[Film] Suicide Club, de Sono Sion (2001)

54 lycéennes se jetant sous les roues du métro de Tokyo, un site internet prophétisant des suicides collectifs, un ruban constitué de plusieurs centaines de carrés de peau humaine retrouvé par la police, un girls band de jeunes adolescentes chantant une pop aux paroles très ambiguës… Quel vent de folie souffle sur la capitale japonaise ? L’inspecteur Kuroda et son équipe vont tenter de trouver une réponse à cette vague insensée de suicides et de mystères.


Avis de John Roch :
Ecrivain, poète, fondateur du collectif Tokyo Ga Ga Ga spécialisé dans les performances de rues au relents de revendications sociales, Sono Sion avait déjà à son actif 11 métrages avant d’exploser à l’international avec Suicide Club qui fit en son temps l’effet d’une bombe. Ce qui a avant tout fait de Suicide Circle, de son titre alternatif, un film instantanément culte, c’est sa réputation de film extrême (j’y reviendrai) et son introduction marquante. Suicide Club s’ouvre sur une tranche de vie tout ce qu’il y a de plus normal. Une gare, des passagers attendant leurs trains dont une cinquantaine de lycéennes qui soudainement se tiennent par la main, entament un joyeux compte à rebours et se jettent sur les rails. Une scène pas si extrême (graphiquement on s’entend) que cela au final mais folle, crue et tout de même un peu gore. Ce qui n’enlève en rien à la puissance de ce moment car en refusant la carte du gore gratuit, Sono Sion réussit à donner un impact encore plus fort, notamment grâce à une musique étrangement joyeuse qui dédramatise ce suicide collectif pourtant traumatisant. Car malgré son sujet difficile, Suicide Club n’est pas un drame sur le suicide mais un film à la fois étrange, malsain, surréaliste et jubilatoire. Marqué par l’une des plus grands vagues de suicides au Japon à la fin des années 90, dont beaucoup de jeunes encore en âge d’aller à l’école, Sono Sion se penche sur un problème de société Japonais et y jette un regard pour essayer d’en comprendre la raison.

Les périodes de stagnation ou de récession économique (le film date de la période appelée « décennie perdue »), les problèmes familiaux mais aussi le harcèlement scolaire et la pression des élèves pour atteindre le niveau d’exigence imposé par le système scolaire Nippon sont les principales causes de suicides. Sono Sion nous présente une société Japonaise fatiguée et déprimée (voir cette scène aussi touchante que dramatique dans laquelle le réalisateur filme les passagers d’une rame de métro aux visages marqués), mais tourne principalement son regard vers la jeunesse. Si principalement, le scénario de Suicide Club met en avant une enquête policière sur une secte qui pousse au suicide la population, le métrage est un film à la structure étrange qui mêle plusieurs petites histoires qui se déroulent sur une période donnée qui ont plus ou moins d’importance pour appuyer le propos de Sono Sion. La plus glaçante étant sans aucun doute celle où des ados se jettent d’un toit non pas pour mettre fin à leurs jours pour une raison « justifiable », mais par défi et surtout parce qu’à l’image d’un groupe d’Idols qui rencontre un soudain succès, mettre fin à ses jours devient une mode.

Le parallèle entre le groupe de jeunes filles qui chantent des paroles à double sens et la vague de suicides est l’idée la plus intéressante de Suicide Club. Plus qu’une sorte de recherche sur ce qui peut causer autant de suicides au sein de sa société, Sono Sion livrait également un film alerte pour la jeunesse sur les influences et l’adhésion à des modes qui viennent et s’en vont. En ce sens, Suicide Club est un film encore plus puissant aujourd’hui quand on voit la rapidité à laquelle les jeunes se lancent dans des défis lancés par des tik tocards aussi débiles que parfois suicidaires. Sono Sion ne verse cependant pas dans le pur drame social. Le métrage est donc composée de plusieurs petites histoires qui sont autant de saynètes à l’ambiance et aux tons différents. De son introduction percutante à sa très bonne conclusion au ton désespéré mais pas sans espoir, Suicide Club alterne entre scènes à l’ambiance J-Horror dispensables mais réussies, moments décalés et étranges dès lors que le réalisateur fait intervenir un genre de gourou d’une secte au look de rock star, dramatiques quand il développe certains personnages, sans oublier l’utilisation de la musique qui rend les scènes chocs parfois crades mais pas si extrêmes que la réputation du film laisse l’entendre, fun, à l’inverse d’autres assez tendues. Avec Suicide Club, Sono Sion expérimente plusieurs styles sans jamais perdre de vue son sujet, en résulte un film surprenant dans la forme, pertinent dans le fond, et les thématiques abordées étant encore plus d’actualité, le film n’a rien perdu de sa puissance plus de vingt ans après sa sortie.

LES PLUS LES MOINS
♥ Des scènes marquantes, l’introduction en tête
♥ Intelligent dans le traitement de ses thématiques
♥ Un film qui mélanges plusieurs styles, ambiances et tons
♥ Une très bonne conclusion
♥ La musique
⊗ Des scènes dispensables
Avec Suicide Club, Sono Sion expérimente plusieurs styles sans jamais perdre de vue son sujet. En résulte un film surprenant dans la forme, pertinent dans le fond et les thématiques abordées étant encore plus d’actualité, le film n’a rien perdu de sa puissance plus de vingt ans après sa sortie.

Suicide Club est sorti chez Spectrum Films en combo Blu-ray 4k / Blu-ray, accompagné du film Strange Circus, au prix de 50€. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr

En plus du film, on y trouve : Présentation de Lila Gleizes, Interview de Sono Sion par Yves Montmayeur et Bande-annonces.



Titre : Suicide Club / Suicide Circle / Jisatsu sâkuru
Année : 2001
Durée : 1h39
Origine : Japon
Genre : Suicide social
Réalisateur : Sion Sono
Scénario : Sion Sono

Acteurs : Ryo Ishibashi, Masatoshi Nagase, Mai Hosho, Tamao Satô, Takashi Nomura, Rolly, Masato Tsujioka

Suicide Club (2001) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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