[Film] Shogun’s Samurai, de Kinji Fukasaku (1978)


1624 : Le Shogun Tokugawa Hidetada vient de mourir. Les causes du décès sont floues, et quelques voix s’élèvent rapidement pour faire courir la rumeur d’un empoisonnement. La thèse est d’autant plus crédible que le Shogun, n’ayant aucune confiance en son fils aîné Iemitsu (peu gâté par la nature, aussi bien physiquement que mentalement), avait l’intention de désigner son plus jeune enfant, Tadanaga, comme seul héritier. L’entourage de Iemitsu est donc rapidement suspecté, mais faute de preuve, le conflit entre les deux frères s’étire en une guerre politicienne larvée.


Avis de Oli :
Le film de Fukasaku a un grand mérite, puisqu’il nous dépeint le monde des samouraïs comme il existait également : à savoir un univers perfide et cruel, au sein duquel un guerrier soit disant bardé d’honneur vendait son savoir-faire en matière de mort au plus offrant, pour quelque terre, une poignée d’argent, ou une reconnaissance définitivement établie. Il en va donc ainsi dans ce magnifique drame signé Fukasaku Kinji : dans leur lutte pour le pouvoir après le décès de leur père le Shogun Tokugawa Hidetada, deux frères vont entraîner, parfois malgré eux, des centaines de gens dans leur sillage de mort et de sang. Personne n’en sortira véritablement grandi, et surtout pas les samouraïs. Car la frontière entre le bien et le mal a rarement été aussi légère qu’à cette époque ci au Japon, lorsque des clans se disputaient le pouvoir et les terres qui vont avec, aussi bien physiquement sur les champs de bataille, que de manière beaucoup plus fourbe dans d’obscures salles à l’abri de tous les regards.

LE SAMOURAI ET LE SHOGUN retranscrit parfaitement ces deux points de vue, ces deux manières de faire la guerre, et donc la mort : l’arme à la main, la peur au ventre et son adversaire en face de soi, ou bien la messe basse et les quelques gouttes de poison versées discrètement dans le verre du futur supplicié, qui ne saura jamais qui a bien pu ainsi le frapper, le dos tourné. Pour placer son échiquier morbide et les faiseurs de morts qui vont avec dans une certaine réalité historique, Fukasaku Kinji a choisi l’ère Edo (1603-1868) et le règne des Tokugawa. Bien entendu le tout est extrêmement romancé, le scénario s’éloignant très rapidement de l’histoire exacte du pays et de ces hommes qui l’ont si souvent fait saigner.

Je parlais d’échiquier morbide un peu plus haut, puisqu’il me semble qu’à la manière de ce jeu de guerre et de stratégie, Fukasaku a déployé son armée d’acteurs (je dis bien armée car il y a un nombre impressionnant de rôles, premiers ou secondaires, d’une grande importance) dès le début de son film pour, petit à petit, imbriquer ce qui paraissait flou ou peu maîtrisé en un développement final parfait. Les quarante dernières minutes sont en effet absolument splendides et passionnantes, elles rattrapent les quelques petites longueurs du début du récit, et surtout elles les justifient, puisque sans ces dizaines de détails et développements parallèles que l’on pouvait alors croire accessoires dans la première heure du film, le dénouement aurait été moins efficace.

LES PLUS LES MOINS
♥ Le développement du scénario
♥ Les nombreux personnages
♥ La mise en scène superbe
⊗ …

LE SAMOURAÏ ET LE SHOGUN est un excellent drame historique, une cruelle démonstration des dégâts que peut causer l’avidité humaine, comme un mode d’emploi perfide pour qui serait tenté, aujourd’hui, d’accéder au Pouvoir par le biais de « simples » intrigues de Palais, cela avant même d’envisager les batailles rangées et ces armures fracassées, et les hommes à l’intérieur, piégés.


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Titre : Shogun’s Samurai / Le Samouraï et le Shogun / 柳生一族の陰謀
Année : 1978
Durée : 2h10
Origine : Japon
Genre : Drame Historique
Réalisateur : Kinji Fukasaku
Scénario : Kinji Fukasaku, Tatsuo Nogami, Hiro Matsuda

Acteurs : Kinnosuke Nakamura, Sonny Chiba, Hiroki Matsukata, Teruhiko Saigo, Reiko Ôhara, Yoshio Harada, Shinsuke Ashida, Isuzu Yamada, Etsuko Shihomi

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Auteur : Oli

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