[Film] Stoïc, de Uwe Boll (2009)


Dans l’atmosphère claustrophobe d’une cellule, un prisonnier s’est pendu. Parmi les différentes versions que donnent ses codétenus des événements qui ont mené à sa mort se cache l’horrible vérité… Et toute l’hypocrisie de la nature humaine.


Avis de Paganizer :
Chers amis cinéphiles, avant d’aller plus loin dans cette chronique, je vous sens un peu inquiets… « Houlà, voilà que Paganizer nous sort la critique d’un film d’Uwe Boll, le réalisateur le plus nul et le plus détesté au monde ! ». Il est vrai que l’ami Uwe s’est régulièrement attiré les foudres des critiques et des spectateurs, par le biais des (trop) nombreux outrages qu’il a fait subir au cinéma, en particulier avec ses adaptations de jeux-vidéo plus ou moins calamiteuses, voire catastrophiques… Mais l’homme n’a pas fait que ça, et c’est une erreur de le juger uniquement sur ces films-là ! Personnellement, je fais partie de ceux qui ont toujours refusé de le condamner définitivement, car notre teuton a du talent (oui, vous avez bien lu !) même s’il ne le montre pas assez souvent ! Oui, Uwe Boll est capable de faire de bonnes choses, et même de très bonnes choses ! Citons par exemple « Rampage – Sniper en Liberté » (2008) et « Rampage 2 » (2014), « The Last Squad aka Tunnel Rats » (2007), « Assault on Wall Street » (2013), ou encore son sympathique bien qu’imparfait « Postal » (2008). Ces films sont la preuve que le réalisateur allemand est loin d’être aussi nul que certains le prétendent ! Car sans être des chef-d ‘œuvres, les films que je viens de citer sont de solides réalisations. Et « Stoïc » qui nous intéresse ici, film tourné en six jours à peine, fait clairement partie de ses réussites !

Le film, tout comme « Postal », a même été programmé au BIFFF en 2009 et aurait très bien pu prétendre au podium du meilleur thriller. Stoïc a pourtant bénéficié d’un tout petit budget (on est même presque dans le no-budget !). Voyez vous-même : Quatre acteurs et un seul décor (la cellule de prison), difficile de faire plus simple et plus minimaliste ! C’est dans ce type d’exercice que peuvent pourtant se révéler des réalisateurs. En effet, ils doivent maintenir le spectateur en haleine avec un minimum d’éléments à disposition. Il faut tenir sur la durée et éviter que les spectateurs ne décrochent ! Dans ce genre de production, impossible de se reposer sur les effets spéciaux, les décors, ou encore une photographie léchée… Bref, ce genre de film est exigeant et repose sur un concept strict, dégraissé et surtout épuré à l’extrême.
Et on peut dire qu’Uwe Boll relève le défi haut la main, en parvenant même à éviter de s’enferrer dans des dialogues à rallonge ou des scènes trop statiques ou trop faciles. Le cinéaste fait même preuve d’une vraie originalité narrative et d’un sens du suspense plutôt aiguisé. Du coup, le résultat à l’écran est cohérent, crédible, énervé et surtout passionnant !

Même si le début du film peut laisser quelque-peu dubitatif, on comprend vite où le réalisateur veut en venir, et ce qu’il veut nous montrer : Partir d’une petite humiliation (avaler le contenu d’un tube de dentifrice comme gage pour avoir perdu aux cartes) pour ensuite monter graduellement et en arriver au point de non-retour en matière de violence. Pour crédibiliser et faire avancer son œuvre, Uwe Boll a fait en sorte de bien dessiner ses personnages. On identifie sans problème le violent, le manipulateur, le suiveur et la victime, tous incarnés par des acteurs investis et inspirés qui donnent une vraie consistance à leurs rôles.
Edward Furlong est très bon et méconnaissable dans un rôle à mi-chemin entre la brute épaisse et le manipulateur pervers, Sam Levinson, néophyte à la sincérité bouleversante, et Steffen Mennekes en skinhead violent et sans cœur… Chacun des interprètes donne toute l’intensité nécessaire dans chaque scène.
En termes de structure, l’œuvre se divise en deux types de scènes. Les scènes d’interrogatoire face caméra d’une part, où les trois détenus suspects livrent leurs explications en contredisant régulièrement celles des autres. Chaque détenu donne sa version, tente plus ou moins de se justifier ou de s’excuser, voire d’atténuer sa responsabilité. On assiste à un recoupement, une confrontation des témoignages ; mécanisme assez classique et souvent utilisé au cinéma, en particulier dans les films policiers. Le deuxième type de scènes du film se passe en cellule avec cette fois une caméra objective (elle est subjective lors des scènes d’interrogatoire) qui nous montre les événements qui ont eu lieu auparavant. L’alternance entre ces deux types de scènes est ici particulièrement bien gérée par Boll et assure un bon rythme au métrage.

Une autre spécificité du film, et non la moindre, est sa violence ; une violence sèche, dure, ignoble… Boll navigue sans cesse entre cruauté, brutalité et drame humain et offre par la même occasion un panel d’émotions immense, tout en nous faisant profiter d’une direction d’acteurs jamais vue jusqu’alors. Les tortures humilient la victime et certaines scènes sont réellement choquantes, difficilement supportables pour qui n’aurait pas le cœur suffisamment bien accroché, mais toujours très bien réalisées. Uwe Boll parvient à conférer à son œuvre une ambiance particulièrement pesante et claustrophobique et nous met littéralement à l’épreuve à chaque passage dans la cellule. Il évite également la redondance en entrecoupant habilement son récit des plaidoyers des trois détenus suspects.
Mais les tortionnaires nous sont également montrés dans leur humanité d’êtres apeurés, victimes de l’aliénation causée par la prison, le phénomène de groupe et par leur propre peur d’être à leur tour pris en victime par les autres. Au final, dans la cellule, tous sont des victimes… Evidemment, ceux qui paient le plus lourd tribut sont les plus faibles. La dernière séquence du film qui affiche d’une part les raisons de l’incarcération initiale des protagonistes et les peines qu’ils devaient purger, et d’autre part la conséquence des actes de chacun est à la fois révélatrice et terriblement glaçante. Notons enfin que « Stoïc » s’inspire de faits réels ayant eu lieu il y a quelques années dans une prison allemande, ce qui rend l’horreur d’autant plus glaciale et tétanisante.
Au final, Stoïc est une vraie réussite d’Uwe Boll, une plongée viscérale au cœur de la cruauté et de la monstruosité humaine ordinaire et de la capacité de l’homme à faire le mal lorsque la peur tenaille, quitte à le faire renoncer à toutes les barrières, qu’elles soient morales ou sociales. Uwe Boll parvient à rendre ce drame carcéral extrêmement intense et révoltant tant dans l’ambiance que par le biais de scènes particulièrement éprouvantes.

LES PLUS LES MOINS
♥ Un très bon Uwe Boll ! (Si si !!)
♥ Minimaliste mais ultra efficace
♥ Des acteurs inspirés et investis
⊗ V.F parfois en demi-teinte
⊗ La violence qui réserve le film à un public averti
Une œuvre dure qui mérite vraiment d’être découverte, même par les plus réfractaires au travail de Boll, et qui permet de se rendre compte du réel talent dont est capable de faire preuve le réalisateur teuton, mais qui n’est pas à mettre entre toutes les mains. Un film coup de boule qui frappe fort et marque durablement le spectateur. Une œuvre fortement déconseillée aux personnes sensibles !



Titre : Stoïc
Année : 2009
Durée : 1h30
Origine : Canada / Allemagne
Genre : Drame / Thriller – Inspiré de faits réels
Réalisateur : Uwe Boll
Scénario : Uwe Boll

Acteurs : Edward Furlong, Sam Levinson, Steffen Mennekes, Shaun Sipos, Reese Alexander, Daniel Boileau, Jamie Switch, Michael Teigen

 Stoic (2009) on IMDb


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Auteur : Paganizer

Cinéphage boulimique, fan de cinéma authentique avec une appétence particulière pour les pellicules différentes voire singulières. A tendance à fuir le cinéma fast-food grand public trop formaté. Également doté d'un penchant naturel pour les mauvais films sympathiques et les nanars décomplexés et fendards.
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