[Film] Silent Night, de John Woo (2023)


Godlock est en mission pour venger son jeune fils, qui a été tragiquement abattu lors d’une guerre de gangs la veille de Noël.


Avis de Cherycok :
John Woo et moi, c’est une grande histoire d’amour. Alors que dans les années 80, je ne connaissais du cinéma asiatique que Jackie Chan et Bruce Lee, puis rapidement début 90 tout un autre pan du cinéma martial avec la VHS René Château Vidéo « Les Plus Beaux Combats d’Arts Martiaux du Monde », je fus complètement abasourdi lors de la première diffusion française, dans la première moitié des années 90, de The Killer de John Woo. Ce fut une putain de grosse claquasse dans ma gueule, chamboulant mon cerveau qui dès lors apprit qu’on faisait aussi des polars complètement dingues à Hong Kong, et sans doute bien d’autres choses, et pas seulement des « jackiechaneries » comme certains disaient. Puis est venue la découverte du Syndicat du Crime 1 et 2, de A Toute Épreuve ou encore d’Une Balle dans la Tête. Mon amour pour Woo était né, en parallèle de celui pour Tsui Hark suite au visionnage en VHS de son monumental The Blade. Mais il est vrai que la carrière de Woo est malgré tout compliquée et ces dernières années pas des plus reluisantes, surtout avec un Manhunt qui a déchainé la colère des fans du bonhomme. Alors, surtout vu son concept fort, on attendait tous son nouveau film au tournant, peut-être un peu trop…

Silent Night marque le retour aux États-Unis de John Woo 20 ans après Paycheck (2023). De l’aveu même du réalisateur, il a apprécié ce tournage très indépendant, sans gros studio derrière. Il affirme avoir eu l’impression de revenir travailler à Hong Kong, avec une équipe réduite, sans producteur ou représentant de studio sur le plateau pour venir interférer avec ce qu’il avait envie de faire. Mais ça n’aura pas été suffisant pour faire un bon film. Déjà, il y a beaucoup à redire sur le maigre scénario. Sa construction est classique avec la tragédie, l’envie de vengeance, la préparation, puis la vengeance en elle-même. Mais le personnage, malgré son entrainement intense et varié tel qu’on nous le montre va commettre erreur sur erreur. On se dit que c’est parce que le scénario ne voulait pas en faire un surhomme. Mais même en prenant cela en compte, sans déconner, pourquoi laisser, volontairement en plus, son couteau de rambo à côté du méchant qu’il vient de capturer ? Pourquoi après autant de préparation, il est aussi discret qu’un troupeau d’éléphant lancé au galop ? Heureusement, il a pour lui que les méchants sont aussi efficaces que des stormtroopers, préférant viser son gilet pare-balles (même à bout portant) plutôt que sa tête, et que le big boss semble préférer s’entrainer pour sa participation à Danse avec les Stars même quand son armada de sbires se fait descendre. Même malgré cela, Silent Night est beaucoup trop long pour ce qu’il raconte. Tout le film aurait pu rentrer sans souci en 1h15 et aurait même gagné en rythme et en punch. Le film s’attarde beaucoup trop sur la souffrance du personnage central suite à la mort de son fils. Trente bonnes minutes avant qu’il ne se décide à faire quelque chose. Trente minutes pendant lesquelles on a l’impression que le film cherche juste à nous tirer la larmichette, en appuyant à mort sur la tragédie qu’on nous a présentée pendant les 5 premières minutes alors que, sincèrement, tout le monde sait, même ceux qui ne sont pas parents, que perdre un enfant est quelque chose dont on ne se remet jamais.

Mais ce n’est pas tout. Le film est quasiment muet étant donné que son personnage principal a perdu la parole. On pourrait également y voir un John Woo qui chercherait à nous faire comprendre qu’il est possible de raconter une histoire compréhensible juste avec des images, sans aucune parole. L’exercice est sympathique mais il en devient au final très artificiel au point qu’on a l’impression que les autres personnages, pas muets pour un sou, ont toujours une bonne excuse pour ne pas s’exprimer ou juste marmonner. On a un policier qui habite seul chez lui, un des méchants qui est bâillonné, un autre qui n’est pas un grand bavard, ou encore cette communication devenue difficile entre mari et femme suite à la perte de l’enfant au point qu’ils ne discutent que par sms avec leur smartphone. On a l’impression que le concept n’est pas assumé à 100% et c’est un peu dommage. La mise en scène de John Woo, bien qu’on le sente moins inspiré, pourra contenter l’amateur du bonhomme, avec encore quelques fulgurances au niveau du visuel mais aussi des idées, aussi bien dans les scènes posées que dans les gunfights. L’action fait d’ailleurs plutôt plaisir à voir. Même si ce n’est clairement pas la meilleure du réalisateur, loin de là, elle est bien violente et plutôt bien filmée. Joel Kinnaman est très crédible en père vengeur, apparemment très investi jusque dans la conception du film, allant même jusqu’à souffler des idées de scènes à John Woo pour pallier au manque de temps et de budget. Le très beau moment lorsqu’il se couche dans le lit de son fils, c’est lui. Le traitement du personnage féminin est également intéressant mais malheureusement pas assez exploité. Même chose avec le personnage du policier, interprété par le rappeur Kid Cudi, qui au final ne sert à rien du tout, en plus de ne pas être suffisamment développé et présent à l’image. Les méchants ne sont pas en reste, complètement lambdas, très fades, jamais profonds. On a bien compris que John Woo était plus intéressé par le héros et son évolution, sa descente aux enfers, sa préparation physique, puis la vengeance et l’extermination qui en découle. Mais son film ne tient pas la route et il y a bien mieux dans le genre à commencer par l’excellent Death Sentence de James Wan avec qui il partage bien des choses.

LES PLUS LES MOINS
♥ Le final explosif
♥ Un Joel Kinnaman convaincant
♥ Quelques fulgurances visuelles
⊗ Trop long pour ce que ça raconte
⊗ Un scénario plein d’incohérences
⊗ Un concept pas assumé à 100%
⊗ Des personnages secondaires pas exploités voire ratés

John Woo revient aux États-Unis avec un film au concept fort mais le résultat est plus que mitigé. Malgré quelques fulgurances et un rôle principal convaincant, Silent Night est une déception. Dans le même genre, préférez-lui Death Sentence de James Wan.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Pendant le tournage, en mars 2022, un assistant chargé des effets spéciaux a été blessé lors d’un essai de cascade à Mexico. Le membre de l’équipe a été heurté par une voiture, se cassant le fémur et se disloquant l’épaule.

• La fille de John Woo, Angeles Woo, joue le rôle de la policière tuée lors de la fusillade entre gangs.



Titre : Silent Night
Année : 2023
Durée : 1h44
Origine : U.S.A
Genre : Désillusion
Réalisateur : John Woo
Scénario : Robert Archer Lynn

Acteurs : Joel Kinnaman, Kid Cudi, Harold Torres, Catalina Sandino Moreno, Yoko Hamamura, Valeria Santaella, Vinny O’Brien, Acoyani Chacon, Angeles Woo

Silent Night (2023) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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