Deux jeunes gens amoureux (Vivek Oberoi et Antara Mali) décident de partir se marier sans rien dire au père de la jeune fille… Mais la route de la vie est semée d’embûches comme va le leur enseigner un étrange auto-stoppeur (Manoj Bajpai)…
Avis de Postscriptom :
Un film produit par Ram Gopal Varma, dont le précédent film en tant que réalisateur, COMPANY, a eu un certain retentissement en France (des sites spécialisés asiat en ont même parlé c’est dire, l’Inde ferait donc bien partie de l’Asie…), un intérêt probablement facilité par le fait que Varma est manifestement fasciné par l’Amérique, ses films étant en général assez occidentalisés (jeu des acteurs posé et parfois même absence totale de chansons…). Ainsi pour ce ROAD qu’il a produit, les origines ne sont pas difficiles à deviner si vous avez vu HITCHER, SAILOR ET LULA ou le BREAKDOWN avec Kurt Russel : hé oui, ROAD est un road-movie !
Le début est classique, avec ce couple qui prend la route pour se marier en douce des parents de la jeune fille dans une ville éloignée (la Las Vegas locale ?) … Ils vont cependant faire l’erreur de prendre en stop un type a priori sympa mais qui ne va pas tarder à révéler sa véritable nature, passablement psychopathe : il va virer le héros de sa voiture et partir avec la fille (et on le comprend, elle est superbe cette voiture) … S’ensuit une heure de folle course poursuite que je vous laisse découvrir, cette première partie étant absolument brillante, un pur exercice de style parfaitement mise en scène et qui tient sans problème la comparaison avec ses modèles ci-dessus… Mais au niveau dramatique ça ne sert strictement à rien ! Car quand le héros a reconquis sa promise et viré le cinglé le film est fini, et il reste encore plus d’une heure de métrage, d’où problème… Vite résolu par un habile (?) twist de scénario, car voilà-t-y-pas que le lendemain matin le cinglé resurgit de plus belle, (re)vire le héros et (re)part de nouveau avec la fille (et la voiture, un homme de goût décidément), incroyable ! …
Sur le coup on se dit que c’est un peu gros quand même, puis alors que le film se poursuit on réfléchit un peu et on comprend que ce retournement est tout sauf gratuit, et en fait est même en total accord avec le thème principal du film … Car certes c’est le genre de choses absurdes qui arrive dans la vie et passe bizarrement dans les films (par exemple rappelez-vous Thandie Newton qui se trompe de poche dans l’anodine scène du champ de course dans MI-2, ah, ah…) … Mais précisément, les deux héros de ROAD vivent dans un monde irréel peuplé de chimères et croient qu’en Inde il suffit de se marier en douce et de mettre les parents devant le fait accompli (voir dans le premier quart d’heure les TROIS chansons où ils se la jouent grave sur une route dans des scènes de danse ultra-chébrans, hilarantes et volontairement parodiques) … Grossière erreur que ce personnage surgit de nulle part va leur enseigner à leurs dépens… Et en fait il ne surgit pas de nulle part le bougre : il sort tout droit de… COMPANY ! A un moment, il parle de lui à la fille et révèle qu’il était un petit voyou chargé des basses œuvres pour un parrain de la mafia qui ne lui jamais témoigné de reconnaissance, et il a pété les plombs à cause de ça… COMPANY, cette superbe fresque mafieuse à la Scorcese qui présentait précisément la vie de ces petits gangsters…
Pour autant cette deuxième partie (que je ne dévoilerai pas) peine un peu hélas à retrouver la tension présente jusqu’alors (l’unité de temps n’est plus vraiment respectée, les scènes de dialogues sont parfois un peu longues, et le final est un peu ridicule…), ce qui a fait dire à certains que Ram Gopal Varma aurait réalisé le film, et non Rajat Mukherjee, d’habitude son assistant réalisateur… Une théorie tout à fait plausible mais qui en même temps ne pose pas le vrai problème : dans quelle mesure ROAD pouvait-il être un film de Ram Gopal Varma ? Car on ne peut manquer de le constater, le film est clairement une production destinée à un large public : chansons omniprésentes, références cinématographiques basiques à la portée du premier venu, même moi c’est dire (l’air de DIL CHAHTA HAI siffloté par un automobiliste, et surtout la scène très drôle où le fou se fait passer pour Sanjay Leela Bhansali, le réalisateur du dernier DEVDAS), sous-intrigues inutiles comme le père de la fille qui est policier et fait croire qu’elle a été enlevée par son fiancé (et alors ?), policiers d’ailleurs complaisamment montrés comme stupides au dernier degré (en fait une façon « politiquement correcte » de sous-entendre leur corruption…), et surtout la fin où les amoureux reprennent tranquillement leur chemin en rigolant ( ), les scènes psychologiques intenses entre la fille et le fou n’ayant apparemment eu aucune répercussion sur elle, n’importe quoi c’était bien la peine de faire tout ça pour en arriver là… De plus on connaît le mépris de Varma pour les films Bollywood sentimentaux et si on suit bien il veut leur donner ici métaphoriquement une petite leçon de vie et de réalisme, dommage qu’il ne finisse pas par un bon coup de pied au cul, ça aurait été autrement plus jouissif que ce retour à la case départ navrant, un comble pour un road-movie…
LES PLUS | LES MOINS |
♥ La première heure ♥L’actrice principale ♥De bonnes chansons |
⊗ Une deuxième partie qui peine un peu |
Bref, on se dit que ROAD aurait fait un peu tâche dans sa filmo, les bonnes intentions de départ ayant semble-t-il été abandonnées en route (c’est le cas de le dire, ah, ah…). Que cela ne vous empêche pas de le voir, ROAD est tout de même largement au-dessus de la production courante, et l’actrice principale est superbement carrossée aussi… |
Titre : Road
Année : 2002
Durée : 2h15
Origine : Inde
Genre : Road movie
Réalisateur : Rajat Mukherjee
Scénario : Rajnish Thakur
Acteurs : Vivek Oberoi, Antara Mali, Manoj Bajpayee, Sayaji Shinde, Vijay Raaz, Snehal Dabi, Makrand Deshpande, Ganesh Yadav, Rajpal Yadav, Raj Zutshi