Après avoir réussi ses études de journaliste à Londres, Hueyin retourne à Hong-Kong pour le mariage de sa sœur Huewei. Ce retour dans son pays natal marque aussi ses retrouvailles difficiles avec sa mère Akio, d’origine japonaise. Entre ces deux femmes, une solide incompréhension s’est forgé au fur et à mesure des années. Maintenant séparé de Huewei, la veuve Akio envisage de finir ses jours au Japon. Sur un coup de fil de son frère, elle décide alors de partir rejoindre les « siens » accompagné par sa fille qui désire ainsi comprendre mieux sa mère.
Avis de Kamï :
Tout d’abord avant de parler plus profondément du Chant De L’Exil, il est nécessaire d’évoquer un petit historique de la cinéaste. Ann Hui On-Wah est née en Chine du nord de père chinois et de mère japonaise qui s’étaient rencontrés pendant la guerre. Après avoir passé sa jeunesse à travers le chaos des années 60, elle va partir étudier le cinéma à Londres pendant deux ans, puis à son retour à Hong Kong, va devenir l’assistante de King Hu (le réalisateur de A Touch Of Zen, Raining In The Mountain) puis mettra en scène pour la télévision, entre autres la série Below The Lion Rock et le téléfilm Boy From Vietnam.
Entre 1979 et 1990, elle aura réalisé 7 films dont un wu xia pian en deux parties (Romance Book And Sword). Ses films font preuve d’une sensibilité et d’une surprenante maîtrise comme les très bons The Story Of Woo Viet (avec Chow Yun-Fat) ou Boat People (avec George Lam et Andy Lau dans son premier rôle). Song For Exile est sans doute le film le plus autobiographique de Ann Hui, le personnage de Hueyin aurait pu se nommer Hui On-Wah car elles partagent tant de point en commun : né de parents sino-japonais rencontrés pendant la guerre, une partie des études a été faite à Londres. Ann Hui inclut dans son récit de nombreux flash-back, dans un vieil immeuble de Macao où l’on voit la petite Hueyin (trop) gâtée par sa grand-mère et son grand-père (interprété par le charismatique Feng Tien qu’on a pu voir dans L’Auberge Du Printemps et Raining In The Mountain de King Hu), des grand-parents qui ont toujours montré un certain mépris envers leur belle-fille.
Le Chant De L’Exil est un film sur le déchirement ; celui de Aiko qui en épousant Cheung/Waise Lee va faire une croix (enfin jusqu’à la mort de son conjoint) sur son Japon natal et surtout sur son frère, ancien kamikaze qui ne lui pardonne pas ce mariage, et celui de Hueyin qui en accompagnant sa mère au Japon, va être confronté à cette différence culturelle, sociale (Canton connaît au moment du récit des actes de violences, la situation au Japon est -du moins paraît- plus sereine), gastronomique (comparaison entre les plats chinois et japonais qualifiés de froid et d’indigeste autrefois par ses grands-parents) et surtout linguistique (elle ne parle pas un mot japonais). Les dialogues de Wu Jen-Nien (qui a écrit entre autres Le Maître Des Marionnettes et La Cité Des Douleurs de Hou Hsia-Hsien) sont d’ailleurs très bons. Extrait d’une discussion entre les deux femmes prenant un bain derrière la maison du frère de Aiko :
Aiko : « Ton corps est sorti du mien et pourtant tu ne me ressemble pas »
(Hueyin sort du bain)
Hueyin : « Demain, je reste ici »
Aiko : « Pourquoi ? Tu m’en veux pour ce que j’ai dit ? »
Hueyin : « Je ne comprends rien, je me sens stupide »
Aiko : « Déjà ? Imagine ce que c’était pour moi à Macao »
| LES PLUS | LES MOINS |
| ♥ Le casting ♥ La mise en scène ♥ La vision de la réalisatrice |
⊗ … |
|
|
|
| Lu Hsiao-Fen et Maggie Cheung sont excellentes et mettent (avec brio) en valeur une mère et sa fille rongées pendant de longues années par une perpétuelle incompréhension. Un autre chef d’œuvre de la part de Ann Hui (après Boat People et avant Summer Snow), à voir de toute urgence. | |
Titre : Song of the Exile / Le Chant de l’Exil / 客途秋恨
Année : 1990
Durée : 1h39
Origine : Taïwan
Genre : Drame
Réalisateur : Ann Hui
Scénario : Su Nien-Jen
Acteurs : Maggie Cheung, Lu Hsiao-Fen, Waise Lee, Tien Feng, Yeung Ting-Yan, Hsiao Hsiang, Kaji Kentaro, Lam Kwan, Chung Siu-Kwong, Tracy Cavalier
