En 1990, David, un célibataire, cherche le soir un peu d’évasion après s’être occupé de sa mère vieillissante toute la journée. Au sein d’un vidéo-club, il emprûnte une étrange VHS appelée Rent-A-Pal. Animée par le charismatique Andy, la cassette vidéo lui offre la compagnie dont il a tant besoin. Mais l’amitié d’Andy a un prix…
Avis de John Roch :
Caméraman et directeur de la photographie sur une poignée de courts et sur Eat (sortie chez Uncut movies), Jon Stevenson frappe fort avec son premier métrage, Rent-A-Pal, qui l’impose d’emblée comme un réalisateur à suivre. Écrit par ses soins, Stevenson ne choisit pas la facilité et propose une œuvre originale, au concept qui fonctionne et qui permet de développer quelques thématiques d’une manière particulière. Rent-A-Pal se déroule dans le début des années 90 et a pour (anti)héros David, qui vit dans le sous-sol de la maison de sa mère qui souffre de démence. Nanti d’un physique peu avantageux sans pour autant être repoussant, Davis est un cœur à prendre, et pour trouver l’amour il passe par Video RendezVous, une agence de rencontre par correspondance ou s’échangent des VHS de personnes célibataires qui se présentent et espèrent matcher avec d’autres. Sans succès pour David, qui noie son chagrin dans l’alcool jusqu’à ce qu’il tombe sur Rent-A-Pal, une cassette vidéo qui présente Andy, qui veut devenir votre meilleur ami. Le principe est le suivant, Andy pose une question, suivit d’un blanc de quelques secondes le temps d’y répondre (grosso modo c’est un peu le même principe que Dora l’exploratrice), puis réagit avec empathie. Tout est scripté, pourtant David va se prendre au jeu, et va développer une relation avec Andy qui devient pour lui une sorte d’ami imaginaire. Le problème, c’est qu’à force de se confier, et de se trouver des points communs avec cet enregistrement, au point d’y voir un miroir de sa personnalité, c’est sa part d’ombre qui se dévoile et va prendre le dessus.
Rent-A-Pal va tourner autour de la relation entre David et Andy, un concept casse gueule il faut l’avouer, car comment tenir sur la longueur avec un homme qui réagit à un enregistrement complètement scripté ? Là où n’importe qui serait tombé dans le piège de la facilité en introduisant un élément fantastique ou des twists moisis, choses auxquelles on s’attend sans qu’heureusement elles n’arrivent, Stevenson assume presque jusqu’au bout son concept et le remplit avec brio. Le scénario est une petite merveille d’écriture. David devient obsédé par Andy, au point de repasser la bande magnétique plusieurs fois jusqu’à obtenir une conversation parfaite avec son nouvel et seul ami, un petit tour de force, car les répliques de la VHS ne changent jamais, sans pour autant devenir lassantes, car tout est dans l’interaction que David va avoir avec. C’est une véritable psychanalyse qu’il commence, ce qui va creuser d’avantage la personnalité du personnage, un homme qui porte une haine envers sa mère dont il s’occupe pourtant en sacrifiant sa vie, un homme seul qui a le cœur sur la main et ne demande qu’à être aimé en retour. En proie à la solitude que sa condition lui impose, David est un personnage qu’on ne peut pas détester, mais qui provoque de la pitié, de l’empathie, et de la tristesse. L’autre petit tour de force, c’est de parvenir à faire réellement exister Andy, dont les répliques tournent en boucle mais qui semble devenir réel le temps de quelques scènes, aidé par un mixage sonore loin d’ être anodin (plus la conversation devient intime, plus sa voix se fait claire).
La force d’Andy, c’est de provoquer le malaise au détour de quelques scènes, notamment une scène de masturbation qui vire au glauque, et un début d’idylle pour David sous l’œil de son ami qui devient flippante, pourtant avec les mêmes répliques que précédemment, mais encore une fois avec une interaction avec le réel qui diffère et donnent donc un sens complétement différent aux interventions du personnage. Tout ceci ne serait pas crédible sans des acteurs à la hauteur, et ils le sont. Rent-A-Pal n’a que très peu de personnages, le casting est impeccable mais c’est Will Wheaton dans la peau d’Andy, et surtout Brian Landis Folkins dans le rôle de David qui portent le film sur leurs épaules. Le premier est magnétique (sans mauvais jeu de mot) en ami imaginaire sur VHS, quant au second, qui se montre doux, triste, terrifiant, parfois en même temps, il mériterait toutes les récompenses de meilleurs acteurs du monde. Pour finir, Rent-A-Pal est un film sur la solitude mais pas que. Bien que se passant au début des 90’s, le film fait écho à nos jours, où l’essentiel des relations, en particulier en cette période de crise sanitaire et de restrictions que nous vivons, aux conséquences psychologiques dramatiques pour certains, sont bien plus virtuelles que réelles. Un discours dans l’air du temps, pour un métrage qui mine de rien pourrait être considéré comme un film post-Covid, aux qualités nombreuses que seules les dernières minutes déçoivent quelque peu, mais en rien préjudiciable à une œuvre qui se détache du lot. Bon Jon, ton prochain film c’est pour quand ?
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Un concept original ♥ Un script en béton ♥ Will Wheaton et Brian Landis Folkins ♥ Un film bien plus profond qu’il ne le parait ♥ Par moment triste, par moment flippant |
⊗ un final décevant |
Premier essai, premier coup de maitre. Malgré une conclusion décevante, Rent-A-Pal est un vrai coup de cœur, un film malin, bien écrit, bien réalisé, qui propulse directement Jon Stevenson dans la catégorie des réalisateurs à suivre. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Un commentaire audio a été enregistré en Juin 2021.
Titre : Rent-A-Pal
Année : 2020
Durée : 1h48
Origine : U.S.A
Genre : Bromance
Réalisateur : Jon Stevenson
Scénario : Jon Stevenson
Acteurs : Brian Landis Folkins, Will Wheaton, Amy Rutledge, Kathleen Brady, Adrian Egolf