Joy, mère célibataire venue des Philippines, souhaite offrir à sa fille Grace et à elle-même un avenir meilleur. Elle cherche à réunir l’argent nécessaire pour acheter des visas d’immigration sur le marché noir. Elle se fait offrir un emploi dans une luxueuse demeure à la campagne, où elle devra s’occuper d’un aristocrate mourant. Le salaire est excellent mais une sombre découverte fait basculer ses plans.
Avis de Cherycok :
Paris Zarcilla est un jeune réalisateur prometteur qui réalisait des courts métrages, des publicités et des clips. En 2020, furieux du traitement réservé aux travailleurs immigrés durant la pandémie du COVID-19 et la montée du racisme envers les asiatiques, il décide de canaliser sa colère en réalisant son premier film, Raging Grace, un film d’horreur psychologique, le premier d’une trilogie sur la rage. Présenté en avant-première au SXSW au Texas où il gagne plusieurs prix, il en remporte trois autres au NIFFF et est même nommé en 2023 au British Independant Film Festival. De son propre aveu, les inspirations de Zarcilla pour son film sont nombreuses, du The Servant (1963) de Joseph Losey au Shaking Tokyo (2008) de Bong Joon Ho en passant par Les autres (2001) d’Alejandro Amenabar ou encore Rebecca (1940) d’Alfred Hitchcock. C’est Spectrum Films qui sortent le film chez nous dans leur nouvelle collection Pellicule Contrôle et grand bien leur en a pris car Raging Grace est une jolie petite curiosité.
Le réalisateur, Paris Zarcilla, a choisi les genres de drame et de l’horreur pour parler du sujet de l’immigration mais Raging Grace n’est pas simplement un film informatif sur ce sujet et il va choisir de parfois brusquer afin de faire ressentir l’effroi et les situations de malaises que les immigrés, ici les philippins puisque c’est sa nationalité, doivent traverser. Bien qu’on pourrait penser que le titre Raging Grace fasse référence au personnage de Grace (la petite fille) du film, il évoque sans doute bien plus la façon dont ces travailleurs immigrés doivent masquer la rage latente de leur situation derrière un air de grâce, derrière un sourire constant, sous peine de perdre leur emploi alors qu’ils se savent exploités, devant sans cesse choisir entre la survie et la dignité. Le réalisateur excelle lorsqu’il faut souligner cela. Là où une personne normalement constituée aurait fui devant la situation, le personnage de Joy se sent bloqué, et bien qu’elle sache pertinemment que quelque chose de sinistre se trame dans cette maison, sa situation fait qu’elle voit l’argent que cela lui rapporte avec en ligne de mire le Visa permanant qui lui permettrait, avec sa fille, de pouvoir rester à Londres. La fuite ne fait pas partie des options, crier à l’injustice non plus, seul un avenir plus radieux compte. Alors il vaut mieux être assujetti par les « blancs », supporter cette fausse gentillesse et ces fausses attentions qui ne sont rien d’autre que du contrôle déguisé. Le rythme est lent mais jamais ennuyeux, avec un film qui joue avec le tempo et le rythme, permettant à l’ambiance tantôt lourde tantôt étrange de s’installer. Si vous n’avez rien vu ni lu sur le film avant le visionnage, difficile de savoir où il cherche à nous amener. On comprend rapidement que des choses étranges vont se passer, mais difficile de savoir lesquelles par avance. Le scénario, découpé en chapitres aux titres évocateurs, arrive à surprendre grâce à certains rebondissements.
Raging Grace se divise clairement en deux parties, et autant la première, lorgnant plus vers le drame social, est une réussite, autant celle tombant dans l’horreur plus classique perd un peu en intensité dès que la « révélation » arrive. Le film n’en est pas moins prenant pour autant, mais il perd un peu de sa superbe car on retrouve certains clichés classiques du genre, ceux qui essaient de nous faire sursauter alors qu’on s’y attend. La frayeur est bien plus efficace lorsqu’elle est latente, ambiante, comme dans la première partie, plutôt que sur de vaines tentatives de provoquer l’effroi de la deuxième partie. Cette deuxième partie un peu en deçà empêche le spectateur de totalement être saisi par le drame qu’il regarde. La distribution est restreinte mais chaque personnage a une histoire intéressante et le casting assure le travail du début à la fin. On peut souligner un excellent travail sur la bande son qui accompagne parfaitement la mise en scène de Paris Zarcilla, appuyant certains propos à la perfection, accentuant le malaise de certaines situations et le côté mystique d’autres. Cette mise en scène est également très soignée, le montage réfléchi, les cadrages sont millimétrés et fourmillent de petits détails qui apportent sans cesse un petit plus à l’image. On comprend vite que le budget était faible, mais à aucun moment cela ne se ressent à l’écran et le réalisateur sait parfaitement utiliser cette gigantesque maison où chaque porte et chaque armoire fermée sont inquiétantes. Le résultat est que Raging Grace est une jolie réussite, qui ne plaira peut-être pas à tout le monde à cause de son rythme languissant mais qui peut se targuer de réussir presque tout ce qu’il entreprend. Et pour un premier essai, c’est très encourageant pour la suite de la carrière de Paris Zarcilla.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Le casting ♥ La mise en scène soignée ♥ L’ambiance lourde ♥ Une thématique très bien traitée ♥ La bande sons |
⊗ Un dernier acte un peu en deçà ⊗ Quelques idées pas suffisamment exploitées |
Raging Grace est un mélange réussi d’horreur psychologique et de drame qui s’accompagne d’un commentaire social poignant et incisif sur l’exploitation des immigrés. Un 1er essai transformé pour le réalisateur anglo-philippin Paris Zarcilla. |
RAGING GRACE est sorti chez Spectrum Films en Blu-ray au prix de 20€. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr En plus du film, on y trouve : Interview du réalisateur, Bande annonce. |
Titre : Raging Grace
Année : 2023
Durée : 1h45
Origine : Angleterre / Philippines
Genre : Assujettissement et servitude
Réalisateur : Paris Zarcilla
Scénario : Paris Zarcilla, Pancake Zarcilla
Acteurs : Max Eigenmann, Jaeden Paige Boadilla, Leanne Best, David Hayman, Oliver Wellington, Gabriel Vick, Caleb Johnston-Miller, Eva-Jane Willis, Angelo Paragoso