’il veut et nous livre un film concept mélangeant science fiction et histoire à la James Bond, et qui du coup, sans personne pour le nuancer, fait un peu n’importe quoi. Et de l’autre, les fans de Nolan, qui crient au génie. Ce qu’il est facile de comprendre, car justement, un peu comme Villeneuve, Nolan a un style bien à lui, appliqué, et accorde une grande importance à la dramaturgie et au développement des personnages. Vu l’ampleur de ses métrages, on n’échappe jamais à quelques raccourcis ou quelques faux pas, comme pour The Dark Knight Rises par exemple, mais facilement excusable face à la grande qualité du reste. Et même sans aimer ces métrages, il faut reconnaître à Nolan un talent visuel. Et une envie visuelle qui fait parfois crier lorsque l’on regarde chez soit ses métrages, avec des scènes qui changent de format d’image, en fonction du tournage en Imax ou en caméra traditionnelle. Bref, Tenet. Ou Tenet à l’envers, dans les deux sens, ça fonctionne. Un film monstre qui tient à Nolan, et on comprend vite pourquoi.

L’homme avait déjà prouvé par le passé son attachement à la saga James Bond, notamment avec la longue séquence dans la neige pour Inception, ironiquement une des séquences qui me plait le moins du métrage, mais passons. Comme pour Inception d’ailleurs, Nolan prend un concept à lui, et se retrouve seul au scénario. Il n’adapte rien, son film n’est pas un remake, ni une suite. Mais dans son ADN, l’affiliation avec la saga James Bond n’a jamais été aussi énorme. Par contre, on sent le réalisateur qui a totalement carte blanche. Car dans les petits détails, avec Tenet, il fait l’exact opposé d’Inception. Inception prenait son temps, nous expliquait en long, en large et en travers son concept pour rendre le métrage accessible à tous dés le début. Inception accordait énormément d’importance aux personnages et à leurs parcours, d’ailleurs, ils étaient le moteur de l’intrigue, sans doute l’élément le plus important. Tenet en est l’exact opposé. Le concept est vaguement expliqué passé quelques scènes, puis de nouveaux éléments arriveront, et les explications elles seront vagues pour le commun des mortels qui ne s’est jamais intéressé au temps, aux paradoxes, à l’énergie quantique et j’en passe. Des noms de concepts sont balancés, mais les dialogues n’en effleurent que la surface, pour viser l’efficacité avant tout, quitte à perdre quelques spectateurs en cours de route. Prétentieux ? Peut-être un peu, mais pour tenir un tel projet sur ses épaules, il faut bien l’être. Dans le même ordre d’idées, il y a les personnages. Souvent voir toujours au centre du récit, sauf dans Dunquerke, son avant dernier film, Tenet poursuit cette voie. Pour preuve, le héros s’appelle le Protagoniste, tout simplement, et lorsque nos héros se lancent dans une bataille, l’autre camp est appelé durant le briefing les antagonistes. Voilà qui est clair et net.

Tenet, c’est donc Nolan qui fait un peu ce qu’il veut, et radicalise un peu son cinéma par la même occasion. Et de ce fait, il faut bien le dire, tout le monde a raison. Ceux qui n’aiment pas citent en premier lieu les personnages un peu vides, voir clichés en ce qui concerne Sator, le grand méchant (Russe forcément), la prétention du projet (on en a déjà parlé) mais aussi le côté très froid du film. On ne s’attache pas aux personnages, clairement. Et ils ont raison, sur tous ces points. Mais ceux qui adorent le film ont raison également. Comment nier une mise en scène aussi virtuose, ses plans de toute beauté, ces cascades et autres explosions réelles parfois époustouflantes, son concept original qui permet tant de choses quitte à ce que l’on s’y perdre un peu et que le film nécessite de multiples visions. Inutile non plus de nier que si l’écriture des personnages n’est pas la plus grande qualité du métrage, les acteurs font un boulot plus convaincant, que ce soit John David Washington (le protagoniste), Robert Pattinson (son ami qui va l’aider), Elizabeth Debicki (la femme du grand méchant), et même d’ailleurs Kenneth Branagh (le méchant Russe), malgré le cliché de son accent Russe alors qu’il est Anglais, mais qui parvient par moment à être effrayant, et à d’autres presque pathétique. Si le temps de présence à l’écran des seconds rôles n’est pas bien grand, ils sont tous parfaits.

Seule chose vraiment sujet à débat, peu importe votre camp, la musique. Hans Zimmer ne revient pas pour composer, lui qui avait préféré travaillé sur Dune, le projet de ses rêves. S’il savait tout le retard que le studio a posé sur les épaules de Dune, il aurait très bien pu faire les deux… Il est donc remplacé par Ludwig Göransson, pas un inconnu puisque l’on lui doit ses derniers temps les scores de pas mal de séries (dont la série Star Wars), mais aussi des deux Creed, Black Panther, Venom ou encore Death Wish. Pas toujours du grand cinéma, mais un CV plutôt sérieux et conséquent malgré tout. Il signe ici un score musical souvent très bruyant, où certaines notes semblent jouer à l’envers pour coller au film. Sans doute parfois trop bruyant mais allant de pair avec le rythme endiablé du film qui enchaîne les grosses séquences, qui a malgré tout de belles trouvailles (le thème de Sator avec ces bruits de d’appareils respiratoires), et se fait dans le fond tout aussi radical que le film en lui-même. Un film généreux, virtuose par certains aspects, prétentieux par d’autres, parfois maladroit, parfois moins intéressant sur certains aspects que le reste de la filmographie de Nolan, mais un film à grand spectacle qui nous donne du grand spectacle, sans artifices, sans CGI, filmé de manière compréhensible, et qui, dans son optique très « James Bondienne », multiplie le côté aventures de l’agent Britanniques. Les changements de lieux, les décors paradisiaques, les scènes d’infiltrations, les séquences d’action. Du pur Bond, jusqu’à une bonne partie de son intrigue, pouvant rappeler Permis de Tuer, où notre protagoniste infiltre le gang ennemi et essaye de jouer sur les deux tableaux pour obtenir ce qu’il veut. Un bel hommage donc, tout en utilisant son concept pour ne ressembler à nul autre film que lui-même, Tenet était voué à diviser. Ce qui est sûr, c’est qu’il mérite amplement d’être vu.

LES PLUS LES MOINS
♥ Visuellement impressionnant
♥ Un rythmé endiablé qui ne faiblit jamais
♥ D’excellents acteurs
♥ Un concept intéressant
♥ De belles trouvailles musicales parfois
⊗ Des personnages un peu vides et clichés
⊗ Musicalement parfois trop bruyant
⊗ Un brin prétentieux ?
note2
Tout ce qu’on a dit sur Tenet, en bien comme en mal, et bien c’est vrai. C’est prétentieux, bruyant, trop froid dans son traitement, et parfois trop vide dans ses personnages, mais ça impressionne, c’est virtuose, ça enchaîne les séquences en poussant toujours plus loin son concept.



Titre : Tenet

Année : 2020
Durée :
2h30
Origine :
U.S.A.
Genre :
Action
Réalisation : 
Christopher Nolan
Scénario : 
Christopher Nolan
Avec :
John David Washington, Robert Pattinson, Elizabeth Debicki, Kenneth Branagh, Dimple Kapadia, Aaron Taylor-Johnson et Michael Caine

 Tenet (2020) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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