[Film] Rape of the Sword, de Griffin Yueh Feng (1967)


Une jeune noble doit être mariée de force à un jeune prince véreux, mais elle préférerait mourir plutôt que d’accepter – ou mieux encore, devenir une célèbre épéiste et combattre l’injustice. Heureusement, sa servante s’avère être elle-même une célèbre épéiste, qui vit déguisée pour retrouver la fameuse épée volée à son professeur. Par coïncidence, cette épée est actuellement en possession du père du prince véreux.


Avis de Cherycok :
Actif depuis les années 30, Griffin Yueh était une valeur sure de la Shaw Brothers des années 60 / début 70, avec des films tels que The Bells of Death (1968), The Magnificent Swordsman (1968), The Golden Knight (1970), A Taste of Cold Steel (1970) ou encore The Young Avenger (1972). En 1967, il marque les esprits avec un film au titre trompeur, Rape of the Sword, car bien qu’il y ait une épée, il n’est jamais ici question de viol, et encore moins sur une épée. Mais surtout, selon plusieurs spécialistes du cinéma de Hong Kong, Rape of the Sword serait la vraie inspiration pour le populaire Tigre et Dragon (2000) de Ang Lee, en tout cas bien plus que le célèbre roman de Wang Dulu. Bien qu’imparfait, Rape of the Sword vaut le coup d’œil pour son côté transitoire, pour sa dualité à une époque où le cinéma martial de Hong Kong était en plein changement, alors on va vous en parler un petit peu.

Dans Rape of the Sword, on sent encore énormément l’influence de l’opéra chinois, aussi bien dans le jeu des acteurs, très gestuel, très exagéré, que dans les scènes d’action, avec des combats très « dansés » qui, à l’exception du final, sont parfois plus proche d’un numéro de cirque que de quelque chose de plus brut, plus martial, comme on le verra quelques années plus tard. On a même droit à quelques passages chantés qui font de ce film une sorte d’hybride entre l’opéra et le cinéma d’action de la Shaw Brothers. Le combat final reste le plus mémorable, plus martial que les autres, plus violent également, et surtout assez impressionnant visuellement dans ce décor de maison enflammée. Mais si on prend le film dans son ensemble, il n’est pas aussi sophistiqué martialement parlant que ce qui suivra. On sent que des bases sont posées, ne serait-ce que dans les quelques passages très aériens, on sent même par moment qu’il s’agit ici d’un film transition, à l’intérieur du film lui-même d’ailleurs (il suffit de voir la différence de ton et de style des premiers combats et du final), et même si les films qui suivront seront bien plus sophistiqués, il y a ici un côté très attachant. Le rythme est soutenu, tout va s’enchainer sans réel temps mort, parfois même peut-être un peu trop rapidement, ne laissant que peu de place à certains éléments qui auraient mérités d’être un peu plus appuyés, pour créer un peu plus de tension dramatique. Il n’y a guère que les quelques passages chantés, nous rappelant dont que l’opéra n’était pas si loin, qui ralentissent un peu la narration et qui, dans le contexte du film, semblent un peu déplacées.

Visuellement, il y a toujours ce charme désuet des productions Shaw Brothers du genre, avec ces décors studios, ces matte painting, ces costumes très colorés, et ça fonctionne à fond les ballons pour quiconque aime un tant soit peu de côté un peu kitch de certains éléments de décors. Griffin Yuen fait un excellent travail de caméra, sachant constamment où placer sa caméra soit pour mettre en valeur ses personnages, soit pour faire ressortir un détail particulier de l’image, toujours dans l’optique de rendre son film le plus cinégénique possible mais tout en gardant les codes plus classiques de l’opéra. Selon les spécialistes, Rape of the Sword serait le film qui aurait posé les bases de bons nombres de films de sabre de la Shaw Brothers qui suivront, tout du moins en termes de mise en scène et de style. Le casting est très bon, avec entres autres Li Ching, vu dans plusieurs films de Chang Cheh, surnommée « la Baby Queen de la Shaw Brothers » qui était omniprésente à l’époque, tournant pas moins de 8 films rien qu’en 1967, et qui fait preuve d’une assurance de tous les instants, bouffant l’écran dès qu’elle apparait dans une scène. Chen Hung-Lieh est également une des attractions du film, immédiatement antipathique dès sa première apparition avec son sourire narquois et son regard plein de perfidie. Une chose est sûre, c’est que les personnages sont forts, et Griffin Yuen sait qu’ils sont le point fort de son film. Un peu à la manière de Kung Fu Cult Master, Rapide of the Sword finit en queue de poisson, avec le grand méchant du film qui annonce sa fuite lors du dernier combat, qui disparait et… générique de fin. Est-ce qu’une 2ème partie était prévue ? D’autant plus que le film, avec ses 1h18, aurait clairement pu être le premier opus d’un diptyque. Une chose est sûre, c’est que de réelle suite il n’y aura pas, mais A Taste of Cold Steel (1970) du même réalisateur, pourrait faire office de suite puisqu’on y retrouve les mêmes antagonistes.

LES PLUS LES MOINS
♥ Bien rythmé
♥ Visuellement joli
♥ Le casting
♥ Un film charnière
⊗ Peut paraitre vieillot
⊗ Les passages chantés cassent le rythme
⊗ Où est la seconde partie ?
Bien qu’il pourra paraitre un peu dépassé comparé aux gros mastodontes de la Shaw Brothers qui vont suivre, Rape of the Sword est un film charnière, possédant encore les stigmates des opéras filmés, mais posant les bases de ce qui suivra. A découvrir.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Rape of the Sword utilise (sans doute illégalement) de nombreux passages musicaux de la trilogie du dollar de Sergio Leone, dont un son reconnaissable immédiatement à chaque fois que l’épée du titre apparait à l’écran.



Titre : Rape of the Sword / 盜劍
Année : 1967
Durée : 1h18
Origine : Hong Kong
Genre : Transition
Réalisateur : Griffin Yueh Feng
Scénario : Wong Baak-Yat

Acteurs : Li Lihua, Li Ching, Kiu Chong, Chen Hung-Lieh, Tien Feng, Tang Ti, Lee Wan-Chung, Yang Chi-Ching, Ku Feng, Fan Mei-Sheng, Hao Li-Jen, Tsang Choh-Lam

Rape of the Sword (1967) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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