[Film] Rabid Grannies, de Emmanuel Kervyn (1988)

Tous les ans, les membres d’une famille se réunissent dans la demeure de deux tantes âgées. Une fête familiale qu’ils ne louperait pour rien au monde ! Non pas que les liens familiaux soient très forts mais plutôt pour se placer en tête des dispositions testamentaires, afin d’empocher le pactole des deux vieilles ! Mais cette fois, l’un des concurrents, pourtant mis hors course, a trouvé l’idée géniale pour supprimer tous ses adversaires tout en éliminant les mamies…


Avis de John Roch :
Avant de commencer cette chronique qui pourrait en étonner certains quant à la présence de scènes bien gores dans Rabid Grannies, il est bon de rappeler qu’il existe deux versions du film : une intégrale et une expurgée des moments les plus saignants. L’une est sortie chez nous en VHS chez Kara Film, et même diffusée à la télé sous le titre Les Mémés Cannibales, l’autre sortie chez Troma, qui en a acquis les droits. Contre toute attente, c’est la version distribuée par la firme de Lloyd Kaufman qui s’avère être la version courte du film et c’est malheureusement celle qui circule le plus aujourd’hui. Longtemps considérée comme un director’s cut, cette affirmation a depuis été démentie par le réalisateur. Cette chronique est basée sur la version intégrale de Rabid Grannies. Imaginez que Jean-Claude Van Damme n’ait jamais décroché son rôle dans Bloodsport qui lança sa carrière et rentra bredouille dans sa Belgique natale. C’est ce qui est arrivé à Emmanuel Kervyn, parti aux States pour devenir l’autre « muscles from Bruxelles ». Annoncé dans une poignée de films de kickboxing qui ne se seront jamais tournés, sa carrière d’acteur se résume à un petit rôle dans Kickboxer 2, où il reprend le rôle de Van Damme une trentaine de seconde… pour faire mourir le personnage de Kurt Sloane. On ne peut pas tous réussir, c’est la vie. Mais là où il y a une légère incompréhension, c’est qu’il n’ait pas tenté de percer en tant que réalisateur, car avant de griller sa chance en tant que kickeur de seconde zone, Emmanuel Kervyn a tourné Rabid Grannies pour 150000 dollars, soit un peu plus de 5 millions de francs belges, avec ou sans inflation, c’est une bonne question. Racheté par la Troma donc, qui expurge le film de ses moments les plus gores mais permet une visibilité au métrage, vendu aux quatre coins du globe, dans lesquels il rafle quelques prix, Kervyn livre une série Z tout à fait recommandable, mais il semble que ce que lui a rapporté le film ait été dépensé en billets d’avion et en appart à L.A qui ne lui ont servi à rien. C’est con, il aurait pu les réinvestir dans un autre métrage.

Les grannies du titre sont deux sœurs. Elles sont riches, elles sont vieilles, c’est leur anniversaire. L’occasion pour les futurs héritiers de se pointer pour bien se faire voir afin d’empocher le pactole lorsque les mémés finiront dans la tombe. Parmi eux, on retrouve un curé, un playboy, le directeur d’une usine de préservatifs sur le déclin, un marchand d’arme qui attend autant l’héritage qu’une troisième guerre mondiale, une femme accompagnée de ses enfants et de son peureux de mari, une vieille fille schizophrène, et un couple de lesbienne. Des personnages hauts en couleurs, mais surtout une belle brochette d’hypocrites qui n’hésitent pas à se tirer dans les pattes, non sans humour. Mais alors les mémés dans tout ça, comment elle deviennent cannibales ? Et bien à cause (ou grâce, sinon il n’y aurait pas de film) d’un membre de la famille, gourou d’une secte satanique. Autant dire que dans la haute bourgeoisie ça passe moyen, et il s’est fait purement et simplement blacklisté de la famille, et donc déshérité. Ce dernier offre un cadeau pour se faire pardonner, mais en vérité celui-ci déchaîne un maléfice qui va posséder les mamies, qui vont passer de mémés gentilles et polies à des démons au langage ordurier. Rabid Grannies, c’est un peu Evil Dead chez le troisième age, c’est pépère, la mise en scène est par moment sous anxiolytique, mais quand ça se réveille, Kervyn se réveille également et pond quelques scènes franchement bien foutues. Mais avant ça, il faudra passer outre des acteurs qui n’en sont pas, qui ont joué leur rôle en parlant anglais, la plupart phonétiquement, puis redoublé en anglais, puis re-redoublé dans une VF incroyable. Oubliant la notion de synchronisation labiale, par moment théâtrale, par moment sous prozac, par moment hystérique, parfois les trois en même temps, la VF de Rabid Grannies ravira les fans de doublages à l’ouest et foirés, tout autant que le jeu des acteurs. Il faudra aussi passer outre un rythme en dents de scie, car Rabid Grannies, tout du moins dans ces moments calmes, est juste un film de couloir. On suit des personnages qui vont d’un point A à un point B, parfois en quête d’un autre personnage, parfois pour s’échapper des lieux, mais ce qui est sur, c’est qu’ils n’échappent pas à un montage hasardeux qui passe du coq à l’âne. Heureusement, Rabid Grannies se rattrape sur deux aspects.

L’humour tout d’abord. Bien qu’involontaire la plupart du temps avec cette VF absolument délicieuse et le non-jeu des acteurs, Rabid Grannies recèle de quelques dialogues qui font mouche. Le curé en particulier, qui a les répliques les plus savoureuses, qui se prend les pieds dans sa « saloperie de soutane », quand il ne jure pas que la prochaine confession d’un de ses cousins, il l’aura dans le cul. Ce personnage est réellement drôle, d’autant plus qu’il est joué par un gars à la tronche et à la coupe de cheveux impayables. Ensuite sur le gore, car Rabid Grannies regorge de scènes sanglantes toutes aussi réussies les unes que les autres. Orchestré par un certain Sebastien Hernandez (qui, lui, a fait carrière aux States dans les effets visuels, sur des productions telles que X-men Apocalypse, Blade Runner 2049, Downsizing ou wonder woman 1984), tout juste âgé de 18 ans au moment du tournage, les effets spéciaux sont impeccables et illustrent avec brio les assauts des mémés démoniaques, qui ont toujours le mot pour rire entre deux massacres. Tête dévorée, jambes arrachées, doigts et membres sectionnés, mains coupées qui repoussent aussitôt, le film est rempli de moments craspecs qui font plaisir à voir, d’autant plus que la mise en scène, bien que sous influence (Evil Dead, donc, mais aussi Les Griffes de la Nuit) demeure très correcte. Kervyn réussit même à rendre son film inquiétant le temps d’une scène où une petite fille va faire face à l’une des mamies qui finie très mal, voire cruel lorsqu’un pauvre bougre se retrouve coincé dans un passage trop étroit pour lui et qui n’a plus que ses hurlements en guise de derniers mots. Quant au curé, c’est du coté du comique qu’il faut chercher, celui-ci devant faire face à un dilemme imposé par les mamies : le suicide, ou mourir dans d’atroces souffrances, l’homme d’église doit faire un choix. C’est pour ces moments que Rabid Grannies devient une curiosité à découvrir, un sous Evil Dead par moments bien vénère, par moments drôle, par moments nanardesque, chacun y trouvera son compte.

LES PLUS LES MOINS
♥ Des effets gores qui tachent
♥ L’humour, volontaire ou non
♥ Une mise en scène par moments inspirée…
♥ Des acteurs qui en font des tonnes….
♥ La VF, magique
⊗ Un montage par moments étrange
⊗ Quand ça charcle pas, ça reste un film de couloir
⊗ …mais par moment sous prozac
⊗ … mais par moment sous anxio
Que vous soyez à la recherche d’un sous Evil Dead qui se démarque de son modèle, d’un film gore, ou d’un film potentiellement nanar pour une soirée entre amis, ce film est fait pour vous. Rabid Grannies contentera un large panel d’audience et mérite d’être (re)découvert.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Toute l’ équipe du film et les acteurs ont travaillé gratuitement.
• La plupart de l’équipe sortait de l’école de cinéma avant de commencer à travailler sur le film.
• Dans un récent commentaire audio, Emmanuel Kervyn dit qu’il n’a rien à voir avec les coupes des scènes gores, il n’avait plus d’argent pour retourner aux U.S.A pour vérifier ce qu’il advenait de son métrage.
• Une suite, nommée Rabid Grannies 2: Ravenshore était censée sortir en 2020. Le peu d’infos sur ce film ne permet pas de savoir si le projet est concret. Il existe néanmoins un teaser.


Titre : Rabid grannies / Les mémés cannibales
Année : 1988
Durée : 1h29
Origine : Belgique
Genre : Grannievil dead
Réalisateur : Emmanuel Kervyn
Scénario : Emmanuel Kervyn

Acteurs : Catherine Aymerie, Caroline Braeckman, Richard Cotica, Danielle Daven, Patricia Du Bois, Florine Elslande, Annie-Marie Fox, Bobette joubert, Françoise Lamoureux

 Rabid Grannies (1988) on IMDb


 

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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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