[Film] Sarkar, de Ram Gopal Varma (2005)


Sarkar est un politicien aux méthodes mafieuses qui règne sans partage sur son territoire. Alors que son fils revient des Etats-Unis, une guerre des gangs éclate et sa tête est mise à prix par les truands du coin pour récupérer son business.


Avis de Laurent :
Identifié comme l’équivalent indien du Parrain de Francis Ford Coppola, Sarkar est pour le moins un projet ambitieux puisqu’il se veut être une fresque mafieuse de référence. Quoi de plus normal que de retrouver un réalisateur en vogue en la personne de Ram Gopal Varma (son Bhoot est désormais distribué en France) et devant la caméra, les Bachchan père et fils nous font l’honneur d’interpréter les Corleone de Mumbai.

Subhash Nagare a.k.a. Sarkar (Amitabh Bachchan) est un politicien aux méthodes douteuses, à la tête d’un empire mafieux qui fait la pluie et le beau temps sur son territoire. En vieillissant, Sarkar se rachète une réputation en réglant de manière expéditive des affaires injustement classées par la justice et les autorités (le film s’ouvre sur le tabassage d’un violeur impuni). Une guerre des gangs éclate au moment même où le fils de Sarkar, Shankar (Abhishek Bachchan) revient de son exil doré aux Etats-Unis. Il va apprendre au fur et à mesure des événements la façon dont on règle les affaires dans la famille. Au contraire, son frère Vishnu (Kay Kay) ne supportera pas la pression de son père et suivra un chemin différent. Très lent à se mettre en place dans sa première partie, l’intrigue va s’accélérer et se bonifier suite à un événement détonateur : l’assassinat d’une personnalité locale attribué à Sarkar. C’est le début d’une lutte de pouvoir où tous les coups sont permis. Ram Gopal Varma soigne une fois de plus sa mise en scène à coup de gros effets de ralentis qui accentuent une action qui se veut poseuse. La narration s’installe elle aussi lentement à base de dialogues calibrés et épurés afin d’aller directement à l’essentiel. En fait, inutile de comparer Sarkar au Parrain de Coppola tant le modèle est inaccessible ; mais s’il y a bien une référence à retenir, ce serait plutôt les dernières réalisations musclées et frimeuses de Johnnie To avec les mêmes qualités et les mêmes défauts. On retrouve une intrigue minimaliste, des plans millimétrés et surtout une galerie de seconds rôles tout à fait exceptionnelle qui volent la vedette aux acteurs de premier plan. Bref Sarkar, c’est du cinéma qui mise tout sur son ambiance.

Que dire de l’interprétation. Amitabh Bachchan fait du Bachchan. Il se contente de faire sa tête de méchant appuyé par une grosse note de musique bien pompeuse entre chaque dialogue pour assumer son autorité. Son aura est telle que personne d’autre à Bollywood n’aurait pu tenir ce rôle ; il pousse même le vice à se prendre pour Gandhi lorsque la police vient l’arrêter dans son fief et que la foule se soulève. Sans forcer et sans être génial (on se souvient encore de son énorme prestation dans Black ou Kabhi Khushi Kabhie Gham) Amitabh Bachchan relève impeccablement le défi. Concernant son fils Abhishek, le bilan est plus mitigé. En effet, il ne fait absolument pas le poids face à ce monstre sacré de père. Mais bon, voir Abhishek donner la réplique à son père suffit à faire de Sarkar une œuvre indispensable. Les rôles féminins n’ont aucune prestance et ne servent aucunement la narration, rien de mémorable de ce côté-ci. Enfin, pour en finir avec l’interprétation, tous les honneurs reviennent à ces monstrueux seconds rôles extrêmement bien affûtés (ça ne vous rappelle pas les productions Milkyway ?) et tout particulièrement le frère qui pète les plombs, le mafieux rival avec son rire étouffé, ainsi que le bras droit de Sarkar qui est une vraie brute à la fidélité exemplaire. Le spectateur allergique aux passages musicaux, chers aux productions indiennes, appréciera leurs absences comme c’était déjà le cas dans Bhoot. Les autres regretteront son remplacement par une musique peu inspirée, récurrente et lourdingue. Tellement lourde que ça en devient caricatural (le laborieux « Govinda »). La mise en scène traîne donc en longueur dans sa première heure afin de placer les personnages dans le cadre. Mais ensuite tout s’enchaîne de manière très fluide pour le plaisir des yeux. On retiendra la magnifique scène d’émeute avec les rues de Mumbai qui se vident et ses commerces qui se ferment. L’autre scène marquante concerne la chasse à l’homme du gang rival sur le jeune Shankar. Tout simplement des références dans le genre.

LES PLUS LES MOINS
♥ Mise en scène soignée
♥ Les seconds rôles
♥ Ambiance travaillée
Des scènes marquantes
⊗ Action parfois poseuse
⊗ Abhishek Bachchan en demi-teinte

En définitive, Sarkar est une œuvre jouissive qui ne souffre que d’une intrigue trop creuse et d’un manque de subtilité pour rivaliser avec les références du genre. Cependant, les amateurs de films qui reposent sur un climax apprécieront.


SARKAR est sorti chez Spectrum Films en coffret Blu-ray en bundle avec SATYA, COMPANY et SHIVA, au prix de 60€. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr

En plus du film, on y trouve : Introduction de Ram Gopal Varma, Présentation de Panos Kotzathanasis, Bande annonce. D’autres bonus sont présents sur les autres blu-ray du coffret. Ce dernier est accompagné du livre « Des Balles sur Bombay » (268 pages) de Uday Bhatia.



Titre : Sarkar
Année : 2005
Durée : 2h04
Origine : Inde
Genre : Film de gangsters
Réalisateur : Ram Gopal Varma
Scénario : Manish Gupta, Ram Gopal Varma

Acteurs : Amitabh Bachchan, Abhishek Bachchan, Tanisha Mukherjee, Katrina Kaif, Kay Kay Menon, Rukhsar, Supriya Pathak, Anupam Kher, Ishrat Ali

 Sarkar (2005) on IMDb


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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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