[Film] Swallowed, de Carter Smith (2022)

Deux amis se retrouvent impliqués dans le trafic d’une nouvelle drogue étrange, supervisé par l’implacable Alice.

Avis de John Roch :
Carter Smith fait partie de ces cinéastes trop rares sur nos écrans. Courts métrages, épisodes de séries et segments de films à sketch gays à part, depuis son premier long, l’excellent Les Ruines sorti en 2008, le réalisateur et photographe de mode n’aura mis en scène que deux autres films: Jamie Mark Is Dead en 2014 et ce Swallowed daté à l’année dernière, en attendant son prochain, The Passenger, prévu cette année. Si ses deux premiers films étaient des adaptations de romans, Swallowed est un scénario original écrit par ses soins. Situé à la croisée du cinéma queer, du body horror et du thriller, Swallowed mélange les genres. Le problème, c’est que bien qu‘il soit intéressant sur plusieurs points, ça ne fonctionne pas totalement et Swallowed est au final loin d’être le thriller tendu et inconfortable à l’horreur organique crasseuse que l’on a bien voulu nous vendre.

Ça démarre pourtant bien avec cette histoire de deux amis, Dom et Ben, qui fêtent le départ du second qui part pour Los Angeles afin de percer dans le porno gay. Mais le premier, inquiet de l’arrivée dans la cité des anges de son meilleur ami, a un plan pour lui assurer une petite santé financière: transporter de la drogue pour sa cousine sur le chemin du retour. Mais rien ne va se passer comme prévu, à la place de ladite cousine, Dom fait connaissance de Alice et le plan change complètement. Après refus du premier de faire la mule, la seconde les force à avaler des capotes remplies d’une drogue d’un genre nouveau. Swallowed surprend sur ses personnages principaux, qui ne forment pas un couple comme on pourrait l’imaginer dans les premières minutes qui ouvrent le métrage, mais deux meilleurs amis aux penchants sexuels opposés. Il y a quelque chose de touchant dans cette relation à l’amitié très forte, si forte qu’elle s’apparente à une sorte d’histoire d’amour impossible. Ce qui frappe c’est également la sincérité avec laquelle les personnages sont dépeins, Swallowed n’en fait pas des tonnes sur l’homosexualité de certains personnages, ils s’intègrent parfaitement dans l’écriture du film réellement pensée pour son public cible, Swallowed étant avant tout un film queer, comprenez par là que l’on est à mille lieux de la politique d’inclusivité forcée des grands studios. C’est tout le contraire et c’est même ce qu’il y a de mieux dans Swallowed. Plus en tout cas que le supposé coté body horror du métrage qui est inexistant. L’élément fantastique du film, à savoir la fameuse drogue qui est en fait des larves dont on ne saura rien des effets, si ce n’est qu’une morsure de celles-ci donnent une gaule de tout les dieux pendant une dizaine d’heures, n’est non seulement pas exploité, mais c’est aussi totalement inutile à une intrigue qui aurait gagné à rester plus terre à terre avec les drogues habituelles que transportent les mules.

Si vous vouliez donc voir des trips étranges, des corps qui changent sous l’effet de la drogue ou autre chose qui tient de l’horreur, vous aurez compris que ce n’est pas avec Swallowed que vous serez servis, en dehors d’une scène d’extraction de drogue qui joue la carte de la subjectivité. Le film est avant tout un thriller qui va se transformer en huit clos tendu dans sa seconde partie dès lors que Carter Smith introduit Rich, un baron de la drogue homo venu récupérer sa dope. Swallowed va alors souffler le chaud et le froid. Car d’un coté on se laisse prendre par l’intrigue et la direction que prend le métrage, notamment dans la relation entre Ben et Rich, ce dernier étant l’espace d’un moment une sorte de miroir du héros, et dans quelques montés de tensions surtout homo-érotiques, plans de nus full frontal inclus. De l’autre, on regrettera qu’au final, Swallowed reste dans la forme un thriller tout ce qu’il y a de conventionnel dont il ressort avant tout un sentiment de « tout ça pour ça ? ». Ceci dit, Swallowed reste tout de même un métrage intéressant sur certains aspects, qui de plus est correctement emballé, mais dont on retiendra surtout un casting impeccable. Si ça fait plaisir de voir Mark Patton, propulsé icône gay malgré lui suite à son rôle dans La Revanche De Freddy, c’est surtout Cooper Koch et Jose Colon qui crèvent l’écran. Premier long métrage pour l’un, première apparition à l’écran pour l’autre, les deux jeunes acteurs sont incroyables, l’alchimie entre eux l’est tout autant, et leurs rôles leur vont comme un gant, en particulier Cooper Koch qui est tout simplement parfait en aspirant acteur porno gay. Si Swallowed est une déception, loin d’être déshonorante pour autant, il aura dans tout les cas permis de mettre en lumière deux jeunes talents prometteurs et promis à une belle carrière si ils persistent dans cette voie.

Titre : Swallowed
Année : 2022
Durée : 1h36
Origine : USA
Genre : Les avaleurs
Réalisateur : Carter Smith
Scénario : Carter Smith

Acteurs : Cooper Koch, Jose Colon, Mark Patton, Jena Malone, Roe Pacheco, Michael Shawn Curtis, Hannah Perry