Le seigneur Hosokawa, mégalomane et tyrannique, veut posséder la plus grande toile au monde du Bouddha pour son temple personnel, réalisée par le plus renommé des artistes, le peintre coréen Yoshihide. Ce dernier refuse prétextant qu’il ne peut peindre que ce qu’il voit. Or c’est l’enfer et la douleur que le seigneur lui inspire. Les deux hommes finissent par trouver un compromis et le peintre démarre son travail. Yoshihide, réalisant que ce tableau sera la pièce majeure de son œuvre, est bien décidé à l’achever, peu importe le sacrifice nécessaire…
Avis de Vince2dub :
Magnifique Jidaigeki (genre dramatique) japonais tiré d’une nouvelle, Hell Screen, écrite en 1918 par Ryunosuke Akutagawa ; Auteur également en 1914 du cultissime Rashomon, qui va inspirer le film d’Akira Kurusawa en 1950. Il est considéré comme le père de la nouvelle au japon. Il se suicide en 1927, sa carrière s’arrête brutalement à l’âge de trente-cinq ans… En hommage à son œuvre, en 1935, l’auteur Kan Kikuchi crée une récompense littéraire, le Prix Akutagawa. C’est aujourd’hui l’un des prix les plus prestigieux au Japon.
Portrait of Hell est un grand film, non au sens épique du terme mais dans sa construction, son jeu d’acteurs, sa rigueur technique et sa parfaite maîtrise de l’image. Le scénario, pensé comme un huit clos, est sans temps mort. Sombre et désespéré, il met parfaitement en valeur la déliquescence de l’esprit humain, en proie à une folie destructrice inévitable. Ici, il n’est pas notion de bien ou de mal. Chaque personnage, artiste ou seigneur, possède sa propre vision des choses et brûle d’une même passion : le désir de possession, l’immortalité de leur nom par la renommée. Mais à quel prix ? Le peintre Yoshihide, dans sa folie artistique, est aussi coupable que le puissant Hosokawa. Père attentionné avec sa fille, il est capable de torturer un enfant pour comprendre ce qu’est la douleur, la peur et ainsi, mieux les peindre. Dans ce contexte, il est difficile de s’identifier et d’accorder sa sympathie à un personnage, tant leur parcours est effroyable et inhumain. Mais c’est cette ambivalence qui rend l’intrigue et les relations humaines ainsi décrites riches et complexes, fascinantes de dépravation, qui cloue le spectateur jusqu’au bout, attendant fébrilement la chute inéluctable de l’une des deux parties…
La mise en scène est proche, par ses choix de découpage, du cinéma classique japonais. Dans l’ensemble, il y a peu de plans ; préférant des plans longs qu’un découpage nerveux et détaillé. Très rares sont les gros plans également, manière peut être de refuser ou de limiter l’intimité avec les personnages principaux… Ce qui étonne le plus, c’est l’utilisation de la technique pour signifier le temps qui passe, le cheminement de la pensée ou encore la présence d’éléments fantastiques. Effets de volets, Split Screen (écran séparé en deux), surimpression et bande son en écho en sont quelques exemples. Autant d’éléments modernes de la mise en scène qui s’intègrent parfaitement à la structure narrative.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Bien construit ♥ Le jeu des acteurs ♥ Techniquement réussi ♥ Visuellement beau |
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Une rigueur formelle, une conduite de caméra précise et sans faille, un jeu d’acteurs impressionnant et bouleversant, voilà les composants essentiels de Portrait of Hell. La fin, surprenante de machiavélisme, véritable apothéose esthétique et dramatique, vous glace l’épine et ne peut laisser indifférent. À découvrir ou à revoir, vraiment ! |
Titre : Portrait of Hell / Jigokuhen / 地獄変
Année : 2069
Durée : 1h31
Origine : Japon
Genre : Drame fantastique
Réalisateur : Shirô Toyoda
Scénario : Toshio Yasumi
Acteurs : Kinnosuke Nakamura, Tatsuya Nakadai, Tappie Shimokawa, Yoko Naito, Shun Oide