[Film] Samaritan Zatoichi, de Kenji Misumi (1968)

Ichi vient prêter main forte à un groupe de yakuzas pour punir un des leurs n’ayant pas payé ses dettes. Alors que le masseur aveugle vient d’achever sa violente besogne, la sœur de sa victime arrive avec l’argent. Lorsque les autres membres du gang cherchent à s’en prendre à elle, Ichi s’interpose et devient le protecteur de la jeune femme jusqu’à ce que cette dernière aie rejoint sa famille dans une ville voisine. La route sera, comme à l’accoutumé, semée d’embûches, notamment à cause d’un redoutable rônin sans foi ni loi embauché par les yakuzas pour en finir avec le légendaire Zatoichi.

Avis de Kwaidan :
Si je devais élire mon épisode préféré après avoir vu l’intégralité de la saga du masseur aveugle, ce serait sans doute ce magnifique 19ème volet. SAMARITAN ZATOICHI réunit, dans un équilibre parfait, tous les ingrédients faisant le charme infini des aventures d’Ichi tout en dévoilant de manière inédite le côté sombre du plus grand des anti-héros.

Si le masseur aveugle n’a jamais hésité à s’opposer aux yakuzas pour défendre les plus faibles, il n’en est pas moins un lui-même. Aussi, lorsqu’il s’agit d’une affaire ne concernant que des membres de ce milieu, Ichi n’hésite pas à se changer en un tueur froid et impitoyable. Pour la première fois de la saga, le film le montre explicitement dans ce rôle. Lorsqu’il est avec les yakuzas, Ichi devient beaucoup plus porté sur la violence qu’à l’accoutumé. Ainsi, celui qui suppliait ses adversaires d’arrêter le combat pour ne plus avoir à les tuer dans l’épisode 11 exécute sans remord un de ses pairs pour un « bâtard aveugle » de trop. Cette scène donnera beaucoup plus de poids aux avertissements d’Ichi face aux insultes du Yojimbo dans l’épisode suivant et on comprend bien que le masseur n’aurait pas hésité à le tuer si des évènements n’avaient pas perturbé leur dispute. Les scènes avec sa jeune protégée permettent rapidement de retrouver le Ichi que l’on connaît mais Misumi n’oubliera jamais de rappeler au spectateur que cet homme bon reste un assassin dans d’autres circonstances. Ainsi, une des scènes les plus marquantes du film restera « le jeu de massacre ». Alors qu’Ichi dégomme toutes les cibles sous les yeux des badauds amusés et des forains déprimés à l’idée de voir leur stock de lots s’envoler, l’amusement de la jeune fille fait soudain place à la douleur lorsqu’elle réalise que ces mêmes talents qui divertissent tout le monde ont aussi causé la mort de son frère. Une scène d’une incroyable puissance, magistralement mis en image.

Le reste regorge également de séquences d’anthologie entre duels somptueux et moments de comédie dont le côté Tex Avery annonce clairement les délires de ZATOICHI 1989. On peut ainsi voir Ichi combattre ses adversaires avec une épingle à cheveux alors qu’il est enveloppé dans des roseaux ou perdre le contrôle de son cheval et dépasser comme une flèche les yakuzas et celle dont il volait au secours avant d’atterrir dans un ravin. Le masseur trouvera même un « side-kick » monstrueusement sympathique en la personne d’un yakuza qui pourrait passer pour l’ancêtre japonais de Santiago Segura. De grands éclats de rire pour un film qui laisse également souvent place à l’émotion. S’il fallait trouver un défaut à cet épisode, ce serait peut-être le manque de charisme du ronin par rapport à la plupart des ses prédécesseurs et successeurs, parmi lesquels on retrouvait quand même Toshiro Mifune et Tatsuya Nakadai. Cependant, son visage de gamin sadique parvient à le rendre inquiétant en affichant clairement qu’il se contrefiche de toute forme d’honneur. Il s’avèrera d’ailleurs au final un des adversaires les plus coriaces d’Ichi, un des seuls qui auraient pu le vaincre à plusieurs reprises au cours de l’aventure, y compris en combat singulier.

Titre : Samaritan Zatoichi / Zatoichi 19 / 座頭市喧嘩太鼓
Année : 1968
Durée : 1h22
Origine : Japon
Genre : Chanbara
Réalisateur : Kenji Misumi
Scénario : Kiyokata Saruwaka, Kan Shimozawa, Hisashi Sugiura

Acteurs : Shintaro Katsu, Yoshiko Mita, Makoto Sato, Ko Nishimura, Takuya Fujioka, Chocho Miyako, Akira Shimizu, Ryoichi Tamagawa, Machiko Soga, Osamu Okawa