Inde, 1920, un puissant guerrier part à la recherche d’une fillette de son village enlevée par des militaires anglais. Son périple va l’amener à Dehli où il va se lier d’amitié avec un officier indien travaillant pour le gouvernement anglais et qui est en fait un résistant infiltré.
Avis de NasserJones :
Une fois n’est pas coutume, je vais être dithyrambique sur une critique. Non pas pour louer les qualités artistiques intrinsèques de ce film, qui certes, n’en manque pas, mais qui est aussi rempli de défauts. Je vais être dithyrambique juste par rapport au plaisir que ce film m’a procuré. C’est simple, depuis Fury Road, je ne m’étais pas autant éclaté devant un film d’action. Alors RRR, c’est un peu l’antithèse de Thar, un autre film indien que j’ai chroniqué récemment. Là où Thar était un film lorgnant clairement du côté des codes cinématographiques du cinéma occidental (voire coréen), RRR est un film assumant totalement tous les codes du cinéma indien. On retrouve ici tout ce qui habituellement peut-être rédhibitoire pour un spectateur qui n’aime pas le cinéma indien : durée excessive de plus de trois heures, passages chantés et dansés, acteurs qui surjouent, méchants caricaturaux comme c’est pas permis, scènes d’action avec profusion de ralentis et d’effets de style à la Zack Snyder, mélange indigeste d’influences de tout bord et absence totale de peur du ridicule. Oui en fait, dit comme ça, RRR a tout pour rebuter. Seulement voilà, comme l’avait fait Tsui Hark 30 ans auparavant avec sa saga Once Upon a time in China, S. S. Rajamouli va reprendre tous les codes cinématographiques de son pays pour les dynamiter avec une dose de créativité, d’audace et de folie inédite à ce jour en Inde.
Dès les premières minutes, on comprend tout de suite qu’on est devant un OVNI cinématographique furieux. Une caserne de police anglaise est encerclée par des milliers de manifestants enragés voulant trucider les colons, un officier indien saute par-dessus le grillage et affronte la foule seul, à coups de bâton. Ça dure 10 minutes, le mec affronte des milliers de manifestants, faisant valser plusieurs mètres plus loin chaque personne à qui il porte un coup et là tu comprends que t’as mis les pieds dans un truc de fou furieux. Juste après ça, on passe au deuxième héros tout droit sorti de la BD de Rahan qui court torse nu dans la jungle, poursuivi par un loup affamé, puis par un tigre … Et le film va continuer comme ça, enchainant les séquences et les idées les plus folles quasi tout le long. Même l’habituelle scène de danse bollywoodienne va se transformer en une démonstration de force où les deux héros vont se lancer dans une chorégraphie digne du Can’t Touch This de MC Hammer pour prouver leur supériorité physique et leur plus grande endurance aux anglais. J’entends déjà Cherycock me dire qu’il déteste la danse mais sauf que là on est dans de la séquence culte que notre ami Stephen Chow n’aurait pas renié. Faut voir les deux Conan danser jusqu’à en faire un nuage de poussière et tous les anglais qui essaient de les imiter s’effondrer de fatigue !
Le film regorge aussi d’une multitude de références au cinéma HK, ne serait que dans l’amitié virile (limite homo diront certains) entre les deux héros tous droit sortis d’un film de John Woo ou de Chang Cheh. Là aussi, il faut les voir faire des tractions ensemble et courir au ralenti sur un chemin de fer comme deux gosses, un grand moment de franche rigolade ! Et puis il y a tout un tas de séquences comme lorsqu’un des héros aux genoux fracassés ne peut plus marcher, il grimpe sur les épaules de son pote, se saisit de deux fusils et à eux deux ils vont ainsi trucider tout un régiment d’anglais. Encore une séquence qui aurait pu être chorégraphiée par Yuen Woo-Ping. On aura aussi droit à un lâché de tigres et de loups dans le QG anglais, cette fois très Detective Dee et un final d’enragé que je ne vais pas spoiler, mais lui plus proche de … Rambo 3.
Comme Tsui Hark avait réussi à le faire avec Once Upon a Time in China, il y a aussi dans RRR ce mélange de cinéma classique et de pop culture. En effet, un soin particulier a été apporté au travail de reconstitution, nous ramenant au cinéma d’aventure hollywoodien des années 60 avec costumes, voitures, bâtiments coloniaux d’époque et milliers de figurants à l’écran pour recréer l’Inde des années 20. Car aussi fantaisiste et caricatural soit-il, RRR est aussi un sympathique film historique nous racontant les prémices de la révolte indienne face à l’envahisseur anglais, qui mènera à l’indépendance du pays. Alors comme le font allègrement ses voisins chinois, S. S. Rajamouli joue à fond la carte du nationalisme bon marché, transformant ses héros révolutionnaires à la force herculéenne en des figures mythologiques opposées à des monstres anglais sanguinaires. Le discours est à peine nuancé par la présence d’une jeune bourgeoise anglaise un peu naïve mais au grand cœur. Cela pourrait sans doute être encore une fois rédhibitoire pour certains spectateurs, mais quand on est fan de cinéma asiatique depuis trente ans comme moi, et bien c’est bien rigolo de voir ces colons britanniques se prendre des tartes par Rambo 18 et Conan le Barbare hindi. C’est aussi la force de RRR. J’ai eu la sensation devant ce film de redevenir un ado de 14 ans et je me suis surpris moi-même à plusieurs reprises à rire tout seul comme un demeuré devant ma télé et à lâcher des : « bing ! Tiens prends ça dans ta gueule ! ». Je rajouterai aussi pour les sceptiques qui aurait vu le précédent du réalisateur La Légende de Baahubali (que je n’ai pas aimé du tout), que ce dernier est à 50 étages au-dessus.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ De l’audace ♥ De l’énergie ♥ De la Folie ♥ Des scènes d’action complètement dingos ♥ Un très bon travail de reconstitution |
⊗ Il n’y a pas Scott Adkins et Donnie Yen au casting |
Pour les adeptes de cinéma d’action bourrin et de pop culture, RRR est un grand moment de bonheur et de plaisir régressif. Avec cette fresque aussi monstrueuse que folle, S. S. Rajamouli signe ici le Once Upon a Time in China hindi et s’impose en véritable réincarnation indienne de Tsui Hark. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Rajamouli a découvert des histoires sur les vies de Rama Raju et de Bheem et a relié les coïncidences entre eux, imaginant ce qui se serait passé s’ils s’étaient rencontrés et avaient été amis.
• Réalisé avec un budget de ₹550 crore (72 M$US), RRR est le film indien le plus cher. Avec ₹240 crore (31 M$US) dans le monde entier le premier jour, RRR est le film indien qui a fait le meilleur départ au box-office. Le film a rapporté plus de ₹1 150 crore (150 M$US) dans le monde entier, établissant plusieurs records au box-office pour un film indien, notamment le deuxième film le plus rentable en Inde et le troisième film indien le plus rentable jusqu’à ce qu’il soit dépassé par K.G.F : Chapter 2 (2022) au cours de son exploitation en salles.
• Un travail intensif sur les effets visuels a eu lieu pendant plus de six mois au cours du processus de post-production. Plus d’une 15aine d’entreprises spécialisées dans les effets visuels ont travaillées sur le film.
Titre : RRR
Année : 2022
Durée : 3h04
Origine : Inde
Genre : Action / Historique
Réalisateur : S. S. Rajamouli
Scénario : S. S. Rajamouli, V. Vijayendra Prasad
Acteurs : N. T. Rama Rao Jr, Ram Charan, Ajay Devgn, Alia Bhatt, Shriya Saran, Samuthirakani, Ray Stevenson, Alison Doody, Olivia Morris, Chatrapathi Sekhar