[Film] Retour à Séoul, de Davy Chou (2022)


Sur un coup de tête, Freddie, 25 ans, retourne pour la première fois en Corée du Sud, où elle est née. La jeune femme se lance avec fougue à la recherche de ses origines dans ce pays qui lui est étranger, faisant basculer sa vie dans des directions nouvelles et inattendues.


Avis de Cherycok :
Présenté en avant-première dans la section Un Certain Regard du Festival de Cannes 2022, sélectionné en tant que film cambodgien pour le meilleur long métrage international lors de la 95ème cérémonie des oscars (il ira jusqu’en finale), Retour à Séoul est le dernier film en date de Davy Chou, cinéaste franco-cambodgien qui avait déjà fait sensation à Cannes en 2016 avec son premier film Diamond Island, primé lors de la semaine internationale de la critique. Coproduction internationale entre la France, le Cambodge, la Belgique, l’Allemagne et le Qatar, Davy Chou a eu l’idée de Retour à Séoul alors qu’une de ses amies françaises, une coréennes d’origine adoptée par des français, qui l’a accompagnée en Corée du Sud pour le tournage de son documentaire Golden Slumbers (2011) pour rencontrer une partie de sa famille biologique sur place. Devant l’émotion un peu étrange qu’a suscité leur rencontre, il a décidé de faire un film qui reprendrait ce point de départ. Retour à Séoul commence comme une histoire classique de recherche de ses origines, mais très rapidement on comprend qu’on va assister à quelque chose de bien plus profond, de bien plus inattendu.

Au départ, Freddie, notre héroïne, se retrouve en Corée du Sud par pur hasard. Alors qu’elle voyageait pour le Japon, un typhon la bloque à Séoul. Non, au départ, Freddie n’est pas à la recherche de ses origines coréennes. Mais de nombreuses personnes qu’elle rencontre ont envie qu’elle fasse ces recherches. De fil en aiguille, et étant au final sans but dans ce pays qui est le sien mais qu’elle ne connait pas, elle se retrouve à l’agence d’adoption qui l’avait prise en charge. Nous allons suivre Freddie dans cette quête qui va s’étendre sur plusieurs années, le tout étant découpé en 4 actes bien distincts, pour un résultat très intime et surtout très touchant. Freddie ressemble aux coréens, elle est née en Corée, comme eux, mais elle se sent comme étrangère, ne connaissant ni leur langue, ni leurs coutumes, se faisant comprendre tantôt par une amie francophone travaillant dans l’hôtel qui l’héberge, tantôt par une tante se débrouillant tant bien que mal en anglais. Freddie est un personnage central, très complexe, qui attire immédiatement l’attention par son naturel. On comprend vite qu’elle refuse cette quête d’identité mais qu’en même temps, au fond d’elle, elle en a besoin. Parfois, elle ressent ce besoin d’exploser quand elle se sent acculée, de laisser aller sa folie intérieure (l’invitation des gens du restaurant à passer la soirée ensemble, la danse soudaine comme pour faire sortir toutes les mauvaises ondes, …). Oui, une quête d’identité refoulée qui parfois passe aussi par des changements brutaux sur elle-même, comme si elle essayait de se réinventer, en se « rebellant », en changeant de look ou de façon de vivre, alors qu’au fond elle reste et restera toujours elle-même. Dommage que certains des personnages qui gravitent autour d’elle disparaissent comme ça, aussi vite qu’ils sont arrivés, mais c’est sans doute volontaire car au final, ils sont juste de passage dans la vie de Freddy.

La mise en scène de Davy Chou est intimiste. Il aime s’attarder sur le visage de son personnage central afin que le spectateur puisse observer la moindre de ses expressions, en particulier lorsqu’elle a l’air perdue au milieu de ces gens qui lui ressemblent tant mais dont elle se sent tellement éloignée. Il arrive à capter toute l’essence de ce personnage complexe et nous fait ressentir immédiatement toutes les émotions que Freddie ressent. On est tantôt enjoué, tantôt triste, tantôt amusé, et ce en partie grâce à celle qui campe ce personnage, Park Ji-Min, qui n’avait pourtant jusque-là aucune expérience dans le cinéma. Était-ce dans le but de capturer son naturel ? Une chose est sûre, c’est qu’elle crève littéralement l’écran. Certaines scènes sont réellement marquantes, soit parce qu’elles sont tout simplement poignantes par leur simplicité (la rencontre avec la mère, la petite mélodie de piano enregistrée sur le téléphone), soit par les thématiques qu’elles abordent (on sent que la guerre entre les deux Corée a laissé des traces). Le scénario est plein de surprises et il est bien difficile de voir où le film va nous amener, où le personnage de Freddie va nous amener. Car c’est une « refuseuse » née, qui ne supporte pas qu’on lui dise quoi faire. Elle ne fait pas toujours ce que les personnages qui l’entourent, mais également le public, attendent d’elle. Du coup, on est tenu en haleine et ce malgré un final quelque peu frustrant sans pour autant être raté. Regarder Retour à Séoul, à condition bien entendu de rentrer dans le film, est une expérience parfois des plus troublantes d’autant plus que le réalisateur y injecte bon nombre de références/inspirations qui lui tiennent à cœur. On pense notamment à Millennium Mambo de Hou Hsiao Hsien dans l’un des actes, mais les inspirations du réalisateur sont nombreuses, bien que pas toujours faciles à déceler. Sans un coup d’œil à une interview de Davy Chou présente sur l’édition Spectrum Films sortie chez nous, il est par exemple compliqué de voir les inspirations de Matrix ou du cinéma de David Fincher. Preuve s’il en est que des références bien assimilées et intelligemment disséminées sont bien plus digestes.

LES PLUS LES MOINS
♥ Park Ji-Min a déjà tout d’une grande
♥ Le scénario imprévisible
♥ La mise en scène
♥ Une bande son enivrante
♥ On est tenu en haleine
⊗ Une fin qui peut laisser sur sa faim

Retour à Séoul casse les codes et propose une expérience que tout amateur de cinéma se doit de tenter. Une grande réussite pour le réalisateur franco-cambodgien Davy Chou, qui donne envie de découvrir son premier film, Diamond Island.


RETOUR A SEOUL est sorti chez Spectrum Films en Blu-ray, accompagné du film DIAMOND ISLAND, au prix de 30€. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr

En plus des films, on y trouve : Interviews de Davy Chou, Dounia Sichov et Célia, Essais et Répétitions de Park Ji-Min, et Bande Annonce.



Titre : Retour à Séoul / Return to Seoul
Année : 2022
Durée : 1h59
Origine : France / Cambodge / Belgique / Allemagne / Qatar
Genre : Retour aux sources
Réalisateur : Davy Chou
Scénario : Davy Chou

Acteurs : Park Ji-Min, Oh Kwang-Rok, Guka Han, Kim Sun-Young, Yoann Zimmer, Louis-Go de Lencquesaing, Hur Ouk-Sook, Emeline Briffaud, Lim Cheol-Hyun

Return to Seoul (2022) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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