[Film] Suicide Forest Village, de Shimizu Takashi (2021)

La forêt Aokigahara au pied du mont Fuji est pleine de rumeurs et de légendes. Comme le fait que quiconque s’aventure dans la fameuse forêt n’en ressortirait pas vivant. Ou qu’un village se situerait au cœur de la forêt. La famille Amasawa s’installe non loin de là, et découvre dans leur cave une étrange boite.


Avis de Rick :
Parfois, la vision d’un film nous pousse vers des questions existentielles ! Qu’est ce qui est le pire ? De foirer un film de bout en bout, d’en ressortir avec cette impression d’incompétence totale, et parfois, de pouvoir en rire ? Ou de voir un film raté, mais objectivement bien filmé, bien éclairé, au montage fluide, et avec, prises séparément, pas mal de courtes scènes franchement réussies ? Car au final, le résultat est le même, le film dans son ensemble, en tant que bloc cohérent, il est raté. C’est ainsi que je vous parle avec une certaine tristesse du tout dernier film réalisé par Shimizu Takashi, alors que cela fait des mois que je dois vous parler de son métrage précédent, et bien deux ans que je dis que je vous parlerais d’un de ces métrages moins connus, à savoir Innocent Curse. Mais non, aujourd’hui, c’est de Suicide Forest Village dont il s’agît, de son titre original Jukai Mura. Alors je ne vais clairement pas vous faire l’affront de vous résumer une nouvelle fois la carrière de Shimizu, les connaisseurs connaissent (perspicace je suis), les autres connaissent forcément via les remakes de The Grudge, dont il signa les deux premiers. Mais voilà, on ne va pas se mentir, depuis la fin des années 2000 ou le début des années 2010 (déjà il y a 11 ans donc, que le temps passe vite), le cinéma de Shimizu divise beaucoup plus, et s’exporte beaucoup moins. Pour preuve, sur tous ces films depuis The Shock Labyrinth (2009), nous n’avons eu droit qu’à son Inunaki chez nous. Métrage dont l’accueil en France fut mitigé, voir plutôt glacial. Mais bien plus chaleureux et modéré au Japon. Ça tombe bien non, car j’ai bien aimé, malgré ses ratés. Du coup, j’attendais son Suicide Forest Village avec une certaine impatience. Celle d’un cinéphile qui voyait là un sujet en or pour Shimizu, celle de s’aventurer dans la forêt d’Aokigahara, cette triste forêt que tout le monde connaît au moins de réputation, et qui, en plus d’être un sujet plutôt glauque et exploité par le cinéma horrifique Japonais, l’est également par le cinéma US (The Forest ou Sea of Trees).

Et c’est pour cela qu’après les quasi deux heures du métrage, soit un des films les plus longs de Shimizu en plus, on se demande comment il a pu se foirer, lui et son coscénariste Hosaka Daisuke ! Après tout, bordel, ils avaient déjà bossé ensembles sur Inunaki justement, et même Rabit Horror 3D (que j’aime beaucoup) et Shock Labyrinth. Ah… On me signale que le monsieur a aussi signé le scénario de Sadako 3D 2… Tout s’explique enfin ! Trêve de plaisanteries, si je vous raconte tout ça, ce n’est pas pour rien. Le principal et bien gros défaut du film, c’est son scénario. Certes, Shimizu en est lui-aussi en parti responsable, c’est vrai, mais en tant que réalisateur par contre, il n’a clairement pas à rougir. Sa mise en scène est efficace, ces cadrages bien trouvés et parfois même ingénieux, la photographie du film est le plus souvent sublime. D’ailleurs, même au niveau sonore, autant musicalement qu’en terme de bruitages, c’est de l’excellent travail, qui sait quand partir vers des sons inquiétants sans pour autant aller dans le jumpscares, mais qui sait également quand il faut jouer avec le silence. Bon, je pourrais bien pester sur ce début filmé façon found footage, il nous avait déjà fait le coup dans Inunaki, et ça semble être la mode dés que l’on filme dans un vrai lieu et qu’on le rend hanté (voir le récent Toshimaen pour confirmer mes dires), mais je n’ai pas envie. Car plastiquement, Suicide Forest Village, c’est du tout bon. C’est beau, les décors naturels superbes et bien en valeur, les rares filtres de couleurs ne sont jamais envahissants, on a parfois droit à un jeu d’ombre convaincant et intéressant. Techniquement, c’est réussi, et du coup forcément, pas mal de scènes fonctionnent. Quand elles commencent… et ne fonctionnent plus dés qu’elles se terminent. Même quand c’est cliché, c’est fait avec assez de sérieux pour que la scène fonctionne en soit. Sauf qu’un film, c’est un enchainement de scènes, de séquences, de plans, pour former un tout cohérent.

Ce que le métrage n’est pas, et c’est bien dommage. Un peu comme si Shimizu avait eu un budget confortable, une liberté totale jusque dans la durée de son métrage, et qu’il en avait profité pour mettre absolument tout ce qu’il voulait dans son récit. Avec l’aide de son fidèle coscénariste donc, oui. Du coup, on a des bois hantés, des visions, des flashbacks dans des visions, une possession (je crois), un village hanté, des rites anciens, des esprits, des raaaaaaaaah trop c’est trop ! Le souci de ce trop plein d’éléments, de pistes, c’est qu’on perd parfois le fil, et que le métrage essaye toujours d’en rajouter une couche, jusqu’à nous perdre donc, et du coup, retirer l’intérêt de suivre cette histoire. Car par moment, je me suis clairement demandé qu’elle était finalement l’histoire du film. L’histoire de cet homme que l’on voit au début (le toujours excellent et classe Kunimura Jun) en voiture autour de la forêt et qui semble surveiller les lieux ? L’histoire de cette femme qui va se perdre dans la forêt ? Ou ce groupe de jeunes qui part à sa recherche ? Ou bien l’histoire de cette mystérieuse boite trouvée par une famille dans leur demeure ? Ou non, peut-être bien l’histoire de cette fille peu bavarde, Hibiki (Yamada Anna, vue dans Liverleaf), souvent témoin d’événements étranges ? Vouloir brouiller les pistes, multiplier les personnages, ce n’est pas une mauvaise idée en soit, mais là, ils ne s’en sortent pas du tout, l’ensemble manque de cohérence, et sur la fin, ça n’a même pas peur de partir dans le ridicule. Inunaki aussi parfois allait dans le ridicule, quand il était trop frontal, mais le réalisateur pouvait se rattraper sur son scénario, son concept, la cohérence de son univers. Pas ici. Et du coup, lorsque le générique défile enfin sur de superbes plans de la forêt (avec en bonus une petite scène en plus durant le générique), on ne retient qu’un potentiel gâché, une technique affutée pour un film bancal, et donc, dans le fond, pas vraiment bon.

LES PLUS LES MOINS
♥ Techniquement réussi
♥ De superbes décors naturels
♥ De nombreuses petites scènes fort réussies…
⊗ Mais un gros bordel qui part dans tous les sens
⊗ Manque de cohérence entre tous ces éléments
⊗ Et du coup, manque d’attachement pour l’histoire et les personnages
note75
Suicide Forest Village, ce n’est pas vraiment bon, et c’est triste de le dire, car les qualités sont là, et sont nombreuses. Mais des qualités purement techniques qui rendent des scènes bonnes dans l’instant, mais pas le film meilleur.



Titre : Suicide Forest Village – Jukai Mura – 樹海村

Année : 2021
Durée :
1h57
Origine :
Japon
Genre :
Fantastique
Réalisation : 
Shimizu Takashi
Scénario : 
Shimizu Takashi et Hosaka Daisuke
Avec :
Yamada Anna, Yamaguchi Mayu, Kamio Fuju, Kura Yuki, Kudo Haruka, Adachi Yumi, Hara Hideko, Tsukaji Muga, Kunimura Jun, Otani Rinka et Narita Eiki

 Jukai Mura (2021) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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